Milwaukee Blues – Louis-Philippe Dalembert

Par Lamouche

Milwaukee Blues
Par
Louis-Philippe Dalembert
Chez Sabine Wespieser Editeur

Avertissements de contenu : violences policières, racisme systémique, meurtre, classicisme, élitisme.

Depuis qu’il a composé le nine one one, le gérant pakistanais de la supérette de Franklin Heights, un quartier au nord de Milwaukee, ne dort plus : ses cauchemars sont habités de visages noirs hurlant « Je ne peux plus respirer ». Jamais il n’aurait dû appeler le numéro d’urgence pour un billet de banque suspect. Mais il est trop tard, et les médias du monde entier ne cessent de lui rappeler la mort effroyable de son client de passage, étouffé par le genou d’un policier.


Inspiré par le meurtre de George Floyd en 2020, Louis-Philippe Dalembert nous décrit de façon glaciale les répercussions du racisme sur les populations noires et pauvres des États-Unis.

En France, nous les blancs, nous avons quelques difficultés à imaginer comment appeler la police pourrait mettre fin à la vie d’un homme, surtout si c’est pour une suspicion de faux billets. Et pourtant, il y a Adama, Zyued et Bouna… je pourrais en citer d’autres, les assassinés par le système. Cela fait des années que tout se passe sous nos yeux et cela fait seulement quelques mois qu’on décide de finalement voir la réalité. (Et encore.)
L’auteur haïtien nous décrit cela : la réalité. Dans une sorte de fiction documentaire où Louis-Philippe Dalembert entre dans la tête de toutes les personnes liées de près ou de loin à cet assassinat mais où jamais dans la tête d’Emmett : il est mort. Mais sa mère, ses anciennes compagnes, son coach de l’université… et même de flic qui l’a empêché de respirer. Le quartier oublié de Franklin Heigh s’organise pour porter le blues d’Emmett.

N’allons pas par quatre chemins : la plume de Louis-Philippe Dalembert est pertinente, pointilleuse, ne nous laissant pas le temps de nous reposer. Le sujet est grave, ses mots sont graves. Mais parfois, selon le deuil des uns, nous respirons. Doucement.
Chaque chapitre, chaque personnage porte une voix différente, montrant combien notre auteur est doué. Nous avons des bouts d’enfance d’Emmett, de son adolescence, de qu’il a été et de ce qu’il aurait pu être. A travers les voix des autres, Milwaukee Blues nous dresse le portait complet d’un parfait inconnu.
Comme pour George Floyd, le quartier commence à se mettre en marche contre ce racisme, contre ce flic qui pense n’avoir fait que son boulot, contre celles et ceux qui estiment que c’est un travail bien fait et mérité. Le quartier et ses habitants se politisent et bientôt, c’est la ville entière qui marche de colère.
Et c’est beau.

Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert est une petite pépite en son genre. C’est un roman qui dérange car il nous met le nez directement dans le racisme systémique que la population noire et précaire vit quotidiennement aux États-Unis. C’est un roman important car justement, il nous met e nez dans ce racisme systémique.
Il est évidant que je le conseille vivement.