Yellowface de Rebecca F. Kuang

Par Bib Hlm @bibHLM

Résumé :C'est une histoire magistraleracontée par la mauvaise personne.
June Hayward et Athena Liu ont étudié ensemble à Yale, ont déménagé à Washington après avoir obtenu leur diplôme et sont toutes les deux écrivaines, mais les similitudes s'arrêtent là. Athena est une étoile montante de la littérature, et June n'est personne. Après tout, qui s'intéresse de nos jours aux histoires d'une fille blanche aussi banale qu'elle ?
Lorsqu'elle assiste à la mort d'Athena dans un accident invraisemblable, June agit donc sans réfléchir et vole le manuscrit que son amie et rivale vient de terminer – un roman sur les contributions méconnues du corps des travailleurs chinois pendant la Première Guerre mondiale. Et si June corrigeait le récit et l'envoyait à son agent comme s'il s'agissait de son propre travail ? Et si elle adoptait le nom de Juniper Song et jouait sur l'ambiguïté de son origine ethnique ? Quelle qu'en soit l'autrice, ce morceau d'histoire ne mérite-t-il pas d'être raconté ?
Mais June ne peut échapper à l'ombre d'Athena, et des révélations menacent de faire s'écrouler son succès volé. Jusqu'où sera-t-elle prête à aller pour protéger son secret ?
Mon avis :C'est une histoire saisissante.L'autrice ne nous présente pas une héroïne, mais une créature maléfique, détestable, qu'elle a créée de toutes pièces avec un talent remarquable : quel génie !
J'ai avancé de chapitre en chapitre, saisi d'horreur par les réflexions racistes et essentialistes de cette protagoniste ; par son culot, son mépris et son arrogance ; par ses envolées de victimisation.La prouesse de l'autrice ? Entre brainwashing et gaslighting, elle réussit à me faire éprouver de la pitié pour son héroïne… même si ce n'était que pour quelques secondes !
L'autrice change de paradigme nous parler de l’immunité des Blancs (car, à ce niveau, il ne s’agit plus seulement de privilège) et leur capacité à tronquer les débats autour des dysfonctionnements du monde de l’édition, ainsi que leur tendance problématique à s'approprier des récits qui devraient légitimement être portés par les personnes concernées.
J’ai été bluffé par l’histoire, ses rebondissements et, surtout, par ce personnage hors du commun : véritable reine des Karens, avec une mention spéciale "white tears" décernée par le jury.
Au plaisir.