J’ai pas les mots

Par Henri-Charles Dahlem @hcdahlem


Jérémy naît handicapé mental et autiste sévère. Il passe son temps son temps en famille avec ses parents, sa sœur Cindy et le chien et dans la journée il est en institut où il est pris en charge et essaie de progresser depuis 17 ans, sans grands résultats. Mais s’il ne peut pas parler, il comprend et va nous raconter son quotidien.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Je ne parle pas, mais je vous comprends

Avec ce nouveau roman Laurent Seyer réussit le tour de force d’inventer un narrateur handicapé mental et autiste sévère. À 17 ans, il va nous raconter son quotidien. S’il ne peut pas parler, il comprend tout. Sans pathos, mais avec humour et inventivité, cette confession nous touche au cœur !

Lorsqu’il était dans le ventre de sa mère, le cordon s’est enroulé autour du cou de Jérémy et l’a étranglé, atrophiant son cerveau et l’empêchant de parler. Alors, depuis sa naissance il grogne. Les médecins parlent de handicap mental et de troubles du spectre autistique, TSA. « Je suis donc handicapé mental et autiste sévère. J’ai les deux. On peut dire que j’ai été bien rassoté par les circonstances de l’existence ! Un tel cumul je crois que c’est assez rare. C’est pour ça que je suis différent des autres débiles de l’IME Saint-Martin. »
Aujourd’hui Jérémy a 17 ans et nous raconte son quotidien auprès de ses parents et dans cet institut où il passe ses journées de 8h 30 à 16h 30 du lundi au vendredi. Au fil des ans, il a ses habitudes, sa routine. Il est moins sensible aux remarques et insultes venant des écoliers en récréation dans la cour qui jouxte l’établissement, il sait que la purée de la cantine va finir par servir de projectile, il a ses éducateurs et ses aides médico-psychologiques préférés.
Régulièrement ses parents consultent des spécialistes, mais sans que ces derniers ne trouvent comment venir à son secours. Jusqu’à ce jour fatidique ou le docteur Lazure, neurologue, explique à ses parents qu’il suit Jérémy depuis deux ans et qu’il leur doit la vérité. « Jérémy ne sortira jamais de la prison dans laquelle il est enfermé. Vous ne parviendrez pas à avoir une relation normale avec lui, parce qu’il en est incapable. C’est au-dessus de ses capacités. Il faut vous faire une raison. Il sera bientôt majeur et pour vous il sera toujours un poids qui va déséquilibrer toute votre vie. Est-ce que vous voulez vraiment sacrifier votre existence à continuer à vous occuper de lui tous les jours, alors que les chances de le voir évoluer sont quasi nulles ? Ou voulez-vous lui permettre de vivre correctement sans que votre vie à vous ne soit entièrement phagocytée par la sienne ? Ce que je veux vous dire, c’est qu’il faut peut-être envisager davantage qu’un simple centre de jour et opter pour un placement dans un établissement à temps plein quand il sera majeur. Vous devriez y réfléchir. Pour lui, cela ne changera pas grand-chose. Pour vous, beaucoup. » Pour Jérémy, c’est comme une déflagration. Car, comme il le dit fort bien, ce n’est pas parce qu’il n’a pas les mots qu’il ne comprend pas, bien au contraire. Il ne veut pas finir sa vie seul en institution et le fait savoir, je vous laisse découvrir comment. Et son père partage son émotion. Derrière son air un peu bourru, c’est peut-être celui qui le comprend le mieux. Il se dit par exemple qu’il pourrait l’accompagner au concert de Michel Jonasz après les défections successives des autres membres de la famille. Si pour certains membres du public c’est une mauvaise idée et si Jérémy n’est pas trop à l’aise au début du concert, il va recevoir comme une révélation la chanson Groove, Baby Groove.
« Mais j’ai pas les mots, j’ai pas les mots, pas les mots non, des mots non, les mots non.
Michel Jonasz chante pour moi (…) j’ai l’impression que Michel Jonasz l’a écrite exprès pour moi. Enfin au moins le refrain,
Pas les mots non, les mots, non.
Michel Jonasz chante pour Jérémy,
Non, les mots non.
Michel Jonasz chante Jérémy,
Les mots non. »
À compter de ce jour, la vie devient plus belle. Quand il va au polygone avec son père, les footballeurs l’applaudissent. Il devient en quelque sorte leur mascotte lorsqu’il ramasse la balle dans le but pour la déposer dans le rond central. Même sa sœur Cindy devient plus sociable. C’est elle qui a l’idée de prendre les plats de la pizzeria en photo sur son smartphone pour que Jérémy puisse choisir son plat. Et puis il y a Béatrice, la copine de sa mère avec les gros seins, dont il tombe amoureux.
Mais soudain tout s’arrête. C’est la catastrophe. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de coronavirus ? Jérémy, qui n’aime pas l’imprévu, va déguster. D’autant qu’après le confinement tout est loin d’être comme avant.
En confiant la narration du roman à Jérémy, Laurent Seyer a pris un risque et finalement réussi un bel exploit. Car le handicap n’empêche pas la vivacité d’esprit. Avec Jérémy on comprend tout à la fois la cruauté du regard que portent les gens, à commencer par les enfants, sur ces personnes différentes et le dilemme qui est le sien, saisir les informations et ne pas pouvoir les transmettre, sinon avec des actions la plupart du temps incompréhensibles.
Après les jeux paralympiques, ce roman nous permet d’ouvrir les yeux sur les personnes en situation de handicap et de faire voler en éclats les préjugés.
Fidèle à son rythme de publication, un roman tous les deux ans, l’auteur de
Les poteaux étaient carrés (2018), Ne plus jamais marcher seuls (2020) et D’étranges hauteurs (2022) est ici au meilleur de sa forme, faisant d’un sujet difficile une joyeuse comédie. L’humour – la politesse du désespoir — vient ici contrebalancer la gravité du propos. Et emporter l’adhésion du lecteur.


