Tous les héros s'appellent PHÉNIX
Jérémie ROYER
D'après le roman de Nastasia RUGANI
Éditions Rue de Sèvres, mars 2020
144 pages
Thèmes : Famille recomposée, Fratrie, Violences familiales, Entraide, Premières amours
Phénix et sa petite sœur Sacha vivent dans une maison de l'autre côté du lac. Leur père est parti depuis plusieurs mois en mer et elles attendent de ses nouvelles, quand leur mère, Erika, est souvent absente.
Elles sont débrouillardes mais ce soir-là, elles acceptent d'être ramenées chez elles par M Smith, le professeur d'anglais et professeur principal de Phénix. D'un abord très sympathique, il gagne la confiance de Sacha qui parle beaucoup.
Petit à petit, M Smith, qui désire être appelé par son prénom Jessup, se fait de plus en plus présent : il se propose d'emmener et de ramener les filles, il reste à dîner, conquiert Erika, puis vient s'installer dans la maison.
Au collège, il est comme à son habitude.
En parallèle, Phénix n'ose pas aborder Merlin, un garçon blond d'une autre classe qui lui plaît et à qui elle semble plaire.
Tout est pareil mais rien n'est comme avant.
Malgré sa prévenance constante, son amabilité, sa serviabilité et son sourire, Phénix demeure méfiante vis-à-vis de M Smith. Quelques mots, quelques gestes, quelques remarques ont éveillé en elle un sentiment diffus, un malaise indicible.
Un malaise qui va croissant, qui la terrifie et la fige.
Certains matins, je suis déçue de ne pas m'être dissoute dans la nuit.
Adapté du roman éponyme de Nastasia Rugani, mais que je n'ai pas lu, cet album aborde avec pudeur l'emprise psychologique et physique qui va croissante, débouchant sur des violences, des phrases et actes manipulateurs, le repli sur soi, l'isolement social.
Heureusement, les deux sœurs, aux caractères bien distincts, peuvent compter l'une sur l'autre et s'entraider.
Le sujet est fort et déchirant, il est abordé avec pudeur et de manière progressive, cependant, le scénario m'a semblé plusieurs fois incohérent et incomplet. Outre les nombreuses ellipses, la situation du couple parental n'est pas claire, les longues absences répétées de la mère (qui est appelée par son prénom par ses filles) ne sont pas expliquées, il semble régner une certaine distance entre elles trois, visible dans le dessin : pas d'embrassades, ni de sourires, ni de confiance.
Les parents de Merlin sont des amis de la famille, ce qui suppose que Phénix et Merlin se connaissent et se côtoient en-dehors du collège, pourtant, ils semblent inconnus l'un à l'autre quasi tout le temps de l'album.
Côté dessins, bien que le découpage et les cadrages soient de facture classique, j'ai beaucoup aimé le trait de Jérémie Royer ainsi que les couleurs employées. Les personnages sont aisément reconnaissables, comme les lieux, les émotions transparaissent et les expressions faciales et corporelles parfaitement identifiables dans toutes leurs nuances.
Un avis mitigé donc mais qui ne m'ôte pas l'envie de découvrir le roman originel, d'autant que j'avais énormément aimé l'écriture de Nastasia Rugani avec (le si dur et poignant) Je serai vivante.