Gospel : le pouvoir fantastique des histoires

Gospel pouvoir fantastique histoires
 Will Morris réussit à faire de Gospel une histoire vraiment bien conçue et agréable à lire, en s'appuyant sur un noyau thématique simple mais fort (le pouvoir du récit à travers les siècles, la légende qui se structure) et en l'enveloppant d'une véritable quête religieuse et d'un peu de fantasy/aventure décomplexée. Le personnage principal de cette histoire est une jeune intrépide du nom de Matilde, qui a pour principal ambition de devenir une gloire locale à Rumpstead, le village où elle habite. Il faut dire qu'elle est particulièrement entreprenante, ne semble avoir peur de rien et qu'à chaque fois qu'elle accomplit quelque chose de notable, elle peut compter sur l'aide du jeune barde local, Pitt, dont le talent principal est la capacité d'exagérer, de déformer, de rendre aussi intemporelles qu'épiques les petites prouesses du quotidien. Pitt et Matilde sont deux orphelins qui ont été recueillis dans le giron de l'Eglise, par le prêtre local, mais les temps sont durs ! Nous sommes en Angleterre au 16e siècle et la séparation de l'Église catholique romaine et de l'église Anglicane va forcément faire des dégâts, déclencher représailles et chasses au sorcières. Oui, la bande dessinée permet aussi, même dans les ouvrages les moins évidents, d'aborder des sujets et des préoccupations contemporaines. Le sort des villageois les plus pauvres, l'ignorance et la superstition, les jeux de pouvoir, sont quelques-uns des ressorts qui vont faire avancer l'action dans Gospel, une œuvre déroutante, dont on a le plaisir de dire qu'elle ne ressemble à rien d'autre aperçu ces temps derniers. 
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C'est qu'à un moment donné le Diable - ou en tous les cas une créature à tête de bouc qu'on suppose tragiquement humaine - vient se mêler à cette histoire. L'église de Ruimpstead brûle et la question qui se pose et de l'abandonner pour reconstruire ailleurs, ou de résister. En mettant la main sur le marteau de Saint Rumpus, censé venir à bout de la présence infernale. En fait, tout le discours de Will Morris revient à aller chercher au fond de soi la force pour dépasser ce que l'on est censé être, puiser dans l'hubris pour atteindre une nouvelle version idéalisée de soi, ou au contraire avoir la force de renoncer à l'orgueil, choisir l'humilité de ne pas vouloir l'impossible, pour se concentrer sur le bonheur tout simple mais réel (l'amour, dans le cas de Pitt, qui va devoir prendre une décision avant qu'il soit trop tard). L'ensemble est réellement très beau, chaque planche approchant une forme de perfection formelle grandement appréciée, mise en valeur par le grand format d'Urban Comics, le même employé récemment pour Hitomi, que nous avons chroniqué également. C'est d'ailleurs tout sauf un hasard si le mot "comics" n'apparaît pas et qu'il s'agit désormais de placer les récits indépendants sous les yeux de tous les amateurs de bonne bande dessinée, dans un format et avec un standard qualitatif susceptible d'éveiller l'intérêt, bien au-delà des frontières de nos amis les super-héros. Par ailleurs, la couverture est sublime, avec cette évocation intelligente des enluminures d'autrefois, un effet relief de très bon aloi, ce qui permet d'obtenir au final un objet aussi réussi sur le fond que sur la forme (n'oublions pas des pages bonus très pertinentes sur la génèse de l'œuvre). Cela sera suffisant - ou pas - pour susciter la curiosité des lecteurs et leur donner envie d'investir 20 euros dans Gospel ? La réponse ne dépend pas de nous mais du budget de chacun et de l'envie réelle de lire en dehors des clous. Nous, on ne fait que transmettre la nouvelle, on ne peut vous obliger à rien, juste vous inciter à rester éveillés et sur le qui-vive.

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