Ariane (Jennifer Saint)

Par Gabrielleviszs @ShadowOfAngels

Auteur : Jennifer Saint
Éditions : Sabran
Parution le : 24 aout 2023
384 pages Thème : Réécriture de Mythe

disponible à la FNAC et sur Amazon

Un mythe peu connu

Le roi Minos règne d'une main de fer sur la Crète, terrorisant ses ennemis vaincus, ses sujets et sa propre famille. Lorsque la cité vaincue d'Athènes envoie douze de ses enfants en sacrifice au terrible Minotaure, la princesse Ariane se rebelle.
Ariane a entendu trop de contes et de récits dans lesquels les plus faibles, les femmes surtout, subissent les conséquences des actes des puissants. Elle, est déterminée à tracer son propre destin. Et parmi les douze otages, Thésée va lui fournir l'occasion de contrer et fuir la tyrannie de son père. La légende du Labyrinthe s'enclenche.
Tour à tour princesse, traitresse, faiseuse de héros... le parcours d'Ariane fut semé d'embuches, à l'instars de celui de sa sœur, Phèdre, mais aussi ponctué de rencontres fabuleuses. En ce temps-là, dieux et héros rodaient sur terre, repoussant les femmes dans l'ombre.
" Jennifer Saint braque la lumière sur ces héroïnes du passé, très modernes.

Voici enfin la dernière chronique de ma première lecture du mois de septembre. Il faut bien un premier et un dernier pour tout, pas vrai ? Une réécriture de mythe, me diriez-vous ? J'aime tout ce qui touche aux Dieux et Déesses grecques et même un peu plus que cela, mais il est vrai que cela fait bien longtemps que je n'avais pas mis le nez dans quelque chose de ce type. Ariane n'est pas forcément celle dont on se souvient le plus, entre les exploits de Thésée contre le Minotaure et la jalousie de cette chère Héra, elle passe un peu pour la mal-aimée, comme la plupart des femmes de peu ou pas de pouvoir. Ariane, fille de Minos, un roi craint par toute la région à cause de son "fils" Astérion, devenu le Minotaure, et de é la reine quelque peu déchue par l'outrage qu'elle a fait subir à son époux, je m'égare. Bref Ariane joue un rôle important dans l'histoire de la mort de son frère le minotaure, dans la libération des futurs enfants prêts à être dévorés par ce même frère et dans la libération de Thésée venu sauver les siens. Pour ceux et celles qui connaissent bien les mythes, l'auteur prend, non pas des raccourcis, mais des chemins qui s'approchent de ce que la population imagine. Bien des idées vont et viennent, de nombreuses destinées se mêlent sans pour autant avoir la vérité. C'est ce qui fait qu'une histoire devient un mythe ou qu'une légende née de faits réels se voient enrobées de plus ou moins belles dentelles afin d'avoir une envie de voir par nous-même ce pan de l'Histoire.

Oh je ne parle pas des Dieux, mais du pouvoir que certains hommes ou femmes influents peuvent avoir sur les autres. La jalousie peut en faire des choses vraiment pas jolies ! La rancune, le besoin de reconnaissance, le bonheur simple d'une promenade sur la plage ou l'envie d'avoir tout pour soi au risque de tout perdre. Tant de thèmes abordés qui ne peuvent pas être mis de côté et dont nous en avons plus qu'un aperçu. En ces temps anciens et peut-être pas si lointain, les autels existaient, les traces n'étaient pas uniquement fait de coupe rempli de vin, et l'envie d'avoir du monde à ses pieds est encore un rêve pour quelques poignées de fanatiques.
Je ne parlerais pas de ce que l'auteur a imaginé pour Ariane, car cela vient de ce qui se dit un peu partout et de as propre imagination. Bien des événements vont la changer, vont lui montrer que le monde tel qu'il est n'est pas aussi blanc qu'elle ne le croyait. Une princesse, obligé de se marier pour que son père puisse récupérer un matériau riche, pour asseoir sa soif de pouvoir encore plus que par la terreur. Ariane est un personnage féminin tout en douceur, un peu fleur bleue, un peu trop qui va perdre son innocence face à de grands yeux verts. Une femme qui, par les obstacles et les épreuves mis sur sa route vont la forcer à vivre recluse, mais pas au point de ne plus sourire. Sa constance, le fait de ne pas vouloir montrer son bonheur trop fort de peur de voir quelqu'un venir le lui prendre est quelque chose de tangible. Tout ce dont l'auteure peut indiquer dans le récit peut se transposer à notre réalité, à notre propre vie.

L'histoire est intéressante, car elle m'a permis de voir autrement la vie d'une femme à cette époque, si nous enlevons les Dieux dans l'équation. La place de la femme a changé depuis, enfin parfois, mais elle a toujours ce don en elle : celui de donner la vie et d'avoir ce pouvoir sur son propre corps. Ariane a été chamboulé, a cru voir sa mort arriver pour revenir tel un phœnix. Bien entendu la peur de voir cette vie s'effondrer est bien légitime, surtout lorsque l'on dépend d'un autre, mais plus le temps passe et plus elle grappille les miettes de bonheur pour ne vivre qu'au travers de sa famille, de ses enfants. Peut-être aurait-elle dû se poser plus de questions, mais après ce qu'elle a déjà vécu, le bonheur simple de ce qu'elle a pu construire lui suffit, jusqu'à ce qu'un élément perturbateur vienne. Je parle de sa sœur, Phèdre. Elle n'est pas méchante, sa jeune sœur, mais elle a gouté au pouvoir. Et ce pouvoir, qui ne semble pas lui avoir monté à la tête l'oblige à détourner le regard de ce qu'elle aurait dû. L'apparence... Le masque qui cache la vérité, l'arbre devant la forêt, tant d'expressions qui veulent dire la même chose : tout le monde cache quelque chose, de bon ou de mauvais, mais nulle ne peut être vrai, véritablement. Je dois tout de même admettre que j'ai eu du mal avec le début du livre, avec la manière dont Ariane, Phèdre, é sont mises en avant et puis dès que le sac est posé sur le sable avec cet acharnement par une masse j'ai été happé, totalement.

