Éditions Michel Lafon, 2003 (280 pages)
Ma note : 13/20Quatrième de couverture ...
Voici le témoignage exceptionnel de celle qui fut, à maints égards, la dernière incarnation d'un art de vivre séculaire. Jugée digne, à l'âge de trois ans, de devenir l'héritière de la " maison de geishas " la plus prisée de Kyoto, Mineko Iwasaki décide de quitter ses parents pour les sauver de la misère. On lui apprend la danse, la musique, la calligraphie, la discipline. Mais elle découvre peu à peu, derrière les kimonos de soie et les réceptions prestigieuses - où magnats de l'industrie, monstres sacrés du cinéma et têtes couronnées se disputent sa compagnie -, que la condition des geishas, peu instruites et soumises au bon vouloir de leurs clients, n'évolue pas dans le Japon post-féodal...La première phrase
" Rien ne me destinait à devenir geiko. Car une geiko de premier rang vit sous le feu des projecteurs, alors que j'ai passé mon enfance à me cacher dans des cabinets noirs. "
Mon avis ...
Ne connaissant rien (ou presque) à la culture japonaise, ma lecture de ce récit autobiographique est un premier pas pour réparer cet impair. Je vous l'avoue tout de go : ce fut une belle expérience, tant j'ai appris sur l'univers des geikos (geishas) ! Dans nos représentations occidentales, il n'est pas rare de nous imaginer des visages blancs ; de magnifiques kimonos, parures d'un autre temps ; ou encore des chignons à la construction sophistiquée. La figure de la geisha reste également associée à celle de l'escort-girl de luxe. À tort, comme nous l'explique Mineko Iwasaki.
Celle-ci voit le jour à Kyoto, en 1949. Sa famille entretient des relations avec l'une des plus célèbres okiyas (maisons de geishas) de la ville. Rapidement, le destin de Masako bascule. Madame Oïma, propriétaire de la maison Iwasaki, la repère lors d'une visite et voit en cette petite fille sa future héritière. Masako a alors cinq ans. Pour sauver ses parents de la misère, mais aussi parce que le statut d' atotori (héritière) était plus que convoité, elle accepte de quitter sa famille pour l' okiya.
Masako devra endurer de lourds sacrifices. Renoncer à sa vie d'avant. Changer de nom, pour devenir Mineko Iwasaki. Couper le lien avec ses parents qu'elle ne verra quasiment plus. Mineko entame alors une longue formation qui la conduira à une carrière de geiko. Au fil des pages, l'occasion nous est donnée d'en savoir plus quant aux exigences et à la discipline de fer que cet univers requiert. L'autrice finira d'ailleurs par y renoncer puisqu'elle entamera une retraite anticipée à l'aube de ses trente ans.
J'ai grandement apprécié cette lecture pour son côté documentaire et récit de vie. Danse, musique, cérémonie du thé, théâtre Nô, subtilités de l'étiquette : la geisha est avant tout une dame de compagnie qui maîtrise à la perfection toutes les disciplines des arts traditionnels japonais. Elle se doit de divertir, à l'occasion de banquets, quelques invités (souvent fortunés et triés sur le volet). Les revenus font tourner l' okiya, payent les factures ou encore les kimonos de travail (qui, on l'apprend ici, pèsent plus de vingt kilos et coûtent plusieurs milliers d'euros).
Mineko nous fait ici entrer dans un univers extrêmement fermé, très codifié, où nul pas de travers n'est toléré et où la hiérarchie tient une place importante. L'autrice s'en défend mais, à mes yeux, l'art de divertir qu'elle nous décrit apparaît davantage comme un sacerdoce, un véritable état de servitude. J'ai en tout cas aimé suivre son parcours tant j'ai été émue par cette petite fille qui se doit, pour survivre économiquement, de quitter sa famille, sa maison, ses repères. Certains passages sont d'ailleurs terribles et m'ont littéralement scandalisée.
L'autrice décrit également comment elle traverse son adolescence, mais aussi le lien qu'elle pouvait entretenir avec les clients. Si les hommes sont invités lors de prestigieux banquets, aucun d'entre eux n'est amené à s'établir à l' okiya. Les relations sexuelles ne sont pas autorisées. Et l'on découvre que la vie en communauté, exclusivement féminine donc, est loin d'être harmonieuse tant s'entretiennent tensions et rivalités.
Ma vie de geisha fut donc une lecture instructive tant son contenu est passionnant. Seul bémol : la narration. Certains événements nous sont contés de manière succincte ou beaucoup trop factuelle ce qui, à mes yeux, dessert l'ensemble.
Extraits ...
" Dans mon pays, le Japon, il existe des quartiers consacrés aux arts du divertissement et au plaisir esthétique, où vivent et travaillent des artistes à la formation d'une impeccable rigueur. On les appelle des karyukai. Karyukai signifie "monde des fleurs et des saules ", car si la geisha est une fleur parmi les fleurs, elle possède aussi la grâce, la souplesse et la force d'un saule.
Au cours de nos trois siècles d'histoire, une convention tacite ancrée par la tradition et le caractère sacré de notre profession nous a imposé le silence. L'heure est toutefois venue pour moi de dévoiler nos secrets. "