Pillow Man – L’homme de nos rêves (Stéphane Grodet – Théo Calméjane – Éditions Glénat)
Jean, un ancien chauffeur routier, est au chômage depuis trois ans. Il a tout essayé pour retrouver un emploi, mais personne ne veut de lui. Alors forcément, son moral est au plus bas. Il n’a plus aucune confiance en ses capacités, et a l’impression d’être devenu un poids pour la société et pour sa compagne Marianne. Cerise sur le gâteau, il n’arrive plus à fermer l’oeil de la nuit. Mais c’est précisément ses problèmes de sommeil qui vont lui permettre de rebondir. Un beau jour, Jean décide en effet de se présenter à un curieux entretien d’embauche dans une maison prestigieuse où l’on recherche des insomniaques. Geneviève, la patronne, est à la fois intrigante et étrange. Lorsque Jean se présente devant elle, elle le regarde à peine mais elle lui demande d’enlever sa veste, sa cravate et ses chaussures et de s’allonger sur la méridienne. Quelques secondes plus tard, elle vient se coucher près de lui et pose sa tête sur son épaule puis sur son torse pour tester si Jean est suffisamment moelleux. Son verdict est immédiat: ce candidat est parfait. « Confort supérieur », conclut-elle. C’est à ce moment que l’ancien chauffeur routier découvre qu’il vient de se faire engager en tant que « Pillow Man ». Autrement dit, comme oreiller vivant. Grâce à sa grande taille et à son embonpoint, Jean est chargé d’apporter sa présence douce et réconfortante à des personnes qui n’arrivent pas à dormir. Toutes les nuits ou presque, ce sont des personnes différentes. Au début, Jean trouve ça étrange, mais petit à petit il se rend compte que ce métier insolite lui plaît énormément. Au fil des mois, il retrouve le sourire et se remet à rêver d’avenir avec Marianne. Il relance même leur projet de maison, qui était au point mort depuis des années. Mais le hic, c’est que sa compagne ignore tout de son véritable métier. Pour ne pas la perturber, Jean lui a fait croire qu’il est veilleur de nuit chez LVMH. Osera-t-il un jour lui dire la vérité?
« Pillow Man » est certainement l’une des BD les plus originales de cette rentrée. Il faut dire que cette idée étonnante d’un oreiller humain trottait dans la tête du scénariste Stéphane Grodet depuis des années. Plus précisément depuis 2008 lorsqu’une amie insomniaque lui demande de passer la nuit chez elle, avant de lui dire le lendemain matin: « Quand tu es là, je dors ». A la base, Stéphane Grodet, qui a longtemps travaillé comme journaliste avant de bifurquer vers la publicité, avait développé son scénario dans l’idée d’en faire un film. Comme il le raconte lui-même, il a travaillé et retravaillé son histoire, pour finalement aboutir à un scénario plus ou moins final composé de 103 séquences. C’est à partir de cette matière première que le dessinateur Théo Calméjane a adapté « Pillow Man » pour en faire une bande dessinée. Et on peut dire que c’est une réussite, car il s’agit d’une comédie intelligente, qui s’interroge sur la solitude urbaine et le manque d’affection dans notre monde moderne et ultraconnecté. C’est aussi une BD qui se penche sur les ravages du chômage de longue durée puisqu’après trois années sans emploi, Jean n’est plus que l’ombre de lui-même. Comme le soulignent les auteurs, c’est l’histoire « d’un homme allongé qui veut rester debout pour vivre ». L’un des grands intérêts de cette bande dessinée réside également dans la galerie de personnages très variés chez qui Jean va dormir. Notamment Margareth, une vieille dame touchante, qui joue un rôle central dans le retour à la vie de l’ancien chauffeur routier. A noter que « Pillow Man » n’est pas totalement de la science-fiction puisqu’il existe déjà des « bouillottes humaines » dans certains hôtels. Il y a aussi les « Cuddlers » aux Etats-Unis, qui sont des gens à qui on peut faire appel lorsqu’on a envie d’un câlin ou lorsqu’on veut poser sa tête sur une épaule amicale. Et si on avait tous besoin d’un peu plus de douceur dans nos vies?