La Nuit est mon Royaume
Claire FAUVEL
Editions Rue de de Sèvres, février 2020
152 pages
Thèmes : Adolescence, Amitié, Musique, Rêves, Estime de Soi, Chronique sociale
Créteil, banlieue parisienne
Au lycée, Nawel règne. Et c'est pas la petite nouvelle en doudoune violette qui va la mettre en péril. Alice semble pourtant faire preuve d'un certain courage, ou d'indifférence, en tout cas de quelque chose qui fait que Nawel la prend soudainement sous son aile.
Raison invoquée : elles sont voisines.
Véritable raison : la musique.
Grâce à Alice, Nawel découvre les Beatles et Paul McCartney en particulier.
Le coup de foudre est immédiat, l'amitié évidente, la rage de vivre similaire.
Je veux la vie entière ou rien.
Si pour Alice, tout semble facile, pour Nawel, il n'en est rien.
Pour sa famille d'origine maghrébine, tout ou presque est haram et c'est à force de compromis et de cachotteries que Nawel fait de la musique.
Avec Alice à la guitare.
Leur style : le Rock !
Leur nom : Nuit Noire.
Figurez-vous que même pour être rockstar, il faut faire des études !
Nawel décroche un BTS, se fait chasser de chez elle, bosse à Paris où elle loge dans une chambre de bonne.
Définition de l'artiste.
Définition de la liberté.
Clichés et réalité se confondent pour mieux retentir au fil de petits concerts et de la production d'un EP.
Et forcément, tous, elles comprises, veulent voir plus, plus grand, plus vite.
Si Alice semble plus rangée, avec son petit-ami Julien, Nawel semble se faire rebelle.
Pourtant...
Les doutes la guettent, la poursuivent, la rongent. La confiance fuit. En elle, en les autres.
Il lui faut être meilleure, meilleure que celui qui l'obsède, n'engendrant que " jalousie et frustration ".
J'ai pour unique compagnie
Mon reflet dans le miroir
Noir noir noir
La Nuit est mon Royaume est le récit d'une amitié, d'une vocation, d'une évidence mais qui nécessitent travail, abnégation et estime de soi, dans un milieu où se disputent talents et bas-coups.
Mais il est avant tout, le récit d'une émancipation.
Familiale, des origines, sociale et sociétale, et pour soi-même.
A travers une longue campagne d'intimidation et de rabaissement, la conseillère d'orientation essaye chaque année de nous convaincre de notre incapacité à suivre des études dignes d'intérêt.
Au-delà du portrait de ces deux jeunes filles passionnées et désireuses d'absolu , c'est aussi celui d'une génération de banlieue qui rêve plus grand, qui demande plus parce qu'elle a moins. Et que retourner à Créteil, même pour un temps, ça signifie reculer, voire s'enliser. Car tout est et reste pareil, parce que tout semble figé et immobile qui peut aussi panser. Mais quand on a vingt ans, difficile de le concevoir.
Graphiquement, c'est superbe !
Les jeux de regards, les cadrages, rendent perceptibles, concrets les sons et les émotions des personnages. Celles où l'on voit Nawel et Alice sur scène, en double-page, à l'instar de cette si belle couverture, sont particulièrement immersives.
Les planches nocturnes m'ont régalée, faisant ressortir toute la polysémie du titre.
Un album très réussi sur la violence des sentiments, de l'adolescence et des rapports humains.