L’inconnu du Nord-Express • Patricia Highsmith

Par Bénédicte

Éditions Calmann-Lévy, 2022 (429 pages)

Ma note : 14/20

Quatrième de couverture ...

Dans le Nord-Express qui roule vers Palm Beach, Guy-Daniel Haines fait la connaissance de Bruno. Familier jusqu'à l'indiscrétion, celui-ci lui avoue qu'il n'a qu'une envie : assassiner son père, riche industriel et tyran domestique. Guy écoute, fasciné et alcoolisé, les plans de cet étrange inconnu, et se prend à rêver : lui se débarrasserait bien de son encombrante épouse, qui l'a trompé, est tombée enceinte d'un autre et fait traîner leur divorce, l'empêchant ainsi de refaire sa vie avec son nouvel amour. Le voyage en train est l'occasion de fomenter mille scénarios criminels, jusqu'à ce que le drame, inattendu, survienne.

La première phrase

" Le train roulait à toute allure, avec un halètement rageur et irrégulier. "

Mon avis ...

Premier roman de Patricia Highsmith, L'inconnu du Nord-Express (1950) fait état d'une intrigue policière pour le moins originale. Alors que Guy, un architecte renommé, rencontre Bruno à bord d'un train qui file à toute allure vers Palm Beach, rien ne prédispose nos deux héros à développer une forme de complicité. Pourtant, rapidement, nos personnages s'intéressent l'un à l'autre. Les discussions et les verres s'enchaînent. Arrive alors une idée qui fait froid dans le dos : si l'un des deux commettait une atrocité pour le compte de l'autre, ne serait-ce pas le meurtre parfait ? Chacun possédant un solide alibi, impossible de les démasquer. Épouvanté, Guy refuse et prend la fuite. Après tout, Bruno ne serait-il pas quelque peu frappadingue ? Seulement, ce dernier n'a pas dit son dernier mot. Obsédé par Guy depuis leur rencontre fortuite, il le traque, le harcèle, et ce afin de mettre son idée première à exécution.

L'autrice découpe ici son récit en plusieurs parties : la rencontre dans le train, le meurtre, la traque de Guy, puis les remords ainsi que l'enquête menée par un détective privé (Gérard). La narration est à deux voix. On suit tour à tour Bruno dont le quotidien part en friches, puis Guy en proie à une lutte incessante.

Je vous l'avoue tout de go : L'inconnu du Nord-Express fut plutôt une bonne lecture. J'ai aimé son ambiance pesante qui monte crescendo, tout comme j'ai adoré frissonner en découvrant les chapitres mettant en scène le terrifiant Bruno. Celui-ci souffre de troubles psychiques et d'une addiction à l'alcool. Il rêve de se débarrasser de son père qui lui a mené la vie dure. De là à œuvrer pour passer réellement à l'acte, la folie n'est pas loin...

Chaque soir, j'étais ravie de retrouver ce roman qui m'attendait sagement sur ma table de chevet. J'avais hâte de retrouver ses personnages. Puis, mon intérêt est quelque peu retombé à partir de la seconde moitié de l'intrigue (qui diffère de ce qu'a pu en faire Hitchcock dans son adaptation cinématographique). Le hic est là. J'ai tellement aimé le film que j'ai été déçue par certains passages du roman d'origine. Riche en symboles (comme tous les films hitchcockiens), je trouve que la version du maître du suspense retranscrit davantage la toxicité du lien entre nos deux personnages. J'ai aussi préféré le final proposé par Hitchcock, tout comme sa version du personnage de Guy. Si Patricia Highsmith en fait un personnage quelque peu apathique, porté sur la mélancolie, j'avais parfois envie de le secouer comme un prunier. J'ai donc ressenti peu d'empathie envers lui, ce que je trouve dommage.

L'inconnu du Nord-Express reste un bon roman psychologique que je ne peux que vous recommander chaudement. L'emprise de Bruno sur Guy nous tient en haleine, tandis que l'on assiste à la chute de notre architecte qui semblait pourtant bien sous tous rapports. Si le final est assez prévisible, je garderai en tête quelques scènes (dont celle qui se déroule à la fête foraine).

Extraits ...

" Hé ! Bon sang quelle idée formidable ! Ecoutez : chacun de nous tue pour le compte de l'autre, vous comprenez ? Je tue votre femme et vous tuez mon père ! Nous nous sommes rencontrés dans le train et personne ne sait que nous nous connaissons ! Nous avons chacun un alibi parfait ! Vous saisissez ? "