Arch Colson Chipp Whitehead, né en 1969 à New York, est un romancier américain. Il fréquente la Trinity School de New York puis est diplômé de l'université Harvard en 1991. Journaliste, ses travaux paraissent dans de nombreuses publications comme The New York Times ou The Village Voice. Il est un des rares écrivains à remporter deux fois le Prix Pulitzer pour des fictions, en 2017 pour Underground Railroad et en 2020 pour Nickel Boys. Second volet de la Trilogie de Harlem, La Règle du crime vient de paraître.
Après les années 60’, nous sommes désormais durant les 70’ à Harlem avec notre héros, Ray Carney, marchand de meubles pour sa face respectable et receleur pour sa face sombre. Le roman comme le précédent, se découpe en trois parties, à trois dates différentes, et trois histoires distinctes qui néanmoins suivent le même fil conducteur.
Carney voudrait abandonner ses activités illégales mais il est difficile de résister à ses habitudes et aux sollicitations d’anciennes relations.
Les trois intrigues se résument ainsi : Un inspecteur de police ripou, vieille connaissance de Carney, l’embringue (en échange de places pour un concert des Jackson Five destinées à sa fille) dans une sale tournée de récolte de fonds avant de pouvoir fuir la ville où ses jours sont comptés. Un cinéaste marginal de la blaxploitation (Courant culturel et social propre au cinéma américain des années 1970 qui a revalorisé l'image des Afro-Américains en les présentant dans des rôles dignes et de premier plan et non plus seulement dans des rôles secondaires et de faire-valoir) tourne des scènes de son film dans le magasin de Carney, jusqu’à ce que sa vedette féminine disparaisse, Pepper le vigile va partir à sa recherche, recherche musclée ! Enfin, Carney écœuré par l’incendie volontaire d’un immeuble où un gamin manque mourir, demande à Pepper d’en retrouver les responsables, qui s’avèrent liés à un candidat à la mairie…
Ces intrigues ne sont que prétextes pour décrire le Harlem et New York de l’époque. Pour ce volet, il s’agit d’aborder les droits civiques et les mouvements contestataires (Black Panthers et Black Liberation Army), la criminalité en hausse dans la ville avec entre autres, les incendies d’immeubles volontaires pour faire jouer les assurances et les combines immobilières. Et au milieu, Carney qui se débat entre ses envies de respectabilités et la difficulté de se sortir de la spirale infernale de ses relations suspectes…
Colson Whitehead maitrise parfaitement son sujet et sa narration, néanmoins je n’accroche plus vraiment, ce second volet sans être la copie du premier en suit de trop près le plan (les trois parties) et le style d’écriture devient fatigant, récit chaotique fait de retour en arrière et de digressions multiples. Certes, le portait de la ville est assez réussi et fouillé mais les intrigues noyées dans le discours dense et éparpillé perdent leur peu d’intérêt naturel, malgré l’humour sous-jacent (« Ses congénères se révélaient souvent décevants ; de bonnes chaussettes, rarement. »).
Je lirai certainement le dernier tome pour savoir comment tout cela se termine mais une question se pose déjà : un volet ça va, trois volets bonjour les dégâts ?
« Pour que la success story soit intéressante, mieux valait probablement que la fille vienne des quartiers pauvres et non d’une banlieue cossue. Pepper avait déjà entendu parler de Noirs qui se faisaient passer pour des Blancs ; se faire passer pour une pauvre, en revanche, c’était nouveau. Y arriver. Il avait toujours aimé cette expression. Les voyous réussissent un joli coup, touchent le jackpot, et les gens comme il faut y arrivent, trouvent un moyen de contourner les règles des Blancs. De voler un peu de sécurité ou de succès à un monde qui fait tout pour les en priver. »
Colson Whitehead La Règle du crime Albin Michel - 450 pages -