Le Loup du Donbass (Sasha Vasilyuk)

Par Gabrielleviszs @ShadowOfAngels

Auteur : Sasha Vasilyuk

Éditions : Charleston

Parution le : 02 septembre 2024

448 pages

Thème : Contemporain

disponible sur le site de l'éditeur

à la FNAC, Amazon

Une douloureuse vérité

 Résumé 

« Ukraine, 2007. Le soir des funérailles de Yefim Shulman, sa veuve Nina, ses enfants et ses petits-enfants se réunissent dans le salon étouffant de l’appartement de Donetsk pour célébrer leur héros. Chacun raconte ses souvenirs du grand homme : son périple en Sibérie où il a survécu seul dans la taïga, le jour où il a sauvé ses enfants d’une jument enragée qui fonçait sur eux, écume aux lèvres. Ou encore son courage pour défendre son pays pendant la Seconde Guerre mondiale.Mais quelque temps après sa mort, Nina trouve dans ses affaires une lettre adressée au KGB qui vient ébranler toutes ses certitudes. Petit à petit elle découvre une vérité insoupçonnée sur son mari… Car pour survivre à la guerre et échapper au goulag, Yefim a dû faire de terribles sacrifices et mentir toute sa vie. À travers soixante-dix ans d’histoire ukrainienne, Sasha Vasilyuk retrace le destin inoubliable d’une famille prise entre deux régimes totalitaires. Sasha Vasilyuk est née en Crimée soviétique. Elle a grandi entre l’Ukraine et la Russie avant d’émigrer à San Francisco à l’âge de 13 ans. Journaliste, elle collabore notamment avec le New York Times, Harper’s Bazaar, la BBC, USA Today et le Los Angeles Times. Elle vit à San Francisco avec son mari et ses enfants. »

