Les sources - Marie-Helène Lafon
Buchet ChastelParution : 05/01/2023Pages : 128Isbn : 9782283036600Prix : 16.50 €
Présentation de l'éditeur
La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n' entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu. Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée.
Marie-Hélène Lafon
Marie-Hélène Lafon est une professeure agrégée et écrivaine française.
Née dans une famille de paysans, elle est élève à l'Institution Saint-Joseph (collège) puis à La Présentation Notre-Dame (lycée) deux pensionnats religieux de Saint-Flour.
Elle part ensuite étudier à Paris, à la Sorbonne, où elle obtient une maîtrise de latin et le CAPES de lettres modernes. Elle obtient également un Diplôme d'études approfondies (DEA) à l'Université Paris III-Sorbonne Nouvelle puis un doctorat de littérature à l'Université Paris VII-Denis Diderot.
Elle devient agrégée de grammaire en 1987. Elle enseigne le français, le latin et le grec dans le collège Saint-Exupéry, Paris 14e, en banlieue parisienne, dans un collège situé en Zone d’Éducation Prioritaire, puis à Paris, où elle vit.
Elle commence à écrire en 1996, à 34 ans. Son premier roman "Le soir du chien" (2001) est récompensé par le prix Renaudot des lycéens en 2001.
Elle avait précédemment écrit des nouvelles - pour lesquelles elle ne trouvait pas d'éditeur - dont "Liturgie", "Alphonse et Jeanne", qui seront publiées l'année suivante dans le recueil "Liturgie" (2002), récompensé par le prix Renaissance de la Nouvelle en 2003. Elle préside le prix littéraire des lycéens de Compiègne en 2003-2004. En 2015, le téléfilm "L'Annonce" est adapté de son roman éponyme de 2009, réalisé par Julie Lopes-Curval, avec Alice Taglioni et Éric Caravaca, produit par Arte.
Lauréate de nombreux prix, Marie-Hélène Lafon obtient le Prix du Style 2012 pour "Les Pays" et le Prix Goncourt de la nouvelle en 2016 pour "Histoires". Elle reçoit le Prix Renaudot 2020, pour son roman "Histoire du fils".
Célibataire et sans enfant, son département d'origine, le Cantal, et sa rivière, la Santoire, sont le décor de la majorité de ses romans.
Source : Babelio
Mon avis
"Les sources" nous emmène dans la vallée de Santoire, dans le Cantal à la découverte du quotidien d'une famille dans une exploitation agricole laitière et fromagère.
Trois voix, trois temporalités pour décrire la violence conjugale, la condition féminine et le monde agricole.
Juin 1967 : tout commence dans le silence de la sieste, elle, la femme, la mère s'exprime. C'est comme un soliloque, on est dans sa tête, on comprend peu à peu son quotidien, ses trois enfants, sa solitude, sa peur. Elle retrace le fil des choses, "la source", quand tout a commencé, son fiancé devenu son mari, la ferme pour laquelle elle a signé, le mariage 8 ans plus tôt, elle a 30 ans, 3 enfants. Elle voit son corps qui la dégoûte après 3 césariennes, ce mari violent qui cogne. L'orgueil qui l'empêche de parler, l'enferme dans sa solitude, l'oblige à sauver, à cacher les apparences.
9/05/1974, la parole est donnée au père, un peu apaisé, qui a tout fait pour améliorer le confort et développer sa ferme. C'était rude et violent parfois comme le monde agricole, la France rurale de l'époque est magnifiquement décrite.
28/10/2021 : la voix est donnée à Claire, la "fille du milieu" âgée de 59 ans. La boucle est bouclée, elle est dans la cour de la ferme pour le dernier acte, la vente de l'héritage du père.
Un très beau roman. Une plume que je découvre, magnifique. Tout est d'une justesse incroyable, chaque mot est pesé, le verbe bien choisi, la ponctuation est parfaite. Une écriture ciselée aux mots choisis. J'ai dévoré ce texte.
Ma note : un coup de ♥
Les jolies phrases
Pour se calmer et tenir, il faut faire. Faire des choses.
Les hommes ont de la chance, ils ont moins d'ennuis que les femmes avec le corps.
Toujours enceinte, à se traîner énorme, de plus en plus énorme, et molle. Il enfonce sa tête dans le traversin, il appuie, son cou se raidit, il faut qu'il se calme ; c'est fini, fini, il est débarrassé. Même si elle restera la mère des gosses. On ne peut rien y changer. Au début il avait cru qu'elle serait une bonne mère, au moins ça, qu'elle s'occuperait bien des enfants, qui sont venus trop rapprochés, c'est sûr, il le reconnaît, mais dès qu'on la touchait, elle était enceinte, tout de suite. Elle se mélangeait les pinceaux dans les températures, évidemment ; il n'a pas oublié le nom de la méthode, Oginot, la méthode Oginot. Encore une sacrée invention, ce machin.