Éditions Le livre de poche, 2021 (557 pages)
Ma note : 16/20Quatrième de couverture ...
Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu'elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d'une période sans équivalent dans l'histoire, où la France tout entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches... Et quelques hommes de bonne volonté.
Il fallait toute la verve et la générosité d'un chroniqueur hors pair des passions françaises pour saisir la grandeur et la décadence d'un peuple broyé par les circonstances. Puissance du récit, rebondissement, burlesque et tragique... Le talent de Pierre Lemaitre est ici à son sommet.
La première phrase
" Ceux qui pensaient que la guerre commencerait bientôt s'étaient lassés depuis longtemps, M. Jules le premier. "
Mon avis ...
Pierre Lemaitre possède cet indéniable talent de conteur qui fait que l'on vibre, que l'on ressent toute une palette d'émotions au fil des pages, et ce tout en découvrant les portraits de ses incroyables personnages. Après avoir adoré Au revoir là-haut, et apprécié (dans une moindre mesure) Couleurs de l'incendie, il me tardait donc de clôturer sa trilogie des Enfants du désastre. Je n'ai pas été déçue tant j'ai trouvé ce dernier opus fort et marquant.
Printemps 1940. Tandis que l'armée allemande envahit le territoire national par les Ardennes, des millions de Français prennent la route vers le Sud : à pieds, en voiture, entassant leurs affaires les plus précieuses. Cet exode est une période dramatique de la Seconde Guerre mondiale.
Pierre Lemaitre démarre son récit à travers le personnage de Louise, qui n'était encore qu'une petite fille dans Au revoir là-haut. Devenue institutrice, tout en travaillant au café auprès de Mr Jules, la voici rapidement confrontée à un drame (le suicide, sous ses yeux, d'un vieux monsieur) qui l'amènera à questionner ses racines familiales et à se lancer à la recherche d'un demi-frère parti au Front. En parallèle, l'occasion nous est donnée de rencontrer Gabriel, un jeune soldat peu téméraire, mais également Raoul Landrade, un sergent-chef plutôt impulsif. Devenus déserteurs, tous deux se retrouveront face à moult dangers et péripéties. Fernand, garde-mobile à Paris, est quant à lui tiraillé entre le devoir et son amour pour sa femme, Alice, qui souffre d'une maladie cardiaque. Et le génialissime Désiré Miguault, un mystérieux usurpateur, se présente toujours là où on ne l'attend pas. Les trajectoires individuelles de chacun de nos personnages finiront par s'imbriquer, jusqu'au dénouement final que j'ai trouvé inattendu et réussi.
La solide documentation historique est à souligner, et j'ai beaucoup appris sur cet épisode de l'exode. J'ignorais que des billets de banque avaient été brûlés en masse, avant l'arrivée des Allemands. Sans compter l'épisode de l'évacuation de la prison du Cherche-Midi. Des détenus se sont donc retrouvés sur les routes aux côtés de milliers de familles.
Certaines scènes de ce roman me resteront donc longtemps en tête. La force de ce récit est de nous proposer des portraits touchants, humains. Nos personnages se trouvent directement confrontés à leurs faiblesses, et font face comme ils le peuvent à cette drôle de guerre, puis à l'exode. J'ai été émue par le courage de Louise. J'ai parfois souri face au culot incroyable de Désiré. Miroir de nos peines fut une lecture marquante, et je vous encourage mille fois à découvrir la plume de Pierre Lemaitre si ce n'est déjà fait. Cette trilogie est à lire si, comme moi, vous êtes passionné(e) d'Histoire et recherchez des récits vecteurs d'émotions fortes.
Extraits ...
" Les deux soldats avancèrent dans ce décor de fin du monde, à croire qu'ils étaient les uniques survivants de la catastrophe.
- Ah, ils sont beaux les Français ! disait Raoul.
L'exclamation choqua Gabriel.
- Nous aussi, on s'enfuit...
Raoul s'arrêta en plein milieu de la rue déserte.
- Pas du tout ! Et c'est toute la différence, mon petit père. Les civils s'enfuient, les militaires, eux, font retraite, nuance ! "