Josse Goffin. (c) Christian Carez
J'apprends avec tristesse le décès de Josse Goffin ce 9 juillet à l'âge de 85 ans. L'artiste belge qui était né le 2 novembre 1938 à Bruxelles souffrait d'un cancer. Il est l'auteur d'innombrables dessins, affiches, illustrations de livres pour enfants, graphismes, etc... dans un style graphique aisément reconnaissable. Précision de la ligne, géométrie même, choix de la couleur, aquarelle, pastel ou crayon, poésie et humour. Avec toujours l'idée que "inventer, c'est penser à côté". Et sa signature en pattes de mouche.
Œuvre. (c) Josse Goffin.
Travailleur acharné tout au long de sa vie, il présentait encore deux expositions l'été dernier. L'une à la galerie Wery à Dinant, l'autre à la galerie Quadri à Bruxelles. Entre autres multiples activités, il avait aussi participé au Picture Festival bruxellois 2022 (lire ici). En chacun de ses lieux qui lui étaient momentanément dédiés, on l'y voyait, calme et souriant, toujours accompagné de sa merveilleuse épouse Lili. On le croisait aussi aux vernissages d'autres artistes. Non seulement ceux, nombreux, qu'il avait formés mais aussi ceux dont il était curieux.
Josse Goffin étudie à Saint-Luc puis est diplômé en 1957 en graphisme à l'École Nationale Supérieure d'Arts Visuels de la Cambre. Il y sera enseignant vingt ans plus tard, de 1977 à 2004, à l'atelier de communication graphique, section narration et dessin d'humeur. Bienveillant comme lorsqu'il présidait des jurys. En parallèle, il avait ouvert son propre studio graphique qui lui a permis de déployer son propre éventail: dessinateur, graphiste, affichiste dans les secteurs culturel et publicitaire, concepteur de génériques d'émission de télévision ou de pochettes de disque, graveur, auteur/illustrateur de livres pour la jeunesse.
Quelques-uns des travaux de Josse Goffin.
Couverture du magazine "graphis".
Œuvre. (c) Josse Goffin.
Pochette pour Julos Beaucarne.
Affiche pour le prix Bernard Versele.
Une deuxième réponse graphique en dépliant le rabat. (c) Kalandraka.
Avec les années 2000, ses images libres investissent les galeries d’art et autres lieux d’expositions, en parallèle à l'édition de livres d’artiste et de poésie. L'ouvrage "Josse Goffin - Inventaire" (Racine) retraçant sa carrière de graphiste, affichiste et auteur/illustrateur de livre pour la jeunesse, paraît à l'occasion de la rétrospective de son travail au Centre d'Art de Rouge-Cloître à Bruxelles en 2010.
Voilà ce que j'écrivais dans "Le Soir" le 2 mai 1992, au retour de la Foire de Bologne, il y a plus de quarante ans!
UN GRAPHISTE À L'HONNEUR
BOLOGNE
Josse Goffin remporte le prix 1992 de la Foire de Bologne
De notre envoyée spéciale
Pour la première fois, un Belge a remporté le prix graphique de la Foire de Bologne, cette manifestation annuelle consacrée exclusivement à la littérature enfantine.Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions de "Oh!" (Réunion des Musées nationaux), ce livre dont chaque début d'image peut se poursuivre de deux façons selon que le rabat de la page est déplié ou non. Un album-plaisir pour les petits comme pour les grands, un livre d'art qui ne se prend pas au sérieux. Pas plus que son auteur, Josse Goffin, mieux connu comme graphiste via son affiche pour le Salon des vacances (l'oiseau surmontant une mappemonde). Le Bruxellois a été d'autant plus surpris par cette récompense qu'il ne s'intéresse que depuis peu au livre pour enfants.
- Comment êtes-vous venu à ce domaine de la littérature?
- Par hasard. Anne Baronian (ndlr: créatrice de Rainbow Graphics, une société faisant du livre clé sur porte et le vendant prêt à imprimer à des coéditeurs) m'a proposé de faire un livre pour enfants. Finalement, j'ai fait un livre et puis un deuxième et puis un troisième. Le premier a été "Noël sans parole" (neuf versions, la seule à texte publiée en français chez Centurion) qui a été un très grand succès.
- Vous faites aussi des affiches...
- Oui, des affiches, des couvertures de magazines, de livres, des génériques de télévision. Comme celui de l'émission "Autant savoir", qui montre une succession d'éléments qui se transforment.
- Comme "Oh!"?
- Exactement!
- Quelles sont vos autres activités?
- Je suis prof à La Cambre. Actuellement, je donne l'art de l'affiche, un cours que je veux avant tout de récréation créative.
- Avez-vous de nouveaux projets de livres pour enfants?
- Plein, dont un projet que je viens de présenter en Italie. Je dois faire du très bon boulot, surtout après le prix de Bologne.
- Quel est l'impact de ce prix?
- Je suis content de l'avoir eu mais je suis surtout content pour mon éditrice qui est une nouvelle indépendante.
- On retrouve les mêmes thèmes dans vos dessins, le poisson, la lune, le bateau, le canard...
- C'est vrai. J'ai une ménagerie à moi que je ne peux pas expliquer. Par périodes reviennent des éléments semblables.
- Quelle technique utilisez-vous?
- Plusieurs: du papier Canson vergé ("C'est qui le chef?" dont j'ai eu l'idée pendant la guerre du Golfe et qui est publié chez Centurion), du papier Kraft ("Oh!" et "Ah!"). Je dessine parfois sur du papier d'emballage que je découpe. Je travaille le crayon de couleur, le pastel, l'aquarelle. J'ai tout un choix de papiers dont je suis un grand amoureux. Il m'arrive même d'en ramasser dans les poubelles!
- Avez-vous des souvenirs de livres de votre propre enfance?
- De livres vraiment pour enfants, non. Je suis comme tout le monde, admirateur de Maurice Sendak, de Tomi Ungerer. Ce sont des graphistes, des créateurs qui se prennent une petite gâterie dans leur vie en travaillant pour les enfants. Pour moi, ils sont de grands communicateurs qui ont énormément de choses à dire, aux enfants ou aux adultes.
- Que pensez-vous de la production actuelle?
- "Plouf" de Philippe Corentin (l'école des loisirs, prix des critiques de la Communauté française de Belgique) est un livre superbe à mes yeux. Je suis plus attiré par des concepts nouveaux que par des histoires. C'est une déformation de graphiste.
- Comment le public réagit-il à "Oh!"?
- Je suis très surpris: autant d'adultes que d'enfants s'intéressent à ce livre. Ma plus grande satisfaction a été le fait suivant: quand «Oh!» est sorti, j'étais à Paris avec ma femme, dans une librairie de St-Germain; on a vu un couple de gens âgés s'asseoir sur l'escalier, regarder le "Oh!" et rigoler. Cela c'est le plus grand cadeau que l'on puisse me faire.
LUCIE CAUWE
Dans "Oh!", une tasse devient un bateau. (c) RMN.
D'autres documents graphiques sur le site de Josse Goffin (ici).
Vœux 2017. (c) Josse Goffin.