Quand la nuit tombe
Rie Aruga
Editions Akata, août 2023
224 pages
Thèmes : Japon, traumatismes, amitié/amour, résilience
Quand la nuit tombe, Takaomi aimerait emmener Ao admirer la ville autrement.
Dans cette région du Tokai, la zone industrielle se pare de lumières qui subliment son architecture de tuyaux, quand le jour, seule une tristesse sans nom s'en dégage.
Ils se connaissent depuis le collège, s'encouragent mutuellement et ont tous les deux une passion pour la langue anglaise. Leurs amis voient dans leur amitié quelque chose de plus qu'eux.
Mais un soir d'été de leurs 17 ans, c'est une autre nuit qui est tombée alors qu'ils avaient enfin convenu d'un RDV.
Ao s'est apprêtée lorsqu'on sonne à la porte. Elle ouvre à la Police.
Takaomi rentre chez lui et trouve son oncle qui lui parle avec sa mère.
Un crime s'est produit et tous deux en sont des victimes collatérales.
Des victimes que l'on juge parce qu'ils n'adaptent pas un comportement " normal ", " adéquat ", " conforme " en tant que fille et fils de coupable/vitcime.
Pourtant, les enfants ont-ils à porter les conséquences, la culpabilité et la honte des actes de leurs parents ?
Dans le monde étriqué qui était le nôtre... on ne nous a pas permis qu'entre nous "rien ne change".
Tout était réuni dans ce manga one-shot pour me plaire !
Même si j'ai trouvé le dessin parfois un peu plat et un étrange strabisme à Takaomi, le récit et ce que dénonce la mangaka me les font vite oublier.
Par l'histoire d'Ao et de Takaomi, elle questionne les relations qui sont pensées comme étant correctes, convenues, attendues lorsque des malheurs frappent. Là aussi, il faudrait respecter des codes. Des codes qui emprunteraient à l'honneur, à la colère, à la tristesse, aux apparences ou au respect.
Il n'est pas permis de ne pas vouloir supporter à l'extérieur le crime de nos proches.
Et cela dure et perdure même au fil des années où les victimes collatérales se trouvent finalement jugées au même niveau que les victimes principales. Voire pire.
Peut-être que je me suis trompée. " Supporter " ou " tenir bon " sont des expressions réservées à la victime. C'est déplacé, de les utiliser en tant que proche de l'agresseur et pourtant...
Son récit prend le temps de se déployer tout en nuances, pour explorer les conséquences immédiates et sur le long terme. Conséquences physiques, psychologiques, financières, et de réputation.
Au-delà, la mangaka questionne la société japonaise sous le joug constant du regard d'autrui. Une société à dominante patriarcale, où la femme est rabaissée dans le domaine privé comme professionnel, où pour s'intégrer, le présentéisme au travail est toujours de mise, ainsi que les fêtes après celui-ci où il faut savoir " profiter ".
Ce manga encourage donc une réflexion sur nos " jugements " relationnels et sociétaux, sur les réseaux sociaux, sur la reconstruction après traumatismes, et le pardon.
Cet album participe auRDV BD de la semaine, qui se passe aujourd'hui chez Noukette (CLIC)
Belles lectures et découvertes,
Blandine