 Ma chronique 

  Je tiens à remercier la maison d'éditions pour cet envoi et la patience, car j'ai quelques jours de retard pour l'écriture de cette chronique. La couverture représente bien le récit et même au-delà et le livre est de qualité, aussi bien dans le grand format que dans le papier et bien entendu l'écriture. Les mots sont imprégnés de vérité, de souvenirs, d'Histoire avec le grand H qui a touché bien plus que la France, l'Allemagne lors de la seconde guerre mondiale. Souvent (et j'en suis la première) nous oublions qu'avant et pendant que la France était occupé, d'autres ont vécu le même enfer si ce n'est plus. Une guerre reste tragique en soi, vouloir chercher le terrain du voisin pour X ou Y raisons reste à mes yeux de la jalousie de maternelle, mais ce n'est pas le sujet ici. Dans ce récit, nous débutons par l'enterrement de Yefim Shulman, qui laisse sa Nina veuve, des enfants, des petits-enfants et même des arrières petits-enfants. Un homme qui a été jusqu'à Berlin durant cette guerre. Un homme qui n'aime pas parler de ce qu'il a vécu, de ce qu'il a encore dans son esprit. Un homme qui a dû mentir à plusieurs reprises pour rester en vie, pour ne pas jeter la honte sur lui. Ces derniers mots me font mal au cœur en les écrivant, comment pouvons-nous dire d'un homme qui a vécu la guerre d'une manière ou d'une autre qu'il va jeter la honte ? Tout cela à cause d'un pays, des dirigeants et de ce que ces derniers inculquent aux autres...
    Le récit passe du moment de l'enterrement à un retour en arrière, celui où Yefim est avec ses camarades en tant qu'artilleur, prêt à manger de l'ennemi. Les sauts dans le temps nous apprennent beaucoup sur ce qu'il a vécu durant ces 6 années de guerre, sa rencontre avec Nina, ses allées et venues vers le seul ami qui lui reste d'après guerre et tout ce qui va l'entourer. C'est un monde de violence psychologique au-delà du physique qu'il va vivre. Les famines, les camps, le regard des autres, et même entre eux. Il est juif, un youpin, un de ceux qui ne méritent pas de vivre et pourtant il est bien plus humain que la plupart de ceux que nous rencontrons entre ces pages. Bien entendu nous avons de tout, des personnages antipathiques qui nous donne la rage au ventre, ceux qui nous donnent envie de les aider et l'envie de faire comprendre à un peuple que vivre en paix est pour tout le monde, que nous soyons d'une religion quelconque, d'un pays quelconque, mais surtout que l'entraide fait plaisir à voir lorsque les barrières tombent. Ce qui a été rare, mais plus les mois passent et plus Yefim, qui changent de nom de famille à plusieurs reprises pour ne pas se faire tuer par l'ennemi ou juste tabasser par les siens (sympathique pas vrai ?) doit continuer à avancer. Se faire prisonnier est une honte... à la bonne heure, je crois que plus j'avançais dans l'histoire plus je comprenais certains faits historiques.     Avec mon fils qui est un passionné d'histoire et plus particulièrement de cette seconde guerre mondiale, nous avons visité de nombreux musées, des lieux de recueillements, d'anciens camps encore sur pieds pour laisser un gout bien plus qu'amer en bouche. Des témoignages, des retranscriptions, des photos, des lieux imprégnés qui nous donnent l'envie de combattre : plus jamais ça ! Les mots de l'auteure sont percutants et je comprends le travail acharnés qu'elle a fourni. Son propre passé, son devoir de mémoire et ses mots criants de vérité, car même si ce personnage n'existe pas, il représente toute une génération qui a souffert pour n'être que de la chair à canon dans une guerre qu'ils n'ont pas demandé. Alors la lettre adressée au KGB que Nina découvre dans les affaires de son défunt mari, nous comprenons que la vie de cette faille va basculer. Jusqu'à quel point ? Je vous laisse le découvrir, pour ma part, en refermant le livre, je suis en colère contre une mentalité qui m'a sciée. Comment peut-on dire à des hommes qu'ils ne sont rien, qu'ils auraient mieux fait de mourir sous les balles plutôt que d'être prisonnier ou vendu comme des bestiaux ? Je suis en colère parce que le fait d'être considéré comme  un traitre par sa propre patrie me soulève le cœur, combien d'hommes se sont vraiment cachés, alors que d'autres ont souffert si ce n'est plus dans des camps aussi bien de concentration que de travail ? Et tous ceux qui n'ont eu aucune chance ? Ceux qui ont vendu père et mère ? Je respire profondément en écrivant ces mots pour ne pas me perdre en route, car c'est un livre qui donne plus que de la matière à réflexion.      Qui est vraiment Yefim ? Un homme qui a du combattre aussi bien l'ennemi que sa propre patrie de différentes manières. Nous apprenons également le bon, il n'y a pas que du mauvais, heureusement, nous tremblons en même temps que lui lors de ces divers périples. Les traumatismes physiques ne sont rien lorsque le retour se fait dans la souffrance de voir sa famille déchirée. Mentir, protéger, tant de secrets pour un seul homme, mais combien comme lui ont dû faire ce choix ? Une vie de souffrance qui a démarré dès qu'il a mi un pied dans cette guerre et cela ne s'est pas arrêté après sa mort, car le document va hanter également sa famille à des niveaux différents. Je ne pourrais pas dire si c'est la vérité, il s'agit d'une fiction tiré de faits réels, ça tout le monde s'en doute, avec des souvenirs, de la bibliographie, de l'histoire. Yefim est un homme comme tous ceux qui ont dû faire des choix et nous le suivons dans ce qui l'a crée, celui que Nina connaît, sans savoir qui il était avant. Sa nationalité n'est pas un cadeau, son appartenance religieuse non plus. Et pourtant il va vivre une aventure hors du commun. Nous ne pouvons nier les émotions fortes, les moments où il faut refermer le livre pour se poser un instant avant de reprendre la route. Nous comprenons son fonctionnement et le fait qu'il comprenne seul ou avec son meilleur ami Ivan ce qu'on attend de lui fait mal.
Le récit est douloureux sur plusieurs niveaux, avec tout ce que j'ai déjà dévoilé sans en raconter plus que cela, nous sommes vite submergés. Une guerre terrible, les chiffres des morts et des disparus sont bien présents, les témoignages nous ont donné déjà l'horreur. Ces pages nous entrainent auprès de personnages qui  ont vécu et ont dû faire ce qu'il faut pour s'en sortir sans pour autant devenir un traitre. Les idées mises de force dans la tête de tout un peuple depuis des décennies n'aident franchement pas. Et l'Armée rouge me parait bien malsaine, encre plus que ce que je n'imaginais. C'est une lecture éprouvante pour les nerfs d'imaginer ce petit XXX prétentieux du kgb qui prend de haut un homme qui a fait ce qu'il faut pour entrer sur un terrain miné et lui faire la morale. Mais gars, vas-y, prend sa place à l'époque et on en reparle ! Désolée, je suis encore sur les nerfs et pourtant... Pourtant ma fin de lecture date de quelques jours déjà. L'auteure donne quelques détails sans s’appesantir sur des situations que nous en tant qu'adultes nous avons déjà au moins entendu. J'ai trouvé que c'était concret, judicieux et moins larmoyants que je ne l'aurai imaginé.    
En conclusion,
c'est un récit douloureux, une histoire de héros qui pense ne pas en être un car il a été capturé par l'ennemi... Passer de combattants de l'Armée à un prisonnier de guerre ou pire n'est pas devenir un traitre. Cette guerre a fait terriblement de dégâts partout dans le monde et j'ai énormément apprécié le fait d'avoir ce qui se passait de l'autre côté de l'Allemagne, avec tout ce que cela a malheureusement comporté. L'Histoire de ces hommes et femmes qui ont dû garder des secrets souvent considérés honteux de par la société n'a fait que leur pourrir l'existence, pour une naissance dans la mauvaise famille ou le mauvais pays. Il s'agit de bravoure et de survie dans ce texte, il s'agit également de faire prendre conscience que la majorité n'a pas forcément la bonne parole. Les conséquences de toute une vision qui dénigre ceux et celles qui ont déjà souffert par le passé et qui risque de le perpétrer sur leur descendance sans le vouloir. L'histoire de Yefim est celle d'un homme qui a vécu toute sa vie avec des peurs pour les siens, avec ou sans guerre. J'ai adoré plonger au cœur de ce récit.
   

 Extrait choisi :  

« Yefim tâchait de se tenir droit, mais il aurait préféré disparaître. On ne cessait de lui adresser des regards malveillants et il craignait que son manque de connaissance du rite chrétien ne confirme ce que certains soupçonnaient sans doute déjà : qu'il n'était pas juste un fumier de Russe, mais un Juif. Après presque trois ans en Allemagne, il se demandait jusqu'à quand la chance le protègerait avant qu'il ne soit découvert.
Il ne s'était pas senti aussi nerveux depuis l'été précédent, quand il avait fait la connaissance du bourg-mestre, son actuel propriétaire - ou patron, comme il préférait le considérer. Lorsque le jeune Biélorusse les avait dénoncés à la Polizei, Ivan et lui avaient été emmenés à un poste de police régional, où ils avaient prétendu être des Ostarbeiter qui s'étaient échappés du train. Ils avaient indiqués de nouveaux noms, afin qu'on ne puisse pas faire le lien avec le camp, ni avec Müller Leinz... »