Trois amis décident d’une petite virée sur la Tamise pour s’aérer et se sortir de leur vie de bureau qu’ils estiment trop fatigante. Jerome le narrateur et son fox-terrier Montmorency, George qui aime bien boire un coup et Harris un costaud pas très poète. De la banlieue de Londres jusqu’à Oxford, ils vont remonter le fleuve dans une barque.
Les amateurs de navigation fluviale risquent d’être déçus par contre si vous êtes adeptes de l’humour anglais et prêts à sourire, vous êtes à la bonne adresse. Tout le récit est une succession de gags visuels et d’humour, des préparatifs du voyage (liste de leur nécessaire tellement imposant qu’on ne comprend pas comment il peut tenir dans le canot) au départ plus que laborieux et retardé par une panne d’oreiller, comme une mise en bouche, la suite sera tout autant farfelue et saugrenue.
Le roman est basé sur une expérience personnelle de l’écrivain et ses amis du récit sont sous des pseudos, ses vrais amis. Le texte est assez dense, enchainant et mélangeant la gentille folie de nos marins d’eau douce avec force engueulades et bévues car ils ne sont pas vraiment doués pour ce genre d’aventure, situations extravagantes etc. avec un incalculable nombre de digressions revenant sur des actions passées (« J’étais un jour, je me rappelle… ») sur les sujets les plus divers mais toujours amusantes.
Même quand le voyage se prête à des digressions historiques par ses monuments ou villages traversés, l’humour passe toujours la tête par la fenêtre, l’interprétation de l’Histoire avec Henry VIII et Anne Boleyn ou encore « Il y a dans l’église de Walton, un « bride-mégère » de fer. On employait ces instruments, jadis, pour dompter les langues féminines. On y a renoncé, depuis. Je suppose que le fer est devenu rare, et qu’on n’a pas trouvé d’autre métal assez résistant. »
Je résume, un roman fait d'anecdotes comiques voire hilarantes, de gags très visuels et de digressions éclectiques dans la même tonalité avec en arrière-plan discret une légère critique sociale de la société victorienne, quelques réflexions philosophiques et une ode à l’amitié. Un classique de l’humour britannique.
PS : Avec ce roman on voit tout ce que lui doit Philibert Humm pour le sien (Roman fleuve).
« L’avantage de l’Irish stew, c’est qu’il vous débarrasse d’un tas de choses. Je dénichai deux œufs qui s’étaient cassés, et on les ajouta. Ils épaissiraient la sauce, nous dit George. J’ai oublié les autres ingrédients, mais je sais que rien ne fut perdu, et je me souviens que vers la fin, Montmorency, qui avait suivi notre manège avec le plus vif intérêt, s’éloigna d’un air grave et pensif et réapparut quelques minutes plus tard, portant dans sa gueule un rat d’eau crevé, qu’il souhaitait évidemment nous offrir comme sa contribution personnelle au repas. Etait-ce dans une intention ironique ou par désir de bien faire ? Je l’ignore. »
Traduction par Déodat Serval