La Religion est le genre de roman qui vous marque à vie, j'ose le dire. Je ne savais pas trop où je mettais les pieds en me lançant dans ce pavé de presque 1000 pages. Tim Willocks manie la plume comme jamais et sait vous raconter des histoires d'une grande puissance.
Il s'agit donc ici d'un roman historique qui se déroule en 1565, à Malte. Une guerre est sur le point d'éclater pour la conquête de l'île. D'un côté les Chevaliers de l'ordre de Malte, les Templiers représentant le monde catholique surnommée La Religion. De l'autre, les troupes de Soliman le Magnifique pour l'Islam. L'auteur va nous plonger dans l'enfer de cette guerre pour ce morceau de territoire symbolique. Mais derrière cette guerre, se joue un autre drame puisque le roman s'ouvre sur une scène terrible (dès le prologue, l'auteur envoie du lourd): Mattias, jeune forgeron, voit son village attaqué et dévasté par des mercenaires musulmans. Il sera lui-même embrigadé dans l'armée du Shah et y fera ses armes. On retrouve Mattias des années plus tard, à Venise, vivant plus ou moins de commerce. Son univers va être bouleversé lorsqu'il accepte une mission: celle d'escorter une femme à la recherche de son fils en plein conflit maltais! C'est donc là que la grande et la petite Histoire vont se rejoindre. Ce roman est terrible car il ne nous épargne en rien. Nous sommes dans un conflit armé: c'est très sanglant, violent, parfois à la limite du soutenable mais c'est hélas la réalité de la guerre. Disons le carrément: c'est épique! On s'attache très vite à Mattias moitié héros, moitié salaud dont la conscience navigue toujours en eaux troubles. Point de glorification ici de la part de l'auteur: les personnages sont montrés au cœur d'un conflit qui révèle les forces et les faiblesses de l'Homme dans toute l'horreur du conflit. Et puis il y a forcément cette fichue Religion coincée là au milieu. Au nom de Dieu, tout est excusable pour ces troupes que ce soit d'ailleurs d'un côté ou de l'autre. Il est intéressant de noter que le discours, Chrétien ou islamique, repose sur les mêmes faits, les mêmes croyances: bouter les infidèles, les punir de leurs péchés. Ils finiront de toute manière dans les flammes de l'Enfer. Mais ce qui emporte tout, c'est la narration. L'auteur nous embarque avec frénésie dans ce conflit et ne nous lâche plus. Il m'a été difficile de faire des pauses parce que j'étais prise dans l'urgence de l'intrigue et que je voulais savoir à tout prix. On veut savoir si Mattias parviendra à ses fins. Le roman est plein d'aventures, de suspens et laisse le lecteur exsangue à la fin de chaque chapitre. La Religion est un roman épique, cru, violent mais d'une grande richesse littéraire: en un mot, un chef d'œuvre.