Résumé :« Quand tu prononces un mot comme celui-ci, tu ne peux plus faire marche arrière. Fais comme s’il ne s’était rien passé. C’est plus simple comme ça. Plus simple pour toi. »
Emma a dix-huit ans, c’est la plus jolie fille du lycée. En plus d’être belle, elle est pleine d’espoir en l’avenir. Cette nuit-là, il y a une fête, et tous les regards sont braqués sur elle.
Le lendemain matin, ses parents la retrouvent inanimée devant la maison. Elle ne se souvient de rien. Tous les autres sont au courant. Les photographies prises au cours de la soirée circulent sur les réseaux sociaux, dévoilant en détail ce qu’Emma a subi. Les réactions haineuses ne se font pas attendre ; les gens refusent parfois de voir ce qu’ils ont sous les yeux. La vie d'Emma est brisée ? Certains diront qu'elle l'a bien cherché.
Mon avis :TW = Slut shaming ; scène de viol explicite et racontée ; agression sexuelle ; utilisation de drogues récréatives ; harcèlement moral ; tentatives de suicide.
Quelle histoire saisissante !L’héroïne a été agressée sexuellement, par des proches, alors qu’elle était inconsciente. Elle ne se souvient de rien, mais les milliers d'images postées sur les réseaux sociaux l'attestent.
Malmenée entre déni, culpabilité, honte et pression du regard de l’autre, l'héroïne nous emmène dans son marasme. Ses agresseurs se sentent intouchables, quand elle ne vit que pour le prochain somnifère !
L’autrice a fait, dans ce roman, une démonstration cinglante de la rivalité féminine et fait le pari monstrueux de nous convaincre dans la première partie que l’héroïne est insupportable. Elle est arrogante, égoïste et horrible avec ses proches.Comment ne pas la détester ?Alors, comme c’est une fiction, on voit que c’est une ficelle de style : évidemment l’autrice tente de nous mettre en dilemme.
Et pourtant, quand arrive le crime, elle ne laisse aucune place à la connerie, elle déconstruit la culture du viol avec la puissance d’un bulldozer. Pas de place à la finesse. Les termes sont explicités.S’ils ont le temps de se gargariser de leur crime, alors nous n’avons pas celui du dilemme.Elle est là, la leçon de ce livre, s’il ne faut en retenir qu’une.
Ce roman, traduit en 2018, répond à tant d’autres lus depuis. Je pense à :
- L'éveil d'Erica Strange de Cassie Gustafson (Pocket jeunesse, 2022)
- The Way I Used to Be d'Amber Smith (Gallimard-Jeunesse, 2023)
- Dear Ava d'Ilsa Madden-Mills (Plumes du Web, 2022)
À la différence de tous les titres que j’ai lus jusqu'ici, dans celui-ci, l’héroïne n’a pas de béquille sur qui se reposer, le soutien familial est bancal et elle a perdu toutes ses amies. C’est douloureux à lire parce que ça crie une réalité qui existe, et qui est peut-être majoritaire loin de notre entre-soi militant ?D’une certaine manière, la conclusion répond à ce contexte.L’autrice va dans le sens de la véracité, mais honnêtement, je ne crois pas que cette fin serve le mouvement. Elle est purement performative.
Malgré tout, pas de coup de cœur pour ce livre, parce qu'il y a une ou deux répliques qui relèvent du racisme ordinaire. Et là aussi, pas de dilemme, convergence des luttes ou pas le temps pour ces conneries.
Ce titre rejoint ma sélection « La romance, un outil au service des luttes féministes ! » à retrouver dans le webzine Les Romantiques du mois de Juin 2021
Pour rappel La culture du viol [kyltyʁ dy vjɔl] n. f. — Ensemble de comportements qui banalisent, excusent et justifient les agressions sexuelles, ou les transforment en plaisanteries et divertissements. Le corps des femmes y est considéré comme un objet destiné à assouvir les besoins des hommes. Les commentaires sexistes abondent et ils créent un climat confortable pour les agresseurs. Dans une telle culture, la responsabilité de l’agression repose sur la victime, dont la parole est remise en cause.
Source : https://csf.gouv.qc.ca/article/publicationsnum/bibliotheque-des-violences-faites-aux-femmes/culture-du-viol/
Pour aller plus loin, à lire "16 façons de lutter contre la culture du viol" :https://www.unwomen.org/fr/news/stories/2019/11/compilation-ways-you-can-stand-against-rape-culture
Au plaisir.
Aux survivantes : On vous croit. Toujours. #MeToo.
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