Grasset - 2024 - 212 pages
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Annabella a vingt-trois ans, elle fait des études à Lyon et elle apprend la mort de son père, à six mille kilomètres de là, à Douala, au Cameroun. Tellement de fois elle a souhaité sa mort... qu'elle a l'impression de l'avoir tué. Depuis deux ans, elle ne lui parlait plus, elle ne l'avait plus revu. Deux ans qu'il était mort pour elle. Sous le choc de cette nouvelle, la jeune femme apprend en plus que le corps ne pourra sans doute pas être rapatrié. Dans le même temps, elle se fait quitter par son petit ami, Gabriel. Qui ne supporte plus ses retards, ses fuites et ses mensonges.
" Aucune voix ne ressemble à celle du père ou de la mère. Elles participent de ces mondes intérieurs qui ne nous quittent que dans la mort. "Si la narration m'a déroutée dès les premiers mots, si j'ai eu du mal à entrer dans cette lecture, peu à peu je me suis attachée à cette jeune femme perdue, traversée de part en part par la perte de son père. Cette femme à côté de la plaque dont on découvre une histoire familiale complexe, l'absence d'une mère, la violence et malgré tout l'amour d'un père, les mensonges qui ont bercé son enfance et son adolescence. La fin m'a profondément émue. Les mots d'Ève Guerra possèdent une forte charge émotionnelle.
" Mais comment comprendre, et avec quels mots lui faire entendre cette réalité monstrueuse, que mon père est mort, alors que j'ai toujours fait croire à tout le monde qu'il était déjà mort, et par quel retournement de situation aurait-il pu ressusciter pour mourir encore? Pourrais-je évoquer la double mort, celle symbolique et réelle? Quand et comment mon père est-il mort pour moi? Avec quels mots et dans quelle langue décrire ce fait inédit que je ne parviens pas moi-même à comprendre? À savoir que mon père est mort plusieurs fois et cette fois pour toujours. En vérité, je l'ignorais moi-même. "