Alain Guyard, né en 1966, est un écrivain français. Il connaît une enfance au milieu des Manouches et des repris de justice avant d’entreprendre des études de philosophie et des recherches consacrées à l’imaginaire. Alain Guyard a enseigné la philosophie à compter de 1990 mais en 2005, il quitte l'Education nationale, lorsqu'il estime qu'elle est devenue une « machine à rentabiliser » et il décide de prendre la route pour exposer la philosophie dans des lieux où on ne l'attend pas, avec des publics qu'on ne s'attend pas à voir philosopher. Il va mettre en place des ateliers de philosophie dans divers centres pénitentiaires avant d’étendre son champ d’intervention à partir de 2010 aux milieux psychiatriques, hospitaliers, aux unités de soins palliatifs, aux centres d’hébergements et foyers de jeunes sous protection judiciaire. Enfin, à partir de 2014 il vagabonde de foire en festival, de bistro en barnum, et transforme l'enseignement de la philosophie en une performance canaille et populaire. Anarchiste, il a appartenu à la Confédération nationale du travail dix ans durant. Un parcours atypique qui explique en partie le contenu de son nouvel ouvrage, Ma Cabane sans peine, qui vient de paraître.
Alain Guyard s’est acheté un mazet dans la garrigue cévenole, une petite construction rurale à pièce unique et à couverture de tuiles. L’électricité provient de panneaux solaires, pour les toilettes, la campagne alentour fait l’affaire. Le bourg le plus proche est à une heure de marche. Un endroit idéal pour concocter ce petit bouquin dispensant des leçons de sagesse ?
C’est l’instant où vous vous dites, encore un bouquin d’ermite qui va nous vendre ses petits oiseaux et ses couchers de soleil, la nature notre maman à tous et tutti quanti ! Tsss ! Tsss ! Si vous aviez bien lu la courte biographie du mec en début de billet, vous auriez des soupçons et vous auriez raison ! Certes, il y a bien les passages prévus sur la nature environnante et le calme de son Eden, ça c’est l’emballage, le papier argenté du paquet, le cadeau lui est beaucoup plus étonnant pour ne pas dire piquant voir raide.
Et Guyard de casser et moquer, la littérature de genre, de Henri David Thoreau à Sylvain Tesson (« Sa baraque doit sentir la vieille literie viking du XIVème siècle »), « l’ermite est toujours un poil réac », « la littérature de cabanon, qui doit tant à Bricorama et à l’Orient ». Le mythe du wilderness américain en prend aussi pour son grade avec John Muir (fondateur des parcs nationaux) qui « s’extasie d’abord devant le munificence de la nature pendant quarante pages… avant d’y foutre le feu pour ouvrir un pâtis. » Et de s’interroger « pourquoi les écrivains en leur cabane au fond des bois ne parlent-ils jamais de leur libido ? »
Les écrivains ne sont pas sa seule cible, les parisiens en vadrouille morflent aussi, « c’est drôle, cette insistance des Parigots à chercher des bords de Marne au sud de la Durance ». Et son ironie piquante de continuer ainsi tout du long, profitant de ses voisins (vrai ou faux, qu’importe), les locaux taiseux, les randonneurs de passage, le gourou bidon et ceux qui recherchent la sagesse (« Le zen, ou l’art d’être con comme la lune »). Parfois le lecteur s’interroge à son tour, Guyard est-il toujours dans l’humour quand il pastiche (?) Sandrine Rousseau (« on voit bien que couper un arbre consiste en un apprentissage de la masculinité toxique et se résume à une opération punitive contre un phallus plus gros que le sien »).
Le bouquin est très bien écrit, avec de jolis mots rares (rugination, temps noachides…) et surtout il est très amusant même si parfois on trouve qu’il pousse le bouchon un peu loin.