L’Atelier des Gueules Cassées – 2018 (BD)

Par Vivrelivre @blandinelanza

L'Atelier des Gueules Cassées

Scénario de Sybille TITEUX DE LA CROIX
Dessins et couleurs d'Amazing Ameziane

Editions Marabout/Marabulles, février 2018
136 pages

Thèmes : Première Guerre Mondiale, Blessures, Médecine, Entraide, Amitié

1914, la guerre éclate.
Sculptrice, Anna Coleman quitte les Etats-Unis pour la France.
Elle suit son mari, Maynard, médecin appelé pour diriger un hôpital militaire, mais elle ne peut aider tant l'horreur des blessures la tétanise.

Dans la boue des tranchées, Félix Bontarel survit comme il peut, en pensant à sa fille Arlette et à sa femme Suzanne. Mais lorsque cette dernière meurt, il n'a d'autre choix que de placer sa fille, de retourne au combat avec l' espoir de la retrouver... après.

Antonin de Mussan a fait l'erreur de venir au front avec son cheval Hippocrène, qui lui est retiré, n'étant ni dragon, ni hussard. Pour son sacrifice, il est nommé Sergent.

Hommes et femmes faisaient bonne figure, mais je crois qu'une nuit indicible habitait les corps en secret.

Rien ne prédisposait ces trois personnes à se rencontrer, si ce n'est la guerre, si ce n'est LA blessure. Faciale, Horrible, Terrible, Effrayante, Humiliante.

Contre l'avis de son mari, et de ses amis, Anna choisit de " pervertir son art " pour les blessés de la face.
Aidée par une amie et sa tante, financée par la Croix-Rouge, Anna ouvre son atelier à Paris.

Puis un obus s'est écrasé.
Et je suis mort...
... Comme tout le monde.

Blessés dans des circonstances devenues tragiquement ordinaires, nous suivons la convalescence d'Antonin, jusqu'à ce qu'il fasse connaissance avec Félix dans la salle d'attente d'Anna.
Bien que tout les oppose, ils ont un point commun, et le but de l'un va servir les besoins de l'autre.

Et le masque permettrait qu'elle l'aime comme avant.

Lorsqu'on pense aux Blessés de la face de la Grande Guerre, c'est le roman de Marc Dugain, La Chambre des Officiers, qui s'impose. (Adapté en film et en BD)
Il nous représente avec force le traumatisme qu'une telle blessure inflige, aux soldats, à leur famille, à toute vie sociale, et au souvenir qu'il impose.
Quelques noms de médecins ou de civils, artistes, se distinguent dans leur aide apportée aux Gueules Cassées.
Grâce au diptyque de Leila Slimani et Clément Oubrerie, A mains nues (Tomes 1 et 2), j'ai découvert le travail de Suzanne Gros (puis Noël) pour les blessés de la face.
En Angleterre, Francis Derwent Wood, sculpteur que rencontre Anna Coleman, a créé des masques, l'inspirant pou apporter son aide en France.
Dans son romanL'atelier des vies brisées, Don J. Snyder s'inspire de l'un de ses aïeul qui confectionnait également des masques en étain peint pour les mutilés.

J'ai beaucoup apprécié la construction scénaristique de cet album qui se tient parfaitement, maintenant une tension à la fois évidente et surprenante au long de quatre parties.
Nous passons d'une manière très fluide d'un personnage à l'autre.
Le décor change, le phrasé et le vocabulaire également.
Volontaire, recherché et technique pour Anna. Argotique, direct et d'une tendresse rude pour Félix. Réfléchi, douloureux, paranoïaque pour Antonin.

Et graphiquement, c'est superbe !
Plusieurs cadrages, styles et moyens s'entremêlent pour nous transporter dans l'époque par moult détails, dans les différents lieux, sur le Front comme à l'Arrière, comme dans les émotions des personnages, prolongées par un judicieux choix d'ambiances chromatiques.
C'est vraiment très beau esthétiquement et cela rompt avec les représentations habituelles.
C'est saisissant !

Quelques photos referment cette BD hommage. Cela étreint !

Un engagement à découvrir !
Des émotions à ressentir !
Un album profondément humain !