Éditions du Rey, 2022 (255 pages)
Ma note : 17/20La première phrase
" Tout était en l'air au château de Fleurville ; Camille et Madeleine de Fleurville, Marguerite de Rosbourg, et Sophie Fichini, leurs amies, allaient et venaient, montaient et descendaient l'escalier, couraient dans les corridors, sautaient, riaient, criaient, se poussaient. Les deux mamans, Mme de Fleurville et Mme de Rosbourg, souriaient à cette agitation qu'elles ne partageaient pas, mais qu'elles ne cherchaient pas à calmer ; elles étaient assises dans un salon qui donnait sur le chemin d'arrivée. "
Mon avis ...
Les vacances sont arrivées ! Au château de Fleurville, les rires se mêlent aux cris de joie tandis que l'on attend les cousins. Nos petites héroïnes s'apprêtent à accueillir Jean, Jacques et Léon. Entre construction de cabanes, parties de cache-cache et promenades dans les bois, les activités estivales vont bon train et font le bonheur de tout un chacun. Une rencontre inattendue perturbe ces jeux : celle d'un marin rescapé d'un naufrage. Son récit nous fait quitter les murs sécurisants du château pour les tempêtes et les contrées sauvages.
Quel bonheur de retrouver notre petite Sophie qui, après avoir essuyé bien des malheurs, retrouve enfin de la stabilité aux côtés de Madame de Fleurville et de ses deux filles. Les vacances signe la clôture de La trilogie de Fleurville. Il s'agit d'un opus plus léger que les précédents. C'est aussi peut-être le titre qui exhale le plus ce doux parfum propre à l'enfance : l'arrivée des cousins, la joie des retrouvailles, la déception lorsque vient l'heure de se quitter. Qui n'a jamais éprouvé ce méli-mélo d'émotions que l'on vit tous, de manière si intense, quand on est enfant ?
Les vacances, c'est aussi la surprise de retrouver Paul, grand absent du volet précédent. C'est un régal de suivre ses aventures auprès des " sauvages ". Ce roman est avant tout l'occasion de faire un pas de côté. Nous sommes ici sous le Second Empire ; et si le mythe du bon sauvage est bien présent dans ce récit, l'intérêt de cette lecture n'est-elle pas d'offrir une photographie des mentalités de l'époque ? J'ai en tout cas savouré ce voyage dans le temps, toujours avec cette idée d'immersion dans une société aujourd'hui révolue.
S'il est intéressant de redécouvrir cette œuvre avec un regard adulte, inutile de préciser que nos petits lecteurs s'y retrouveront. L'intérêt des Vacances réside peut-être aussi dans cette variété de portraits que nous propose ici la comtesse de Ségur. Chacun pourra s'identifier tantôt à Paul, le plus courageux de tous, tantôt à Jacques, le plus jeune des cousins. Léon se montre quant à lui hautain et peu sympathique, tandis que Jean a le cœur sur la main et se montre très prévenant envers Sophie. Et si Camille et Madeleine restent de vraies petites filles modèles, elles ont aussi leurs défauts.
Les portraits psychologiques des adultes sont beaucoup moins creusés, et c'est peut-être ce que j'ai le plus regretté suite à cette relecture. Disons que je n'en avais pas gardé ce souvenir, lorsque j'étais enfant. La comtesse de Ségur nous dépeint (pour la plupart) des parents aimants, protecteurs, rassurants. N'est-ce donc pas là le plus important pour une œuvre qui s'adresse en premier lieu à un public jeunesse ?
J'ai en tout cas grandement apprécié certains passages. Le chapitre consacré aux ridicules Tourne-boule (une famille noble, odieuse et désargentée) nous montre que la comtesse de Ségur fait preuve d'un regard critique sur sa classe sociale. D'une autre manière, j'ai beaucoup aimé l'extrait consacré à l'aventure surnaturelle du maréchal de Ségur.
Les dernières lignes nous offrent un petit bonus quant au devenir de nos personnages. On se marie ; arrivent d'autres enfants. La comtesse de Ségur était bien sûr bien loin de deviner la suite pour ses petites-filles (Camille et Madeleine de Malaret) qui auront servi de modèle pour esquisser les portraits de nos petites filles modèles. Si Madeleine deviendra religieuse, Camille souffrira quant à elle de tuberculose ainsi que d'un mariage malheureux.
Je ne peux en tout cas que vous encourager mille fois à ouvrir ou à relire La trilogie de Fleurville. Les malheurs de Sophie, Les petites filles modèles ainsi que Les vacances ont su traverser les siècles et les générations. Encore aujourd'hui, ces histoires feront écho chez les plus jeunes puisqu'il y est question d'enfance, de tendresse, de lien familial, d'éducation et... forcément de bêtises et de découvertes !
Extraits ...
" Je propose une grande promenade au moulin, par les bois, dit M. de Rugès. Nous emporterons un bon goûter de campagne : pain bis, crème fraîche, lait caillé, fromage, beurre et galette de ménage. Que ceux qui m'aiment me suivent ! "