Groove, Baby Groove par Michel Jonasz

J’ai pas les mots
Laurent Seyer
Éditions Finitude
Roman
176 p., 17,50 €
EAN 9782363392176
Paru le 4/10/2024

Où ?
Le roman est situé en France, dans une ville qui n’est pas nommée.

Quand ?
L’action se déroule autour des années 2020-2021.

Ce qu’en dit l’éditeur
Jérémy est un jeune garçon de 17 ans atteint de handicap mental. Il ne parle pas et n’a jamais réussi à communiquer avec son entourage. Les médecins, pas plus que sa famille, ne savent ce qu’il comprend, ni même s’il comprend quoi que ce soit. Pourtant, Jérémy pense, ressent, et se révolte contre cette prison intérieure, contre son corps qui n’obéit pas. Il raconte avec ses mots à lui ses joies (sa passion pour Fast and Furious), ses peines (sa petite sœur qui a honte de lui), ses grandes victoires (taper dans un ballon), son quotidien. Le jour où il comprend que sa sœur trafique quelque chose de pas net, il n’a plus qu’un but, qu’une obsession : avertir ses parents. Mais comment faire ?
Après s’être longuement documenté auprès de médecins, de soignants, de familles, Laurent Seyer a fait le délicat pari de rendre la parole à Jérémy, une parole bancale, qui vrille, qui bugue parfois. Il bouscule la langue pour donner à « entendre » la pensée sinueuse, parfois tourmentée, souvent poétique de Jérémy. Avec délicatesse mais sans fausse pudeur, il évoque la vie de ce garçon et de sa famille. On s’attache à ces parents dépassés, à cette sœur adolescente un peu paumée, aux éducateurs dévoués. On s’attache surtout à Jérémy, à sa vision du monde, entre détresse et espoir. Comment ne pas être bouleversé lorsqu’il envie son chien, parce que lui, au moins, réussit à faire comprendre quand il est heureux ou triste…