La danse d'Ariane, Dédale et ses secrets, Phèdre et son caractère, Thésée et ses manières fourbes, Dionysos qui reste le plus humain au final, ou presque... Et j'en laisse volontairement de côté, comme Hyppolyte et ce destin. Tant de personnages qui vivent avec passion, avec peur, avec désir. Ce mythe revu par le côté féminin, par Ariane, puisque nous commençons et finissons avec elle, mais aussi par Phèdre, qui a également sa voix. Des Dieux qui jouent avec des vies humaines, par jalousie, par envie, par solitude aussi. Les souffrances des uns font la joie des autres, cela a toujours été ainsi et nous aurons beau faire, cela existera toujours. La détresse, la peur et l'espoir sont des émotions humaines et lorsqu'un dieu le ressent, il fait tout pour le cacher, pour ne pas le montrer cette faiblesse. Vivre éternellement, sans craindre pour sa vie ne vaut pas le coup, nous le comprenons très bien avec Dionysos qui nous donne quelques leçons de vie malgré tout. Il aime de tout son cœur, il ne cache pas ses émotions et ses envies bien que croissantes, il revient toujours. J'ai imaginé pas mal de choses pour les personnages masculins du départ et j'en reste sur ma première position de ceux que j'ai adoré et de ceux qui méritent un châtiment. L'auteur ne les pointe pas du doigt, elle montre les faits imaginés et nous laissent avec ça entre les mains, à nous de décider de ce que nous en feront. Côté Dieux, nous en avons une petite panoplie, les plus connus, les plus vindicatifs, les plus hautains aussi, mais en face nous avons les femmes, les princesses, les reines, les déesses, les ménades, les servantes, toutes celles qui ont besoin de temps, d'amour, d'amitié, de travailler, de sauver soi-même ou un autre.

Ariane et Phèdre sont sœurs, tellement différentes et pourtant si pleines d'espoir. Il suffit d'un rien pour éteindre la lumière en elles, il suffit d'un regard pour comprendre que la vie ne sera plus pareille, telle la couronne de Dionysos dans le ciel. Cet amour de la famille est important, plus fort que tout, passe au-delà des disputes. Quant à Minos, son esprit si fort ne le sauvera pas comme il l'aurait voulu. Bien des hommes forts ont cru être tout puissant, nombre d'entre eux sont devenus cendres. Les liens créées sont forts et seuls des Dieux seraient capables de les défaire, à défaut la mort. J'en reviens à la jalousie qui est très présente et sera la perte de bon nombre d'entre eux, sans compter l'amour à sens unique qui malheureusement ne sera pas bien perçu.
En conclusion, un mythe que j'ai beaucoup apprécié lire pour en savoir plus sur le destin de cette femme Ariane qui a été l'instigatrice de la chute du minotaure. Tour à tour trahie, déçue, aux portes de la mort, elle va revivre et devenir une femme accomplie. Ses nombreuses rencontres font ce qu'elle est devenue, une mère, une amante, une sœur ayant peur pour les siens. Bien que le récit soit à deux voix, elle et Phèdre, nous comprenons vite ce choix de l'auteure, car sans Phèdre, qui pourrait nous montrer que certains hommes sont égoïstes dans cette histoire ? Ce n'est pas une histoire douce, elle parle de sujets de société qui sont nombreux, tels la mort, la naissance, la famine, le pouvoir, la dépression et tant d'autres encore. Une belle plume entrainante qui a su m'embarquer dans ce mythe qui a des accents de vérité : les femmes et leurs pouvoirs, la place qu'elles ont dans la société, le caprice des hommes pour un morceau de terre plus grand, les sacrifices de chacun... Bien au-delà du mythe de Thésée et du minotaure, nous avons entre les mains une véritable ode à la femme dans l'Histoire.

" Il poursuivit avec une vive émotion. "Les Dieux ne connaissent pas l'amour, à cause de leur refus d'imaginer qu'un de leurs plaisirs s'achève. Leurs passions sont plus tièdes que celles des mortels, parce qu'ils peuvent satisfaire tous leurs désirs pour l'éternité. Comment chérir ou attacher une grande valeur à quoi que ce soit, dans ce cas ? Tout n'est que distraction éphémère pour eux ; quand ils ont fini de s'amuser, ils passent à autre chose, puis encore autre chose, et il en va ainsi jusqu'à la fin des tes. Leurs héros ne connaissent pas l'amour, car, pour eux, seul importe ce qu'ils peuvent mesurer - les montagnes qu'ils font des os de leurs ennemis, le butin qu'ils amassent et les vers illustres qui leur rendent hommage. Leur quête de gloire les aveugle au point d'ignorer les récompenses que seule la vie humaine est capable d'offrir. Cette vie qu'ils écartent d'un revers de main, au motif qu'elle est sans valeur. ce sont tous des idiots." "