Dès les premières lignes, des souvenirs d'enfance parfumés remontent à la surface: les fleurs des champs, la rosée du matin qui effleure la terre désséchée, les granges de foin... Dans le cadre idyllique de l'Ariège, Alexandrine Loubet retrouve sa terre natale où elle espère se reconstruire après un burn-out. L'ex professeure des écoles âgée de quarante ans donne sa démission et décide sur un coup de tête ou de coeur de retourner à Cominac, le village de son enfance. " Quand on a cessé de chercher, on ne peut se perdre " écrit-elle. Mais s'adapter à cette région rigoureuse, à cette Terre Courage, est d'abord une épreuve physique, dans laquelle elle se surpassera pour retrouver une énergie salvatrice.
L'autriceconvoque une mémoire affective qui oscille entre nostalgie et mélancolie. De chapitre en chapitre, elle nous propose de brèves incursions dans les tiroirs d'une commode emplie de souvenirs. Au fil des pages, elle pose son regard enchanté sur le village de ses ancêtres et convoque une galerie de portraits de gens du pays, qui ont en commun l'adjectif " vaillant " qualifiant à juste titre chaque habitant de la région. Entre le passage du camion épicerie et quelques escapades à travers champs, on croise donc l'oncle Jean-Marie qui joue de la mazurka, Huguette la dame au tablier, Guy le minimaliste au coeur pur, Claude l'octogénaire chasseur de taupe et ramasseur de feuilles mortes ou encore René et Nicole, parisiens ayant succombé aux charmes de l'Ariège. Quelques cousins d'outre-atlantique semblent eux aussi ne pouvoir résister au pouvoir d'attraction de la région, tels que Stacy l'expatrié américain ou encore Romi la trompettiste new-yorkaise qui entonne de vieux airs de jazz dans les ruelles de Cominac pour redonner vie à ses souvenirs.
La quête identitaire d'Alexandrine passe par les avenues new-yorkaises, sur les traces de son ancêtre Alexis, montreur d'ours lui aussi expatrié outre-atlantique, et la mène jusqu'à l'Ariège profonde où elle retrourne aux sources, à l'essentiel. L'Ariège a la saveur d'une liberté retrouvée. Mais écrire un livre qui témoigne de ses racines est un parti-pris qui peut " creuser un fossé " avec sa propre famille, le choc des cultures sûrement et deux mondes s'opposent un instant mais finalement marchent côte à côte.
Alexandrine Loubet possède une âme d'artiste capable d'écrire en un (premier) roman la chanson de tout un pays. Le murmure des ancêtres célébre la préciosité de la nature, trait d'union avec nos aïeuls, car la toile tissée au fil des générations est plus solide qu'on ne le pense. Je remercie Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse Critique non fiction.