Dans Jour de ressac, Maylis de Kerangal présente une héroïne, doublure vocale d'un film d'animation à succès, appelée par la police à retourner dans ses terres natales havraises pour reconnaître le corps d'un homme retrouvé mort sur une plage. Le retour en terre archi connue mais un peu oubliée augmentera l'émergence de souvenirs plus ou moins heureux, plus ou moins sérieux.
Dire que j'ai aimé Jour de ressac serait mensonger : j'ai apprécié cette lecture mais je lui ai trouvé un manque de cohérence, bref c'est le bazar et cela part dans tous les sens (et d'un autre côté, on peut comprendre, il y a une forme de résilience à affronter l'assaut des souvenirs). Bien sûr, avec la plume à la fois instruite et riche de Maylis de Kerangal, on ne perd jamais son temps à la lire mais j'ai eu l'impression que l'autrice a souhaité aborder plein de thèmes (la guerre en Ukraine, la situation des migrants, les premiers émois adolescents, le narcotrafic, la destruction et la reconstruction du Havre...) à l'aide de fulgurances passées et présentes et l'efficacité littéraire ne m'a pas paru évidente. J'ai moins aimé la fin qui m'a frustrée (il m'a manqué un courage scénaristique). Pourtant l'intrigue démarrait bien, un peu à la sauce modianesque : au départ, on ne comprend pas trop la relation entre l'héroïne et le mort, bref on est un peu dans le flou artistique. Mais finalement la raison s'impose (je ne dévoile rien sur la suite du traitement de cette information.)
Jour de ressac vaut son intérêt sur les descriptions urbaines et maritimes, sur la vie d'un port et la reconstruction du Havre. Maylis de Kerangal fait parfaitement l'association entre certains épisodes de la vie humaine et les lieux qui les accompagnent (ici un bar ou le port, là une vague,...). J'aurais pu être touchée, je pense que je vais vite oublier malgré sûrement les clins d’œil littéraires et la virtuosité de l'autrice à passer du passé au présent avec des transitions naturelles et réussies. Au cours de ma lecture, j'ai pensé à Patrick Modiano pour le brouillard et le lien avec la ville, à Olivier Adam pour les disparitions et les falaises, à la nouvelle J'ai dix ans... demain de Michel Bussi. Il y a aussi des clins d’œil d’œuvres précédentes de l'autrice notamment dans les registres littéraires de la construction (comme dans Naissance d'un pont), de l'exploration des corps au moment des dissections (comme dans Réparer les vivants),...
Collection Verticale, Éditions Gallimard
Lecture commune avec Athalie, Kathel, Sylire,
autres avis : Eimelle,
de la même autrice : Canoës , Corniche Kennedy, Dans les rapides, Naissance d'un pont , Réparer les vivants , Tangente vers l'est , Un chemin de tables
et ma première participation au challenge "Sous les pavés, les pages" organisé par Athalie et Ingannmic