Le Nobel de littérature 2024 à Han Kang

Par Lucie Cauwe @LucieCauwe

Han Kang. Ill. Niklas Elmehed. (c) Nobel Prize Outreach.

  Serait-ce un galop de rattrapage? Depuis une vingtaine d'années, le prix Nobel de littérature est attribué une fois sur deux ou sur trois à une femme. C'est encore le cas en ce 10 octobre 2024 puisque, deux ans après Annie Ernaux (lire ici), le jury de l'Académie suédoise a sacré l'autrice sud-coréenne Han Kang, 53 ans, romancière, nouvelliste et poète, pour l'ensemble de son œuvre, écrite en coréen: "pour sa prose poétique intense qui confronte les traumatismes historiques et expose la fragilité de la vie humaine." Elle est la dix-huitième femme à recevoir la récompense littéraire suprême. Sur 117 éditions. Joyce Carol Oates dans deux ans?  

 Han Kang. (c) Roberto Ricciuti/Getty Images/ Nobel Prize.

Han Kang, nous dit l'académie suédoise, est née en 1970 dans la ville sud-coréenne de Gwangju avant, à l'âge de neuf ans, de déménager avec sa famille à Séoul. Elle vient d'un milieu littéraire, son père étant un romancier réputé. En plus de son écriture, elle s'est également consacrée à l'art et à la musique, ce qui se reflète tout au long de sa production littéraire.

Elle a commencé sa carrière en 1993 avec la publication de poèmes dans un magazine. Ses débuts en prose, nouvelles et romans, datent de 1995. La grande percée internationale de Han Kang est venue avec son roman "La Végétarienne" publié en Corée en 2007 et à l'international en 2015. Écrit en trois parties, le livre dépeint les conséquences violentes qui en découlent lorsque son protagoniste Yeong-hye refuse de se soumettre aux normes de la consommation alimentaire.  Le travail de Han Kang est caractérisé par une double exposition de douleur, une correspondance entre tourments mentaux et physiques avec des liens étroits avec la pensée orientale. Dans son œuvre, Han Kang fait face à des traumatismes historiques et à des ensembles invisibles de règles et, dans chacune de ses œuvres, expose la fragilité de la vie humaine. Elle a une conscience unique des liens entre corps et âme, vivants et morts, et dans son style poétique et expérimental est devenue une innovatrice en prose contemporaine.
  Voilà donc une nouvelle et une sacrée récompense pour Han Kang qui en a déjà obtenu beaucoup dans son pays ainsi qu'à l'international: Man-Booker Prize 2016  pour "La Végétarienne" (traduit par Jeong Eun-Jin, Jacques Batilliot, Le Serpent à Plumes 2015), le livre qui la fait connaître au monde, prix Émile-Guimet 2024 de littérature asiatique pour "Impossibles adieux" (traduit du coréen par Pierre Bisiou et Kyungran Choi, Grasset, 2023), qui avait été récompensé par le prix Médicis étranger 2023. Elle y évoque les souvenirs laissés par le soulèvement de Jeju de 1948.
Pour lire en ligne un extrait de "Impossibles adieux", c'est ici.
  La lauréate a été traduite en français de 2015 à 2019 au Serpent à plumes, soit jusqu'à la cessation d'activités de la maison d'édition. Ce qui explique que plusieurs de ses romans ne sont plus disponibles. On en trouve toutefois certains en format de poche ou en format numérique. L'an dernier, c'est Grasset qui publiait la traduction de son nouveau titre. Le prix Nobel de littérature verra sans doute arriver quelques réédition. Pour savoir quels sont ses livres qui ont été traduits en français et en autres langues, on se référera à son site (ici), fort bien fait.   Bibliographie en français
  • "Les Chiens au soleil couchant", traduit par Jean-Noël Juttet, Mikyung Choi, Zulma, 2013, épuisé.
  • "La Végétarienne", traduit par Jeong Eun-Jin, Jacques Batilliot, Le Serpent à Plumes, 2015, Le livre de poche, 2016.
  • "Pars, le vent se lève", traduit par Lee Tae-yeon et Geneviève Roux-Faucard, Decrescenzo, 2014, épuisé.
  • "Leçons de grec", traduit par Jeong Eun-Jin, Jacques Batilliot, Le Serpent à Plumes, 2017, Points, 2019, épuisé.
  • "Celui qui revient, traduit par Jeong Eun-Jin, Jacques Batilliot, Le Serpent à Plumes (2016), Points, 2017.
  • " Les Chiens au soleil couchant", nouvelle publiée dans "Cocktail Sugar et autres nouvelles de Corée", éd. Zulma, traduction sous la direction de Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet (2011)
  • "Blanc", traduit par Jeong Eun-Jin, Jacques Batilliot, Le Serpent à plumes, 2019, épuisé.
  • "Impossibles adieux" (traduit du coréen par Pierre Bisiou et Kyungran Choi, Grasset, 2023
 

Les femmes ayant reçu le Nobel de littérature

  1. Selma Lagerlöf (1909)
  2. Grazia Deledda (1926)
  3. Sigrid Undset (1928)
  4. Pearl Buck (1938)
  5. Gabriela Mistral (1945)
  6. Nelly Sachs (1966)
  7. Nadine Gordimer (1991)
  8. Toni Morrison (1993)
  9. Wisława Szymborska (1996)
  10. Elfriede Jelinek (2004)
  11. Doris Lessing (2007)
  12. Herta Müller (2009)
  13. Alice Munro (2013)
  14. Svetlana Alexievitch (2015)
  15. Olga Tokarczuk (2018)
  16. Louise Glück (2020)
  17. Annie Ernaux (2022)
  18. Han Kang (2024) 

Le palmarès complet du Nobel de littérature se trouve ici.