Les Dieux ont soif paru en 1912 est le grand roman des désillusions politiques.
Paris en 1793. Rappel rapide de quelques faits marquants de l’année : Exécution de Louis XVI, bataille de Valmy et proclamation de la République, instauration de la Terreur gouvernement d'exception qui a donné lieu à des arrestations massives, des exécutions et une surveillance accrue des citoyens.
Evariste Gamelin, jeune peintre obscur et sans le sou, « citoyen actif de sa section et membre du Comité militaire » rêve d’un monde vertueux. Amoureux d’Elodie la fille du marchand d’estampes qui lui achète à bas prix ses tableaux, il est terriblement jaloux de celui qui l’a séduite autrefois sans savoir de qui il s’agit. Parmi ses proches, sa mère avec laquelle il vit ou Brotteaux un vieux libre-penseur désormais ruiné. Un jour, Mme de Rochemaure, ancienne maîtresse de Brotteaux, le contacte pour qu’il l’a mette en relation avec Marat dans l’espoir d’en tirer des faveurs et une protection (elle intrigue avec des financiers), en contrepartie elle le fait nommer juré au Tribunal révolutionnaire. A partir de là, Evariste va devenir de plus en plus intransigeant et impitoyable, pris dans l’ambiance effrayante de la Terreur et poussé par ses excès de pureté, il abandonne petit à petit ses idées premières « Il n’y a que les despotes qui soutiennent que la peine de mort est un attribut nécessaire de l’autorité » et devient un farouche accusateur, envoyant à la guillotine au nom de la lutte contre les ennemis de la Révolution, un innocent qu’il croit à tort être celui qui a abusé d’Elodie et même ses proches… Toutes les révolutions finissent par se retourner contre leurs instigateurs et Evariste en paiera le prix fort aux côtés de Robespierre.
Le peuple a faim, les rumeurs les plus folles circulent (fake news !), l’aristocratie est prise en haine, les tribunaux d’exception condamnent sans relâche, la guillotine chauffe de tant servir, la peur s’installe, les gens perdent tout bon sens et ne savent plus à qui se vouer…
Un superbe roman dénonçant les excès de(s) la Révolution(s) montrant comment les idéaux révolutionnaires se transforment en tyrannie et en violence. Un lucide avertissement contre l'ignorance et la peur qui engendrent la bêtise, le fanatisme et l’escalade des excès mortifères. Une réflexion sur la nature humaine (comment une personne vertueuse peut se transformer en une assoiffée de sang et de vengeance), et les dangers du pouvoir absolu et de l'idéologie extrême.
Un grand classique, hélas intemporel, je ne vous fais pas un dessin…