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com

Les premières pages du livre
« Pas bouger. Pas lécher. Sinon le miracle va pas venir. Pas bouger. Pas lécher. Je suis allongé sur le canapé à côté d’elle et ma tête est posée sur sa cuisse. Pas bouger. Pas lécher. Le chien Loco est couché sur sa couverture et ronfle sans chercher midi à quatorze heures. Pas bouger. Pas lécher. Elle porte la jupe à carreaux qui fait râler mon père. Pas bouger. Pas lécher. J’attends qu’elle me gratte la tête comme tous les soirs et en attendant je regarde son genou blanc. J’ai bien envie de le lécher mine de rien. C’est difficile de pas lécher quand on a envie eu égard à la nature. Pas bouger pas lécher pas bouger pas lécher pas bouger pas lécher. Si je lèche son genou elle va me repousser en disant « arrête ! Qu’est-ce que tu fais ? J’aime pas ça ! ». Et le miracle arrivera pas. Je dois rester concentré sur pourquoi je suis là. Je suis là pour le miracle. Alors je lèche pas. Mais comme sa main est toujours pas sur ma tête j’émets un petit gémissement. C’est juste un timide tremblement tout bignouf au fond de ma gorge mais elle sait ce qu’il signifie. Immédiatement ses doigts s’enfoncent dans ma tignasse et elle commence à caresser mon crâne de Cro-Magnon. En même temps elle se met à fredonner Hotel California,
Welcome to the Hotel California, such a lovely place, such a lovely face…
Je sens une chaleur dans ma poitrine. Comme quand je bois le chocolat chaud qu’on achète au petit kiosque du parc au bout de la rue. Elle me gratte la tête. Elle chante. Je bouge pas et je pense plus à lécher. Y’a plus que nous deux au monde. Et le miracle arrive. Tout ce qui était tendu en moi se desserre bien gentiment. Ses caresses font s’envoler les angoisses accumulées depuis ce matin.
Les angoisses qui viennent des autres.
Parce que les autres me font toujours du mal malotru.
Ils se ressemblent tous avec leurs sourires moqueurs et leurs yeux qui piquent comme des épées qui piquent. Ils arrêtent de parler quand ils m’aperçoivent. Ils me dévisagent. Pour me protéger je penche la tête de côté. Ou alors je fixe mes chaussures ou bien le ciel. Pour éviter leurs regards. Des fois je fronce les sourcils pour les effrayer. Les autres sont des singes verts. Et y’a pire pyromane. Même ceux qui me veulent du bien me font du mal malotru. C’est un peu triste. Ils s’approchent en souriant pour me dire des choses gentilles. Ils s’intéressent à moi et c’est bien aimable de leur part. Ils veulent faire une bonne action. Mais eux aussi me font souffrir.
Depuis ma naissance chaque rencontre est une souffrance. Parce que je parle pas. J’ai jamais parlé. Je suis incapable de communiquer. D’exprimer ce que je ressens et ce que je pense. Pourtant je ressens et je pense. Mais personne le sait. Personne l’entend. Ça rend seul de pas pouvoir dialoguer avec les gens. Ils tournent autour de moi en parlant. Je les entends mais pas eux. J’essaye de leur dire des choses. Mais ils entendent rien. Et sans me vanter je fais des efforts. Je me concentre pour bien articuler. Je tends le cou Kirikou. J’ouvre bien grand la grande bouche. Mais ce qui sort c’est toujours juste un grognement. Comme un animal. Un animal qui grogne. Et à chaque fois j’ai mal malotru. Ça fait souffrir dedans de faire que grogner quand on voudrait parler dehors.
Toutes ces angoisses accumulées toute la journée s’en vont quand elle s’assoit sur le canapé en rentrant du travail et que je me recroqueville contre elle et que ses doigts glissent gentiment dans mes cheveux. De l’autre main elle tourne les pages d’un magazine où y’a des photos de villas paradisiaques et de robes et de bijoux. Et de sacs à main. Elle aime bien les sacs à main parce qu’elle est vendeuse dans une boutique de sacs à main. Aucun mot entre nous. Rien que des gestes. Toujours les mêmes. Ma tête sur ses genoux. Sa main dans mes cheveux. Et le mal malotru qui s’en va.
Certains soirs elle rentre tard et je vais me coucher sans avoir pu m’allonger contre elle. C’est un peu triste. Ces nuits-là c’est impossible de m’endormir. Ce soir elle est rentrée tôt mais elle est fatiguée et sa main ralentit dans mes cheveux. Elle a juste le temps de murmurer les derniers mots de la chanson avant de s’endormir comme Loco. You can check out any time you like, but you can never leave… Ses doigts s’immobilisent sur mon crâne de Cro-Magnon et le magazine glisse sur le sol dans un bruit de paquet de M & M’s. Elle dort. Elle dort. Elle dort. Jusqu’à ce que ce moufaille de Loco la réveille hardiment. Avant même qu’on entende la clé s’agiter dans la serrure de la porte il bondit et se précipite en aboyant vers l’entrée de la maison. La porte claque et mon père dit au chien de se taire. Puis sa voix résonne comme à travers un hautparleur. Il dit toujours la même chose quand il rentre du travail. Je préfère ça parce que je déteste les imprévus,
— C’est moi. Y’a quelqu’un ?
Maman répond,
— Coucou, on est au salon,
puis elle se penche vers moi,
— Mon chéri, papa est rentré. Viens, on va lui dire bonjour.
*
Ce matin c’est Mélanie qui m’accueille,
— Jérémy ! Viens me dire bonjour, mon grand !
