Julian Patrick Barnes né en 1946 à Leicester, est un romancier, nouvelliste, essayiste et critique littéraire anglais. Il est populaire aussi bien dans les pays anglophones que dans d'autres pays et apprécié par la critique littéraire comme un représentant important de la littérature postmoderne. Il est lauréat de nombreux prix littéraires parmi lesquels le prix Booker, le prix Médicis essai et le prix Femina. Elizabeth Finch, roman de 2022, vient d’être réédité en poche.
Neil, le narrateur, trentenaire à la vie erratique, marié deux fois, décide de s’inscrire à un cours pour adultes - « Culture et Civilisation » - dispensé par Elizabeth Finch, professeure d’université de vingt ans son aînée, assez austère et distante mais dont l’enseignement anticonformiste ne manque pas de charmer Neil. Le cursus terminé, Neil et E.F. prendront l’habitude de déjeuner ensemble deux ou trois fois par an, pour discuter. Vingt ans plus tard, Neil apprend le décès d’Elizabeth Finch, laquelle lui a légué ses papiers personnels. Ces documents, livres annotés, carnets de notes, poussent Neil à enquêter sur cette femme finalement très mystérieuse, se souvenant de son enseignement inspirant qui l'a marqué profondément.
Quel étrange roman. D’ailleurs est-ce réellement un roman, puisqu’il mêle le roman avec la personnalité originale d’Elizabeth Finch et l’essai/biographie de Julien l’Apostat !
Si l’empereur romain est au cœur du livre, c’est qu’il était à la base des travaux et de l’enseignement dispensé par la professeure. Pour contextualiser le récit : L'empereur Julien l'Apostat (331-363) a régné à peine dix-huit mois sur l'empire romain. Son surnom vient de ce qu'il aurait répudié le christianisme pour revenir à la religion païenne. On lui prête ce mot apocryphe au moment de sa mort : « Tu as vaincu, Galiléen !», le Galiléen en question n'étant autre que le Christ.
Le livre est en trois parties, d’abord roman avec le peu que nous et Neil pouvons savoir et comprendre d’Elizabeth, sa méthode d’enseignement en partie proche de celle de M. Keating (Le Cercle des poètes disparus, film de Peter Weir 1989) « Je suis ici pour vous aider à réfléchir et argumenter, et à penser par vous-mêmes », apparemment indifférente mais « son stoïcisme allait au cœur de son être », s’appuyant sur des références culturelles et revenant souvent sur la vie et l’ambition de Julien. Débute la seconde partie du bouquin, carrément biographie et essai sur l’empereur Julien, le paganisme versus le christianisme, les religions (« Question : Qu’arrive-t-il (dans l’esprit des humains) lorsqu’un dieu n’est plus vénéré ? Cesse-t-il d’exister ? Ou continue-t-il d’évoluer autour de la Terre à la façon d’un engin spatial hors d’usage, émettant vainement des bips sur une longueur d’onde périmée ? »). La dernière partie revient au roman, au sens de la mission que Neil s’est imposée et de ce qu’Elizabeth Finch en aurait pensé ou voulu…
Un roman instructif et ouvrant de multiples pistes de réflexion sur l’éducation et la pensée critique, l’histoire et la philosophie, la mémoire et l’héritage intellectuel, l’amour platonique. Le tout, porté par la délicieuse écriture de Julian Barnes, toute de douceur et d’empathie.