Chroniques du Pays des Mères
Par Elisabeth VONARBURG
Chez Folio, collection SF
Avertissements de contenu : Violences éducatives, validisme, eugénisme, violences sexuelles.
Sur une Terre dévastée, les hommes sont devenus rares, un virus déséquilibrant les naissances. Le Pays des Mères a toutefois pu s’établir en ayant recours à l’insémination artificielle. La jeune Lisbeï se pense promise au titre de « Mère », jusqu’au jour où elle apprend sa stérilité. Loin de chez elle, devenue « exploratrice », elle accomplira l’un de ses rêves les plus chers : découvrir les secrets du lointain passé du Pays des Mères. Chroniques du Pays des Mères propose une réflexion douce, intime et profonde sur ce que…
Un roman qui s’est pris quelques balles perdues, qualifié souvent d’œuvre misandre – discriminante envers les hommes, Chroniques du Pays des Mères est pourtant bien plus que ça.
Chroniques du Pays des Mères est bien plus par sa plume. Elisabeth Vonarburgh a su nous montrer un récit tout en déclinaison de couleurs. Du blanc, du noir, mais aussi du gris ou du beige. Nous y suivons Lisbeï, trop curieuse pour son bien, dans un monde où la natalité est basse et où la majorité des naissances sont féminines.
Les femmes sont la majorité et règnent sur ce monde encore abimé par un passé tumultueux. Le Pays des Mères est aujourd’hui stable et Lisbeï nait donc dans un contexte pacifiste. Évidemment, chaque grande ville possède une culture et une politique différente. Elisabeth Vonarburgh nous a construit un univers complet, curieux, et surtout très réaliste. Après des années de violences, j’imagine sans peine des cités dirigées par les femmes comme elle nous le décrit.
Lisbeï est donc la personnage principale des Chroniques du Pays des Mères. C’est une enfant intelligente qui se pose beaucoup de questions. Dès les premières pages, nous comprenons qu’elle va changer ce pays. Elle est différente, d’une certaine manière.
Malgré cette différence, elle ne tombe pas dans la caricature du « chosen one ». Elle a ses défauts comme tout le reste des personnages. Trop bornée, la vision rétrécie par ses découvertes et sa soif de savoir. Si parfois Lisbeï nous donne envie de la secouer, elle est surtout très attachante.
Si j’ai été happé par l’histoire, si Elisabeth Vonarburgh a su m’emmener pile là où elle voulait, ce roman a un défaut : sa fin.
Chroniques du Pays des Mères aurait pu être parfait si Lisbeï ne tombait pas entre les mains du sexisme ordinaire : du sexe hétéro, un enfant et l’arrêt de ses recherches. Ma question est simple : pourquoi ? Oui, j’entends que le twist à la fin nécessitait une chose pareille mais quand même ! J’étais heureux de finalement voir une femme qui ignore le forçage envers son sexe, qui suit ses idées et ses désirs. J’avais hâte d’en savoir plus sur le monde extérieur au Pays des Mères. Malheureusement, Elisabeth Vonarburgh n’est pas allée jusqu’au bout de son idée et ça a empoisonné le reste de ma lecture.
Même si la fin des Chroniques du Pays des Mères m’a fortement déçu, c’est malgré tout un roman que je recommande rien que pour sa prise de position face à la misandrie que des hommes mal dans leur peau lui ont prêtée. Son univers est construit d’une main de maîtresse et ses personnages sont forts, intriguants et intéressants !