— …
D’habitude je l’aime bien cette gribouille. Mais pas quand elle me parle comme ça. Avec cette voix un peu forcée et ce grand sourire un peu forcé aussi. C’est la voix et la tête que prennent les gens quand ils parlent aux bébés. Et aux débiles. Ça m’énerve mais je sais pourquoi Mélanie me parle comme ça. C’est son métier de parler aux débiles. Elle est Aide Médico-Psychologique à l’Institut Médico Éducatif Saint-Martin. Comme c’est compliqué tout le monde dit AMP et IME Saint-Martin. C’est plus simple à dire. Enfin pour les autres. Parce que moi je dis ni l’un ni l’autre de toute façon. L’IME Saint-Martin j’y vais tous les jours de 8h30 à 16h30. Le week-end je reste chez moi.
Je réponds à Mélanie-la-gribouille « arrête de me parler comme à un bébé j’ai dix-sept ans bordel ! ». Et bien sûr elle entend rien d’autre qu’un grognement. Un grognement grognon grincheux gribouille. Le même grognement qu’entendent depuis toujours tous les gens à qui j’essaye de parler. Un grognement et puis c’est tout. Pourtant des phrases avec des mots se forment bien dans mon cerveau cerf-volant. Je peux me les répéter dedans. Je les entends dans ma tête. Mais au moment d’ouvrir la grande bouche tout se bloque. C’est comme si j’essayais de pousser une porte trop lourde. Je pose les mains dessus et je pousse de toutes mes forces. Je pouuuuusse je pouuuuusse je pouuuuusse. Mais ça fait pas bouger la porte. Elle reste fermée. Et les mots coincés derrière. J’écarte les lèvres mais ce qui sort c’est toujours ce grognement. Toujours le même. J’arrive à peine à chipoter un peu l’intonation selon l’humeur du moment. Loco est bien plus fort que moi pour se faire comprendre ! C’est pour ça que des fois je rêve que je suis un chien comme lui. Un chien qui agite la queue pour dire qu’il est content. Et fait dégouliner ses yeux pour se plaindre. Et retrousse les babines pour menacer. Dans mes rêves je suis tellement content d’être un chien que j’en oublie un peu qui je suis. Mais une fois réveillé je redeviens moi. Un Playmobil. Un Playmobil qui grogne comme un animal. C’est un peu triste.
Mélanie m’a emmené dans la salle d’activités et elle me fait lancer la grosse boule en plastique vers le jeu de quilles. Comme j’ai du mal malotru à rester longtemps debout elle me dit de m’asseoir par terre. Ça repose mes jambes carabinées mais c’est pas très pratique pour lancer la boule. Je dois m’appuyer par terre sur un bras et tendre l’autre bras tout droit pour jeter la boule. J’ai l’air d’un bouc tout de travers. Ça fait rire Mélanie. Quand elle rit ses yeux parlent plus que ma bouche. Dès qu’une quille tombe elle applaudit en disant « bravo, mon Jérémy ! ». Mélanie fait jamais semblant. Elle ment pas. Ça lui fait un point commun avec nous autres attardés du cerveau cerf-volant parce qu’on sait pas mentir comme font les gens normaux. Ceci dit le jeu de quilles me fatigue de la tête aux pieds alors je plie les poignets et je crache parce que la plaisanterie a assez duré. Quilles de boucs ! Je suis contrarié parce que je me souviens plus quel jour on est alors je sais pas si maman sera à la maison quand je rentrerai ce soir. C’est contrariant. Le lundi la boutique de sacs à main est fermée alors maman est toujours là quand je rentre et je peux m’allonger sur ses genoux pour qu’elle me gratte la tête. Mais les autres jours ça dépend si y’avait du monde à la boutique de sacs à main. Pas savoir quel jour on est c’est contrariant. Alors je crache encore. Mélanie râle,
— Il ne faut pas cracher, mon Jérémy !
mais moi je crache encore. Maintenant c’est elle qui a l’air fatiguée de la tête aux pieds. Elle range les quilles et ses encouragements et elle me laisse vaquer à droite et à gauche dans la salle d’activités. Vaquer c’est une activité plutôt agréable dans l’existence. Ça vaut mieux que de se faire casser du sucre sur le dos. Je vaque donc gentiment. Mélanie me suit des yeux. C’est son métier. Mélanie c’est l’AMP que je préfère. Les autres je les aime moins. À l’IME Saint-Martin les AMP sont presque toutes des femmes. Y’a aussi des hommes mais j’aime pas qu’ils s’occupent de moi. Quand ils essaient je plie les poignets et je crache. Si on me demandait mon avis y’aurait que Mélanie qui s’occuperait de moi. Je vaque et puis à force de vaquer c’est déjà l’heure de la pause.
*
— Allez, on va prendre l’air !
— …
À l’IME Saint-Martin y’a un petit jardin dans lequel on va prendre l’air. J’aime bien prendre l’air. Comme d’habitude je déambule à mon rythme sans m’occuper des autres débiles autour. Puis je m’arrête devant le chêne collé au grillage qui sépare notre jardin de la cour de l’école d’à côté. Une sonnerie retentit et quelques secondes plus tard le bâtiment déverse un flot d’enfants hurlant comme des fous. Avec nous ça fait pas mal de fous au mètre carré dans le quartier. La plupart des débiles détestent le bruit alors ils se réfugient en courant dans la salle d’activités. Mais moi je suis pas comme les autres. Le bruit me gêne pas. Alors je reste là. Plusieurs mômes de l’école s’accrochent au grillage et m’appellent avec des noms qu’ils ont inventé exprès pour moi, … »

