Les merveilles - Viola Ardone

Publié le 21 septembre 2024 par Nathalie Vanhauwaert

 Les merveilles -  Viola Ardone


Albin MichelParution : 21 août 2024Traduit de l'italien par : Laura BrignonPages : 400Isbn : 9782226491428Prix : 22.90 €
Présentation de l'éditeur

Sélection du Prix du Roman FNAC 2024.
« L’amour est incompréhensible, une forme de folie. »
Elba porte le nom d’un fleuve : c’est sa mère qui l’a choisi. Seuls les fleuves circulent librement, lui disait-elle, avant de disparaître mystérieusement. Depuis, Elba grandit seule dans cet endroit qu’elle nomme le monde-à-moitié : un asile psychiatrique, à Naples.
C’est là qu’elle pose son regard d’enfant, sur le quotidien de cette « maison des fêlés, avec dedans plein de gens qui ressemblent à des félins », nourrissant de ses observations son Journal des maladies du mental. Jusqu’au jour où le jeune docteur Fausto Meraviglia décide de libérer les patients, comme le prévoit une loi votée quelques années plus tôt en 1978, et de prendre Elba sous son aile. Lui qui n’a jamais été un bon père apprend le poids et la force de la paternité.
Après le succès du Train des enfants et du Choix, Viola Ardone poursuit son exploration de l’Italie du xxe siècle. Une ode aux mots qui rendent libre et au pouvoir des femmes, par l’une des grandes voix de la littérature italienne d’aujourd’hui.
Viola Ardone
Née en 1974, Viola Ardone est diplômée de lettres. Après quelques années dans l’édition, elle enseigne aujourd’hui l’italien et le latin, tout en collaborant avec différents journaux. Après Le Train des enfants et Le Choix, Les Merveilles est son troisième roman à paraître en français chez Albin Michel.


Mon avis 

Je découvre l'écriture de Viola Ardone - traduite par Laura Brignon - avec ce roman qui nous plonge dans un thème difficile, celui de la folie, de la frontière entre folie et raison.

Nous sommes à Naples, dans un asile en 1982. Elba est une adolescente, elle est née ici dans ce qu'elle nomme le monde-à-moitié. Sa mère lui a donné le nom d'un fleuve de chez elle, originaire d'Allemagne de l'est,  car seuls les fleuves circulent librement disait-elle.  Elle a été internée enceinte, Elba est née, elle est restée, elle se souvient des jeux inventés avec sa mère.  On l'a envoyée chez les bonnes soeurs pour étudier pendant 5 ans, elle a voulu revenir auprès de sa maman, son arbre, ses racines, mais à son retour on lui a dit qu'elle était morte.  Convaincue du contraire, elle a voulu rester ici.  Elle consigne tout dans un carnet, son journal des maladies du "mental", les diagnostics des nouveaux patients qu'elle partage avec le docteur Colavolpe qui règne en maître dans le monde-à-moitié imposant des traitements abusifs comme les électrochocs, l'isolement, c'est sa façon d'agir.Heureusement Elba a créé son monde, et son franc parler, elle a beaucoup d'humour, ce qui apporte de la légèreté au sujet traité.Un jour arrive un jeune médecin qui a une approche révolutionnaire, c'est Fausto Maraviglia qui sera la seconde voix de ce roman.  Il incarne l'espoir pour les patients, ce sera la figure paternelle pour Elba qu'il veut sauver.  Un changement de cap pour la psychiatrie, il écoute les patients, les considère comme des êtres humains, psychothérapie individuelle et de groupe, psychanalyse, une autre manière d'appréhender les choses et l'espoir de sauver des gens.On va suivre les deux personnages durant plusieurs décennies, c'est magnifiquement écrit, de manière poétique avec des touches d'humour qui font du bien.Un très joli livre sur un sujet difficile, la frontière entre la folie et la raison, les maltraitances institutionnelles, le deuil, le féminisme et la liberté.Tant qu'il y aura des hommes il y aura des asiles, parce que la folie, c'est profondément humain.
Une très belle découverte.
Ma note : 9.5/10

Les jolies phrases
Pour commencer, tu dois savoir qu'ici c'est pareil que la mer : il y a les Calmes et les Agitées.  Une mer fermée, c'est vrai, mais une mer quand même, alors on peut y naviguer.
Devenir fou, c'est parfois une consolation pour ceux qui n'ont rien de mieux.
Savez-vous quel est le problème de notre époque ?  Tout le monde veut parler et personne ne veut écouter.
Toutes les vies ont leur attrait même les plus fanées. 
C'est ça qui est bien avec les nombres : ils sont infinis, pareil que la dinguerie des gens.
Les riches ne sont jamais fous, ou alors quand ils sont fous, on les met dans une clinique, avec tout leur confort habituel.  
C'est plus pratique de mettre tous les tarés dans une seule et même cachette, comme ça personne ne les voit et ils n'existent plus.  
Au fond, quelle est la différence entre la prison et l'asile psychiatrique ?  Il s'agit de surveiller et punir, dans les deux cas. 
Des fois, on a l'impression que les choses qu'on aime sont en train de mourir. Alors qu'en fait elles sont en train de fleurir.
Parce que la folie, rappelle-toi, c'est quelque chose qui part du coeur, quand il est trop chaud ou trop froid, trop sensible ou pas assez, et que la respiration devient trop forte ou trop lente. 
Nous les folles, on est des plantes avec les racines à nu, je lui dis, tout ce qu'on cache apparaît à l'extérieur.
Vieillir c'est un peu comme devenir pauvre, madame, croyez-moi.  On a moins de possibilités dans la vie, moins de gens autour de soi, et arriver à la fin du mois est à chaque fois un pari.  A bien y réfléchir, l'oubli est une dernière caresse de la vie, une réduction de peine pour ceux qui ont vécu trop longtemps et ont plus de souvenirs que nécessaire.
C'est moi, Elba, la folle pour de faux qui est devenue folle pour de vrai.  Le destin des fous, c'est de finir par avoir raison, tôt ou tard. 
Tant qu'il y aura des hommes il y aura des asiles, parce que la folie, c'est profondément humain. 
En fin de compte, seuls les objets demeurent, témoins de notre lente disparition. 
La vieillesse est un plan incliné dont au début on ne se rend pas compte, mais qu'on dévale de plus en plus vite.
La vieillesse, ce n'est pas ce que l'on a perdu, mais ce qu'il nous reste.