Gordon Williams : Les Chiens de paille

Gordon Williams, Gordon Maclean Williams (1934-2017) est un écrivain écossais. Il a travaillé comme journaliste à Londres, écrit pour la télévision, été le "nègre" à l'origine des biographies des footballeurs Bobby Moore et Terry Venables. Gordon Williams est l'auteur de plus de vingt romans dont Les Chiens de paille (1969) qui l’a rendu célèbre et qui sera adapté au cinéma par Sam Peckinpah (1971) avec comme acteurs principaux Dustin Hoffman, et Susan George.

Décembre 1969. George Magruder, professeur américain de littérature s’est installé pour une année sabbatique avec sa famille dans une ferme isolée d’un petit village des Cornouailles. Il compte y finaliser son essai sur un poète du XVIIIème siècle en s’imprégnant de l’air ambiant, faire profiter son épouse Louise, Anglaise, d’un retour dans son pays natal et leur fillette Karen d’un Noël anglais. Le bled n’est guère accueillant, les paysans y vivent entre eux, tout voyageur de passage est un étranger, alors un « Ricain » c’est presque un Martien.

Henry Niles, est interné à vie depuis dix ans, malade mental et simple d’esprit ayant assassiné trois enfants dans le passé. Lors d’un transfert pour soin, l’ambulance prise dans une tempête de neige a un accident et Niles s’échappe. George qui passait par là en voiture, aveuglé par la tempête le renverse et le ramène chez lui pour le soigner, ignorant son identité. En téléphonant pour réclamer un médecin, le village est averti de la présence de Niles chez l’Américain. Une poignée de villageois, inquiets d’une gamine disparue de la fête paroissiale, Janice, voient dans Niles le coupable idéal, récidiviste de surcroît. Excités par l’alcool et leur bêtise naturelle, ils se ruent chez les Magruder dans une expédition vengeresse… La neige tombe drue, les routes sont bloquées, les Magruder vont devoir affronter une bande d’excités, tout en abritant un pervers sexuel assassin et débile !

Un excellent roman.

Le récit débute gentiment, fait de copieux détails sur la vie locale, pour que le lecteur s’imprègne de la mentalité des villageois, guère fréquentables pour ceux qui nous sont présentés. De leur côté, les Magruder ont des relations tendues, Louise reproche beaucoup de choses à son époux, un intellectuel peut-être un peu trop plan-plan pour elle, Karen leur fille s’ennuie ici, loin de ses copines américaines et victime de l’ostracisme de ses camarades de classe anglaises.

Dans la seconde partie du roman, l’angoisse va monter crescendo parallèlement au déchainement de la violence jusqu’au dénouement. Niles qui s’évade, Janice une gosse qui disparait et le siège de la maison des Magruder. L’intérêt du roman tient dans la psychologie des acteurs : les têtes qui s’échauffent aidées par l’alcool, les soupçons infondés liant la disparition de Janice et Niles, le lynchage comme seule solution pour régler entre eux le problème. Dans la maison, ce sont les critiques permanentes de Louise envers son époux, prête à livrer Niles aux assaillants pour sauver sa famille, tandis que pour George « toute sa vie, il avait combattu la violence, signé des pétitions, écrit des lettres, soutenu une conviction souvent impopulaire dans les débats. La violence était une obscénité. » Longtemps il parlementera mais quand l’assaut sauvage deviendra intenable et qu’il réalisera que les assaillants ne vont pas s’en prendre qu’à Niles mais à tous les habitants pour ne pas laisser de témoins, George endossera le costume du héros et contre ses principes moraux qui ont régi toute sa vie, lui aussi à son tour va devoir faire preuve de violence.

Un très bon roman, dramatique, haletant et chaudement recommandé.