Quand la nuit devient jour (Sophie Jomain)

Quand la nuit devient jour (Sophie Jomain)

Auteur : Sophie Jomain

Éditions : J'ai Lu

Paru le : 10 janvier 2018

254 pages

Thème : roman psychologique

disponible sur le site de l'éditeur

et sur FNAC / Amazon


Cruel dilemme !

 Résumé 

  « On m'a demandé un jour de définir ma douleur. Je sais dire ce que je ressens lorsque je m'enfonce une épine dans le pied, décrire l'échauffement d'une brûlure, parler des nœuds dans mon estomac quand j'ai trop mangé, de l'élancement lancinant d'une carie, mais je suis incapable d'expliquer ce qui me ronge de l'intérieur et qui me fait mal au-delà de toute souffrance que je connais déjà. La dépression. Ma faiblesse. Le combat que je mène contre moi-même est sans fin, et personne n'est en mesure de m'aider. Dieu, la science, la médecine, même l'amour des miens a échoué. Ils m'ont perdue. Sans doute depuis le début. J'ai vingt-neuf ans, je m'appelle Camille, je suis franco-belge, et je vais mourir dans trois mois. Le 6 avril 2016. »  

 Ma chronique

Cela fait plus de dix jours qu'il est terminé et j'ai encore du mal à mettre les mots dessus. Il s'agit d'un livre que j'ai reçu il y a longtemps dans le cadre d'un échange et j'avoue que je ne sais plus du tout par qui, tant cela remonte loin. J'ai déjà lu la plume de Sophie Jomain, qui a évolué au fil des livres qu'elle écrit, même si je doute d'en avoir mis mes avis sur le blog, car j'ai dû en lire avant la création, c'est pour dire. Bref, tout ça pour me rappeler que se serait ps mal de relire ceux qui sont dans ma bibliothèque. Alors lors du marathon du 15 aout, j'avais décidé de lire des histoires vers lesquelles je n'aurai pas forcément été directement. J'en ai une petite pile de ce type et quand j'ai vu ce livre de poche de Sophie, je me suis dit "bingo". La dépression, un sujet vaste qui touche des milliers de personnes. Une véritable dépression, nulle n'en ressort indemne, j'en ai perdu mon père, je sais de quoi je parle au vu de mon vécu. La dépression n'est pas un choix de vie, c'est quelque chose qui s'engouffre sans savoir vraiment pourquoi elle est là, avec vous, s'incrustant dans le moindre pore de votre  peau, s'installant comme une colocation indésirable. Une maladie difficile à soigner pour ne pas dire impossible, pour soulager quelques techniques, mais cela ne dure qu'un temps.
Camille est ce personnage que nous suivons depuis sa naissance. Petite, elle avait du mal à se regarder, à être quelqu'un, à trouver sa place. En tant qu'adulte on se dit que cela sera une passade ce qui est vrai pour la plupart des cas et puis il y a des Camille qui elles (ou ils) restent bloqué(e)s à tout jamais. Camille peut faire ce qu'elle veut, se trouver trop grosse, maigrir, grossir avec les circonstances qui vont suivre, comme la boulimie ou l'anorexie, voir des tonnes de psy, chercher des méthodes, le pourquoi elle est ainsi. Ce pourquoi qui la ronge elle et sa famille. Son père, sa mère qui font tout pour elle et essaye de trouver des solutions. L'amour serait la solution à tout, pas vrai ? Et pourtant, ici, c'est différent. Camille se sait aimée, elle sait que ses parents sont là, les déceptions amoureuses sont passées mais il y a quelque chose qui est là, qui la ronge et lui fait du mal. Personne n'est dans le corps de l'autre et personne ne peut comprendre ce qui se passe aussi bien dans le physique que le mental. Pas de folie, les douleurs sont bien réelles. Pas de jugement à avoir, même si certains personnages jugent, pensant que mettre un mouchoir va cacher la douleur, le ressenti. Alors quand Camille décide d'en finir avec cette vie, ce n'est pas un caprice ou un appel au secours. Elle veut la paix de son esprit et de son corps. Le fait qu'elle ait la double nationalité va l'y aider, mais avant d'arriver à cette date fatidique, nous la suivons et comprenons ou non ses choix. Je ne suis pas juge en la matière et il ne s'agit que d'un livre, mais un récit qui n'est pas banal, car cela peut arriver à n'importe qui.
L'euthanasie, car il s'agit de cela, n'est pas un acte qu'un médecin décide d'appliquer pour le plaisir. Le parcours est long et laborieux, nous n'avons pas les détails et je n'aurais pas voulu les avoir. Nous avons les ressenti, les peines, les quelques joies aussi, la peur surtout et la culpabilité. Ce dernier sentiment est fort, puissant et surtout il terrasse aussi bien Camille que ses parents. La culpabilité de partir, de faire mal, d'avoir penser que c'est de sa faute. Ne pas comprendre pour une mère... J'en suis une et je suis certaine que j'aurai réagi de la même manière que cette maman. M'en voulant de ne pas avoir vu, m'en voulant de ne pas savoir quoi faire, de ne pas avoir assez donné peut-être. De nombreuses questions seraient survenues, mais je n'aurais pas été jusqu'à ce point où elle a été. Cela je le laisse au lecteur de le découvrir. Les réactions des parents m'ont semblé juste, trop juste, comme si quelque part cette situation avait été déjà vécu par l'auteur, mais je préfère me cantonner à ce que j'ai lu. 29 ans et Camille va s'arrêter de vivre. Qui peut décider de lui dire non ou oui ? Qui a le droit d'en arriver là ? Nous comprenons bien le processus, qui va la suivre, ce qui va se passer et surtout le chemin à parcourir jusqu'à la fin afin d'être enfin délivrée. Jusqu'à la toute fin, la personne a le droit de changer d'avis. Dans le récit, nous avons la famille de Camille qui est coupé en deux et les moments avec sa grande tante montre bien les mentalités des uns et des autres, l'acceptation d'un choix difficile.
Le sujet est délicat, c'est un livre qui peut plaire comme déplaire juste sur le résumé : 29 ans et prévoir sa date de fin. Entre ces pages il y a tout un processus, une psychanalyse des personnages qui nous montrent les travers des uns, les émotions pures, les sentiments partagés. Ce qui se passe en nous, nous est propre, personne ne peut changer cela. Il faut savoir faire face, accepter et je comprends les choix. Vivre dans la douleur n'est pas sain, vivre dans la culpabilité non plus. Une lueur d'espoir ? Peut-être, toujours est-il qu'il faut garder à l'esprit que sortir d'une dépression ? Non, travailler dessus, oui, mais pourquoi continuer ainsi surtout si le fait de respirer fait plus mal qu'un coup de poignard ? Les phrases toutes faites ne servent à rien et j'ai beaucoup apprécié le Dr Peeters et sa façon de procéder. Sans en dire de trop et sans que l'auteur ne dévoile le tout, nous comprenons pourquoi il est devenu ce type de médecin, ce qui l'a conduit à être ainsi et surtout son humanité. Il ne cherche pas à la faire parler, il lui laisse son temps de parole sur ce qu'elle décide. Les drames, ils connaissent et nous n'avons que les pensées de Camille, enfin pas tout à fait, nous avons ceux de Peeters au dernier instant. Ces émotions sont tenaces, qu'elles soient de bonnes augures ou non. Le conflit entre vouloir quelque chose pour soi et pour l'autre est permanent, tout comme le fait de vouloir vivre en paix, mais si rien ne peut se faire, alors pourquoi continuer à vivre ? Le final me laisse sur une petite lumière sur un point et je pense que chacun y verra sa suite comme il le désire.
La plume est très belle, les mots percutants, le texte serait presque celui de Camille qui nous raconte sa vie, ou plutôt ce qu'elle compte en faire. Nous avons des situations qui sont banales pour la majorité des personnes, aller au travail, choisir son repas, se regarder dans le miroir (bon ça je ne le fait jamais, mdr), essayer des vêtements... Pour nous c'est d'une banalité affligeante, pour Camille c'est un parcours du combattant de part ce qui la ronge. Et pas la peine de dire que c'est bon, ça va passer, qui est capable de dire si c'est bénin ou non ? Les appels au secours n'ont rien donné, parce que cette vie n'en appelle pas. Est-ce que le cumul d'un enfance et adolescence même heureuse au sein de la famille a pu faire basculer dans cette noirceur ? qu'es-ce qui fait que deux personnes qui vivent les mêmes obstacles ne finissent pas de la même manière ? Prenez un stylo, vous avez 4 heures pour y répondre. Vouloir disparaitre est grave et les psy qui sont passés avant n'ont pas réussi à l'aider... Vouloir mourir est plus fort que vouloir s'en sortir et pour cause, les pages défilent et nous sommes démunis face à tant de détresse. Mourir par un acte médical, l'euthanasie, considéré comme un suicide par certains serait donc la solution pour une paix durable.

