Un grand homme de 11 centimètres

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Grand petit homme (Zanzim – Editions Glénat)

Stanislas Rétif, 1m57, travaille dans un magasin de chaussures dans le Paris des années 60. Son obsession pour les pieds et les jambes des femmes fait de lui une sorte de magicien, car il sait mieux que quiconque comment sublimer une cheville et convaincre les clientes les plus hésitantes de craquer pour une paire d’escarpins ou de bottines. Rien ne le met plus en joie que de déterminer avec exactitude l’architecture d’un pied et la chaussure qui le mettra parfaitement en valeur. On peut dire que Stanislas est une vraie pointure dans son domaine. Le hic, c’est qu’il n’est pas seulement très petit, ce qui le rend invisible aux yeux des femmes, mais également maladivement introverti et timide. Quand il s’agit d’aborder une inconnue ou tout simplement de conseiller une cliente, Stanislas perd tous ses moyens. Du coup, sa patronne le relègue au sous-sol de la boutique en tant que magasinier, tandis que ses collègues Nadine et Madeleine brillent auprès des acheteuses grâce aux bons conseils de leur minuscule collaborateur. Désespéré par son manque d’assurance auprès des femmes, Stanislas choisit un soir de se consoler auprès d’une paire de bottines qu’il affectionne particulièrement, une belle pair en cuir fabriquée en Inde. Ce qu’il ignore, c’est que le cuir de vache sacrée indienne utilisé pour fabriquer ces bottines a un pouvoir magique insoupçonné. Au moment où il les caresse en souhaitant devenir un grand homme, la magie opère… mais dans le mauvais sens! Au lieu de grandir, Stanislas se retrouve réduit à une taille de seulement 11 centimètres. Autrement dit, la taille d’un pouce. Au début, il est effrayé car forcément, tout prend une dimension beaucoup plus hostile lorsqu’on est minuscule. Mais Stanislas découvre rapidement tous les avantages de sa nouvelle vie. Car désormais, il peut voir sans être vu. Le petit homme va en profiter pour se faufiler dans l’intimité du foyer de Madeleine, sa jeune et séduisante collègue. Un véritable paradis sur Terre pour cet amoureux des femmes!

Zanzim est enfin de retour! Quatre ans après l’immense succès de « Peau d’Homme », qui s’est vendu à plus de 200.000 exemplaires rien qu’en France et qui a été traduit dans un grand nombre de langues à travers le monde, le dessinateur français est de retour en librairie avec un nouveau conte fantastique intitulé « Grand petit homme ». Un album qu’il signe en solo puisque malheureusement, son comparse Hubert, qui avait signé le scénario de « Peau d’Homme », nous a quittés brutalement en 2020. « Il m’a été très difficile de me remettre à la table à dessin après le décès soudain d’Hubert, mon scénariste et ami. J’ai eu besoin d’une période de deuil », explique Zanzim au magazine Casemate. « De ses scénarios, j’ai gardé beaucoup de choses, comme le fait qu’un personnage doit être ambivalent, contradictoire. Ce fut comme s’il était toujours derrière mon épaule. » Effectivement, son nouveau roman graphique se révèle à la fois drôle, cruel et sensuel, comme l’étaient la plupart des récits imaginés par Hubert, avec également une vraie réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes. Stanislas, qui a tendance à voir les femmes comme des objets au début du récit, finit en effet par devenir lui-même un homme-objet. On se régale à la lecture de cette histoire douce-amère, qui mélange une certaine mélancolie avec des couleurs vives sorties tout droit des sixties. Zanzim avoue avoir été très inspiré par cette époque, qui est marquée par la libération de la femme et par une grande richesse au niveau de la mode et du design. Mais surtout, « Grand petit homme » se nourrit de références très cinématographiques. Son titre s’inspire directement du film « Little Big Man » avec Dustin Hoffman, tandis que le récit lorgne à la fois du côté de « L’homme qui aimait les femmes » de François Truffaut et de « L’Aventure intérieure » et « Chérie j’ai rétréci les gosses », deux films qui ont forcément marqué tous ceux ayant grandi dans les années 80.