JulliardParution : 22/0/24Pages : 224Isbn : 9782260056522Prix : 21 €
Présentation de l'éditeur
À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande de ses sœurs, pour liquider l’héritage familial. En lui, c’est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement souffrances et bonheur de vivre.
À travers lui, les voix du passé résonnent et l’interpellent, dont celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique, happé par le trafic de drogue et la corruption d’un colonel de l’armée du roi Hassan II. À mesure que Youssef s’enfonce dans les ruelles de la ville actuelle, un monde perdu reprend forme, guetté par la misère et la violence, où la différence, sexuelle, sociale, se paie au prix fort.
Frontière ultime de ce roman splendide, le Bastion des Larmes, nom donné aux remparts de la vieille ville, à l’ombre desquels Youssef a jadis fait une promesse à Najib. « Notre passé… notre grande fiction », médite Youssef, tandis qu’il s’apprête à entrer pleinement dans son héritage, celui d’une enfance terrible, d’un amour absolu, aussi, pour ses sœurs magnifiques et sa mère disparue.
L'auteur
Abdellah Taïa est né à Rabat (Maroc) en 1973. Il a publié aux Éditions du Seuil plusieurs romans, traduits dans de nombreuses langues, notamment Une mélancolie arabe, Le Jour du roi (Prix de Flore 2010) et Vivre à ta lumière. Le Bastion des Larmes est son premier livre aux Éditions Julliard.
©Abderrahim Annag
Mon avis
Youssef est un professeur d'origine marocaine exilé en France depuis de nombreuses années, il rentre à Salé, sa ville natale à la demande de ses soeurs pour vendre l'appartement familial.
En rentrant au pays, tout son passé ressurgit. Tradition, souffrances, bonheur, Najib son premier amour qui vient de mourir à son arrivée.
Il se souvient des moments heureux entourés de ses deux frère et de ses six soeurs chéries, de sa mère Malika, une femme forte qui avait tout construit. Il se souvient de la pauvreté, de la violence, des traditions de son pays, du regard de la société sur son homosexualité, des souffrances infligées.
L'homosexualité est considérée comme une tare, on jette des pierres, de la violence, on rejette, on n'accepte pas, impossible de vivre son homosexualité, juste la haine, la violence, les jets de pierre, ou pire, le viol, la pédophilie pratiquées et ignorées. La société ferme les yeux, est hypocrite, elle sait, elle voit et ne fait rien. Ses soeurs ont fait pareil, jamais elles n'ont agi. Que de souffrance !
La voix de son ancien amant Najib résonne en lui, il vient de mourir. Lui son aîné qui l'avait compris, aimé, respecté, qui avait souffert, était parti avec un colonel de l'armée du roi Hassan 2. Il a pu vivre ouvertement car son amant pratiquait un trafic de drogue avec l'aide et la corruption des gens d'en haut dans le Nord du Maroc. Il avait un seul souhait être respecté reconnu en tant que tel, faire changer les mentalités.
Ce livre parle aussi de la condition des femmes à travers ses soeurs et leur mère, Malika, des chaînes du mariage.
Tout se passe à Salé, la ville de son enfance, la ville du bastion des larmes, un rempart au bord de la mer, la ville a beaucoup pleuré en 1260 lorsque des chrétiens ont chassé des juifs et musulmans en nombre, plus de 3000 personnes ont été vendues comme esclaves, parties par la mer, on se souvient, on se rassemble devant la mer en pleurant. C'est le lieu du souvenir, celui de son ami Najib, mais aussi celui de la honte, des souffrances endurées, de la haine, de l'amour, de l'envie de vengeance ou du pardon.
J'ai dévoré ce roman, cette plume sensible, pudique, bouleversante. C'est d'une grande justesse, puissant, rythmé, d'une grande beauté. L'écriture est percutante, acérée quand il le faut, saccadée, crue ou d'une extrême douceur.
La fin est juste sublime.
C'est un coup de ♥
Les jolies phrases
Vendre c'est accepter d'être déraciné des autres.
Au milieu d'eux, j'étais plus qu'un hypocrite. Je pouvais jouer tous les rôles. Le confident. Le jaloux. Le mendiant. Le clown. Le servile. La petite danseuse. La serpillière sur laquelle ils essuyaient toutes et tous leurs pieds. Pourvu qu'on me laisse tranquille. Pourvu qu'on m'aime un peu. Un tout petit peu. Et qu'on ne me rappelle pas en permanence à quel point le grand frère que j'étais leur faisait honte.
Quand on n'a plus rien à perdre, on se jette dans la mer déchaînée et on fait tout pour survivre. Survivre et vivre à fond. Vivre sans ce soucier si on est bien considéré ou pas.
Nous n'avions pas l'argent pour acheter les parfums de Paris et de Florence. Nous vivions dans ce rez-de-chaussée à l'aise de nos odeurs. Ce n'est pas le corps à l'aise et nu de l'autre qui dérange. Non. C'est quand ce corps veut masquer sa vérité et sa nature que les problèmes commencent.
Le hammam c'est beau. Toute cette eau qui coule. Cette saleté en nous qui sort. Le hammam est un lieu de miracle. de transformation. Je l'aime, le hammam.
La femme n'a pas besoin de la bénédiction de l'homme pour vivre et pour s'engager et combattre.
Juste de l’autre côté de la rue, il y a un Maroc qui fait les lois, les impose à tous, mais n’a pas peur d’enfreindre en permanence ces mêmes lois.