Extraits
« — Cela fait près de deux ans que je suis Jérémy. J’ai regardé les derniers comptes-rendus de l’IME, les dernières analyses… J’admire sincèrement votre courage et votre volonté d’accompagner votre fils, mais mon devoir est de vous dire la vérité. Jérémy ne sortira jamais de la prison dans laquelle il est enfermé. Vous ne parviendrez pas à avoir une relation normale avec lui, parce qu’il en est incapable. C’est au-dessus de ses capacités. Il faut vous faire une raison. Il sera bientôt majeur et pour vous il sera toujours un poids qui va déséquilibrer toute votre vie. Est-ce que vous voulez vraiment sacrifier votre existence à continuer à vous occuper de lui tous les jours, alors que les chances de le voir évoluer sont quasi nulles ? Ou voulez-vous lui permettre de vivre correctement sans que votre vie à vous ne soit entièrement phagocytée par la sienne ? Ce que je veux vous dire, c’est qu’il faut peut-être envisager davantage qu’un simple centre de jour et opter pour un placement dans un établissement à temps plein quand il sera majeur. Vous devriez y réfléchir. Pour lui, cela ne changera pas grand-chose. Pour vous, beaucoup.
Un grand silence s’installe dans le cabinet. » p. 32

« Mais j’ai pas les mots, j’ai pas les mots, pas les mots non, des mots non, les mots non.
Michel Jonasz chante pour moi. C’est la première fois qu’une chanson est chantée pour moi. À part Hotel California mais c’est pas pareil parce que dans Hotel California je comprends pas les paroles. Alors que Groove, Baby Groove j’ai l’impression que Michel Jonasz l’a écrite exprès pour moi. Enfin au moins le refrain,
Pas les mots non, les mots, non.
Michel Jonasz chante pour Jérémy,
Non, les mots non.
Michel Jonasz chante Jérémy,
Les mots non. » p. 72-73

À propos de l’auteur
Laurent Seyer © Photo Sandrine Cellard

Laurent Seyer vit un pied en région parisienne, l’autre dans les Landes. Il a commencé à écrire à plus de cinquante ans, après un détour de trois décennies dans la banque. Après Les poteaux étaient carrés (2018) ; Ne plus jamais marcher seuls (2020) et D’étranges hauteurs (2022), il publie J’ai pas les mots en 2024. (Source : Éditions Finitude)

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