Vous avez peut-être eu l'occasion de lire The Last Ronin, qui fut un des succès récents chez Hi Comics et un des albums indispensables, lorsqu'on est fan des Tortues Ninja (notre article ici). Bien évidemment, si cet univers ne rencontre pas votre intérêt, tout ce qui va suivre n'a guère de sens. The Last Ronin, c'était surtout le dernier combat de Michelangelo, seul rescapé de la célèbre bande de mutants chère à Maître Splinter, protagoniste de la résolution définitive de la rivalité ancestrale entre les clans Foot et Hamato. Reste néanmoins à répondre à la question suivante : quelles sont les aventures vécues par Michelangelo entre le moment où il s'est retrouvé orphelin de ses trois frères et celui où il va vivre les événements dépeints dans The Last Ronin ? Autrement dit mettre au point ce qu'on appelle une préquelle, pour un récit qui est en soi une suite possible de tout ce que nous avons déjà lu jusque-là, une sorte de fin pour les Tortues Ninja, dans un futur hypothétique. Kevin Eastman et Tom Waltz nous proposent donc une sorte de voyage à travers l'Asie et l'Europe pour un personnage qui va passer du Japon à la Corée en passant par la Chine, la Mongolie, le Kazakhstan et même l'Italie… à chaque fois, Michelangelo va se heurter au rejet, à la méfiance suscitée par sa condition si particulière, qui fait de lui un monstre aux yeux de bien du monde. Mais il va aussi faire des rencontres décisives, comme par exemple le maître Yip, qui va lui transmettre un enseignement précieux pour la suite de sa mission, ou bien un campement nomade en Mongolie, où il va momentanément trouver repos, affection, presque une seconde famille, à un moment où il en a particulièrement besoin puisqu'il perd un temps l'usage de ses yeux.
Certes, nous savons déjà que Michelangelo finira par triompher des pires épreuves qui se dressent devant lui, y compris une série de combats à mort dans des arènes de fortune, face à des adversaires tout aussi innocents que lui, pour la plupart. Pour autant, cette sorte de croisade/road trip à la recherche d'un individu ou d'une organisation au nom sinistre de Ver de la mort s'avère d'une violence et d'une introspection fort pertinentes, qui surprendraient notablement le lecteur peu habitué à ce qu'est en réalité l'univers des Tortues Ninja et qui en serait resté au vieux dessin animé naïf d'autrefois. L'histoire se déroule en deux temps, puisque d'un côté nous avons le passé (c'est-à-dire le voyage tragique de Michelangelo, qui est en fait un futur hypothétique par rapport à notre temps présent, je ne sais pas si vous me suivez) mais aussi le présent, qui concerne avant tout une April O'Neil désormais âgée et qui est devenue la grand-mère tutrice d'une nouvelle génération de tortues : quatre petites créatures qui apprennent à se battre et probablement promises à un grand destin. Contrairement à celles que nous connaissons déjà, elles ne sont pas juste distinguées par un bandeau de couleur mais semblent représenter différentes formes, voire différents types de tortues. Elles sont aussi différenciées par un caractère ou des aptitudes différentes, mais possèdent un patronyme commun, décidé sur la base de la traduction du chiffre "un" en plusieurs langues. Pour ce qui concerne la partie graphique, deux artistes sont au travail (SL Gallant et Maria Keane au dessin et à l’encrage pour le passé, ainsi que Ben Bishop pour le présent) et nous trouvons parfois quelques planches de Kevin Eastman lui-même. Comme dit au début de cette petite chronique, Lost Years n'a quasiment aucune chance de séduire un lecteur qui a décidé d'entrer parce qu'il a vu de la lumière. Pour ce qui est de celui qui par contre nourrit une réelle affection pour les Tortues Ninja, il est inutile de dire que c'est une sortie qui ne se refuse pas !