En conclusion ?  C'est un sujet difficile à traiter et la façon dont l'auteur le fait permet de mettre en lumière les doutes, les techniques, les espoirs et l'accompagnement. Bien plus encore, mais je ne vais pas refaire la chronique dans la conclusion. C'est une lecture qui ne laisse pas indifférent où nous apprenons que l'euthanasie est légale dans certains pays, mais avec des conditions drastiques, nul ne peut s'amuser à ça. Il ne s'agit pas d'appel au secours, mais de mettre un terme définitif à une vie pour des raisons spécifiques. Si jeune et vouloir en terminer, cela est à double tranchant, on comprend ou on ne comprend pas, mais ce qu'il faut garder en tête, c'est que quoi que l'on fasse, que l'on aime, que l'on aide, le choix c'est l'autre qui le fait pour lui-même, pas pour soi. On se remet forcément en questions, c'est dans la nature humaine de vouloir comprendre. Les émotions bousculent, un soupçon de liseré de romance traverse et peut-être qu'un espoir pourrait en naître, qui sait ? Pour le savoir, il faut le lire, car la fin est bouleversante et à rester assis. Ce n'est pas un coup de cœur, pas loin en tout cas et je vous le recommande quoique vous lisiez !

 Extrait choisi :  

« Du reste, il a raison, j'ai eu l'enfance qu'il soupçonne : idéale aux yeux des hommes. De l'amour, de la tendresse, des jeux... Mais le vide en moi s'étirait chaque jour davantage. J'étais comme étrangère à ce monde, à ce qui m'entourait, perdue quelque part, cachée dans un corps qui me semblait ne pas être le mien. Aux questions innocentes sur l'existence, sont venues se greffer de véritables réflexions. Pourquoi étais-je née, à quoi servais-je ? Quel était le but de la vie si tout avait une fin ? Se lever, manger, travailler, dormir, cent fois, mille fois, dix mille fois, et mourir un jour. À quoi bon ? Il m'arrivait d’espérer que la Terre disparaisse. Qu'il n'y ait plus rien. Parce que je n'étais rien. Je détestais vivre. Oui, j'ai obtenu et goûté à tout ce qu'une petite fille pouvait rêver d'avoir, mais je ne ressentais pas la moelle de la vie, je ne possédais pas l'essentiel : la raison d'être.  »

Quand la nuit devient jour (Sophie Jomain)


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