Éditions Nathan, 2023 (153 pages)
Ma note : 15/20
Créatrice de parfums, Germaine Cellier (1909-1976) a su marquer son époque par son talent. Elle fut la première à arracher aux hommes le « monopole du meilleur nez » ! À travers ce joli roman graphique, Béatrice Égémar (pour le scénario) et Sandrine Revel (pour le dessin et les couleurs) rendent hommage à cette femme qui maîtrisait la subtile interaction entre la chimie et les odeurs.
Dans les rayons des parfumeries, on trouve encore de nombreuses fragrances créées il y a plus de cinquante ans. Mais avant de se lancer dans la conception de parfums à destination des maisons de haute couture, Germaine Cellier possède un don présent dès l’enfance : celui de s’intéresser à toutes les nuances de senteur présentes dans une fleur. Ce roman graphique nous propose ainsi de suivre cette future créatrice dans les grandes étapes de sa vie, des années 1900 à la fin des seventies.
J’ai passé un bon moment en compagnie de cet objet-livre. J’ai apprécié tout le travail apporté autour des couleurs. Celles-ci apportent une certaine douceur à l’ensemble (à l’image de ce que l’on pourrait retrouver dans une aquarelle). Le parti pris de suivre un plan chronologique est également intéressant : il nous aide à mieux comprendre la personnalité de cette parfumeuse. On peut aisément comprendre qu’il valait mieux avoir un certain caractère pour se faire une place dans un tel milieu à son époque ! Ce côté rebelle, Germaine Cellier le doit aussi certainement à sa cousine qu’elle a longuement côtoyée et qui faisait les quatre cents coups.
Bandit. Cœur-Joie. Fracas. Vent vert. Jolie Madame. Germaine Cellier a connu une renommée telle qu’elle était directement approchée par de grandes maisons (Nina Ricci, Balmain, Balenciaga) afin d’inventer des parfums dans l’air du temps. Face à ces demandes, elle n’hésitera pas à se faire confiance, à innover, parfois à prendre des risques en choisissant des odeurs très marquées, pour ajouter sa touche personnelle à ses créations.
Pour le reste, Béatrice Égémar avoue qu’il subsiste encore des zones d’ombre quant au vécu de cette grande dame du monde du parfum. Il a parfois fallu combler les trous. Reste que l’on perçoit aisément sa forte personnalité, son désir d’indépendance, de même que sa vie amoureuse plutôt chaotique. Avant d’ouvrir ce roman graphique, je ne connaissais rien de Germaine Cellier. Je suis aujourd’hui ravie de l’avoir rencontrée, ne serait-ce que pour ma culture générale.
Les deux autrices évoquent également la guerre et ses privations, l’Occupation, les dangers des alertes aériennes. S’il était indispensable de faire figurer le contexte historique de l’époque, j’ai apprécié ce pas de côté où l’on sort strictement des temps de travail en laboratoire, des réunions mondaines ou encore des temps réservés à la sphère familiale.
En parallèle de ces nombreux points positifs, mon seul bémol concerne la narration. J’ai trouvé certains dialogues un peu trop simples, et parfois cela allait trop vite. Il y avait comme un manque de continuité (je devais alors revenir quelques pages en arrière pour mieux comprendre ce qu’il en était, notamment au niveau des rencontres et relations amoureuses de Germaine Cellier). C’est sans doute ce qui fait que je suis passée à côté d’un possible coup de cœur.