Les eaux assassines - Dominique Van Cotthem ♥♥♥♥♥
Genèse éditions
Parution : 18/10/2024
Pages : 240
Isbn : 9782382010396
Prix : 22.50 €
Présentation de l'éditeur
Une rivière sort de son lit et envahit les villages des alentours. Trois femmes, avec charge d'âmes, ne peuvent évacuer. Heure par heure, les eaux montent. Au matin du deuxième jour, les eaux ont atteint les étages. Leïla, l'infirmière, mère d'un bébé, se retrouve doublement piégée, par l'inondation et par un mari violent. En épouse modèle, elle hésite à le quitter. Quand l'eau entre dans sa maison, ses incertitudes vont voler en éclats. Réjane, la dentellière, n'a pas pu déplacer sa vieille mère souffrant d'Alzheimer. À mesure que l'eau dévaste le rez-de-chaussée, un sombre passé refait surface et met en lumière un secret de famille qui va la changer à jamais. Paloma est bloquée chez elle avec son adolescente. Elle a des raisons de soupçonner son mari de parricide. L'inondation lui apportera-t-elle la réponse ? L'histoire de ces trois femmes se dévoile au rythme de la montée des eaux. Secret de famille, suspicion de meurtre, violence conjugale, chaque maison enferme sa part de romanesque.
Mon avis
Voilà un roman qui est en plein dans l'actualité, inspiré des inondations de juillet 2021 dans la région liégeoise, subies de plein fouet par Dominique Van Cotthem, un roman émouvant, marquant qui nous fait ressentir dans tous les sens du terme - visuel, olfactif, viscéral - les effets de ces crues assassines.
C'est un roman choral, de trois femmes qui vont voir leur vie transformée à jamais.
- Leila est d'origine marocaine, elle a 27 ans, mariée à Thomas qu'elle a voulu plus que tout malgré les réticences de son père. Elle est seule à la maison avec Noah leur fils âgé de 5 mois. Leila est infirmière en EPHAD, elle a l'habitude de prendre soin des autres, et pas d'elle. Thomas est devenu violent souvent sous l'effet de l'alcool. Son père a accepté le mariage, il ne supportera pas le divorce, alors elle encaisse.
- Paloma est mariée à Etienne dont elle est amoureuse. Ils ont une fille Nadège qui est ado. Paloma restaure des meubles, ils sont riches depuis la mort étrange de ses beaux-parents en Italie en 2014. La relation entre Nadège et sa mère est un peu compliquée. Nadège s'intéresse très fort aux changements climatiques. Elle écrit du slam et aimerait mettre cela en musique, Paloma ignore tout cela jusqu'à ce que ces inondations les rapprochent mais j'y viens.
- Réjane vit avec sa mère Augustine qui souffre d'Alzheimer depuis 6 ans, elle refuse que sa mère finisse ses jours en EPHAD, elle est d'ailleurs fâchée avec ses soeurs qui ne comprennent pas la situation et l'accusent d'en vouloir à l'argent de leur mère. Réjane n'a pas été épargnée par la vie. Elle a perdu son fils et son mari et se consacre entièrement au bien-être de sa maman.
Le point commun est qu'elles ont toutes une maison pas très loin de la rivière. Il pleut sans discontinuer, on leur suggère d'évacuer mais elles se sentent en sécurité et l'eau va les prendre au piège.
Lorsque l'eau monte, on la voit, on la sent, sauvage, déchaînée, emportant tout, dévastant tout sous son passage, on ressent l'humidité jusqu'aux os, le froid qui s'installe, on sent l'odeur âcre de la boue, du mazout, de ce qu'elle charrie. L'écriture de Dominique est en tension, on lit en apnée cette catastrophe programmée, on tremble de froid et de peur, on ressent l'angoisse. L'eau emporte tout, balaie les vies, une photo sauvée, les souvenirs engloutis... C'est dur, angoissant mais nous nous sommes lecteurs, nous ne l'avons pas vécu comme de plus en plus de monde de plus en plus souvent.
Cette épreuve va changer la vie de ces trois femmes, fortes, dignes. Différents thèmes abordés, l'emprise, l'enfermement en quelque sorte par la culture, le regard des autres, la relation mère fille, le changement climatique - j'ai beaucoup aimé cette approche via le slam - mais aussi la fin de vie , la vieillesse.
C'est dur mais aussi lumineux. Ce roman est magnifique, il est universel et il faut absolument le lire.
Ma note : ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Personne ne lui a expliqué que le bonheur relève de soi et non des autres.
Elle veille à ce que les bagages de chacun contiennent l'essentiel : des mots d'amour, des pardons, des mercis.
La lucidité de sa fille est une souffrance dont elle n'a pas toujours mesuré l'ampleur.
Le silence est leur cri d'encouragement. Il symbolise l'indicible.
Chez elle, la tradition veut qu'une femme obéisse à son mari. En silence, au*dedans et au*dehors. Leïla sait se taire. Elle sait sourire quand elle voudrait pleurer, agrafer du bonheur à son visage quand son coeur se déchire par petits bouts. Elle sait jouer la comédie des épouses modèles. A la perfection.Chez elle, le mensonge s'appelle de la pudeur.Il aura fallu des litres de larmes avalées avant qu'elle lise le degré d'amertume caché dans les yeux de sa mère et ceux de sa tante Aïcha. De fines lézardes autour de l'iris, autant de déceptions transformées en images pieuses. Ce qu'elle ne comprend pas, c'est pourquoi ces femmes qui savent continuent de pousser leurs filles à suivre le même chemin.
Pourquoi les hommes préfèrent-ils mener des guerres de territoires plutôt qu'un vrai combat contre leurs propres démons ?
Selon vous, qui de Schopenhauer ou de Descartes a raison ? Le bonheur est-il impossible puisque la satisfaction des désirs de l'homme est insuffisante au bonheur, ou, au contraire, le bonheur est-il un bien souverain qui dépend de chaque personne ?
Parfois, le malheur nous dépasse. Parfois, le bonheur nous rattrape.
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