« Because This Is My First Life » : la condition des femmes dans la société coréenne

Par Sevxilian

Hello dear readers 🙂 Ca fait un bail!

Je reviens après des années d'absence pour vous parler d'une série coréenne (K-drama, pour " Korean drama ") que j'avais déjà vu il y a quelques années, et que j'ai décidé de visioner à nouveau: Because This Is My First Life. Qu'entends-je, aujourd'hui c'est la journée de l'élimination des violences faite aux femmes? Mais quelle belle occasion de vous parler de la condition des femmes telle qu'elle est dépeinte dans ce beau drama.

Car oui, au delà de la romance qui est très présente dans ce drama (le sujet principal étant une reflexion autour du concept du mariage et sa signification), la place des femmes dans la société coréenne est le deuxième cheval de bataille du drama.

Les violences faites aux femmes sont multiples et variées, et dépeintes comme faisant partie intégrante de la société coréenne. Trois femmes, le personnage principal Yoon Ji-ho et ses deux copines d'enfance, se débattent dans cette société patriarcale à souhait.

YOON Ji-ho: une jeune femme de 30 ans, n'a jamais eu de mec, est assistante scénariste pour des dramas coréens. Evidemment elle travaille d'arrache pied pour pratiquement pas de reconnaissance. Famille typique papa-maman-petit frère.

WOO Soo-ji: une jeune femme de 30 ans, n'a jamais connu son père (élevée par une mère célibataire avec tous les stigmas que cela entend), travaille comme une folle pour mettre assez de coté pour se payer un appart où elle pourra vivre avec sa mère. Enchaine les coups d'un soir, ne s'attache pas aux hommes.

YANG Ho-ran: une jeune femme de 30 ans, coquette, serveuse dans un restaurant de standing, en couple avec son boyfriend depuis sept ans. Rêve de se marier et de fonder une famille. Sérieuse, organisée et supportive.

Les violences aux femmes au travail

Premier couac sexiste dès le premier épisode: le collègue caméraman de Ji-ho a clairement le béguin pour elle et lui fait du rentre-dedans en public. On voit bien que ça la met mal à l'aise, même si elle est flattée. Et puis elle surprend le mec en train d'en bécotter une autre et se sent, evidemment, pas très bien. Mais c'est pas grave, le mec lui saute quand même dessus un peu plus tard et tente de la violer alors qu'elle est dans une position de vulnerabilité. Ji-ho se débat et remballe le goujat, mais elle est visiblement traumatisée - au point de déambuler sans but apparent dans les rues de Séoul en pyjama.

Elle garde ça pour elle, mais manque de bol, le cameraman prend les devant et tend littéralement un piège à notre protagoniste: il rallie la scénariste principale et le producteur du drama pour présenter ses excuses à Ji-ho histoire qu'elle la ferme et continue à bosser (se faire exploiter oui!).

Magnifique scène où Ji-ho les remballe tous, en comparant ce qu'elle a vécu à un accident physique, et ses collègues à des passants qui diraient " ce n'est pas grave, tu te vides de ton sang mais tu peux continuer à avancer quand même ". Elle souligne l'hypocirise du mileu et choisit de claquer la porte (fermant certainement aussi la porte de son rêve, celui de devinir scénariste principale). Mais pourquoi, POURQUOI doit-elle choisir entre sa carrière de rêve et sa santé mentale? Pourquoi l'entreprise est-elle un lieu dangereux pour une femme de 30 ans?

Soo-ji, la copine de Ji-ho, en bave elle aussi. Super efficace, elle a une bonne position dans une très grande entreprise qui paye plutôt bien. Cependant, cela ne la dédouane pas de ragots et de remarques déplacées de la part de ses collègues masculins.

En vrac: discussions dans son dos sur sa taille de soutif, discussion devant elle sur son physique en bikini, ses possibles activités avec un potentiel petit copain (car evidemment comment une femme peut-elle oser être indépendante et n'avoir pas besoin d'un homme dans sa vie??), mains balladeuses, remarques sur le fait que bosser seul dans le même open space qu'une femme non mariée n'est pas possible, et j'en passe...

Parce qu'elle a un but financier, Soo-ji encaisse. Elle sourit. Elle fait comme si. Alors qu'en fait, cette femme est une tigresse. Mais si elle fait des vagues au travail, elle risque de se faire virer, et elle ne peut se le permettre.

Etre une femme dans un environnement de travail masculin

Soo-ji évolue dans un cadre de travail presque exclusivement masculin. Les autres femmes de l'entreprise occupent des postes subalternes, alors qu'elle est cadre. Elle est toujours tirée à quatre épingles. C'est une grosse boite avec un dress code., On la voit, à un moment, remettre ses collants pour retourner travailler alors qu'elle est rappelée au bureau en soirée. Pour moi, en enfilant ses colant, elle enfile son, costume de working girl.

Ce costume comprend aussi le port du soutien-gorge, un élément de sa garde-robe qui lui déplait car les soutien-gorges du commerce ne sont pas taillés pour sa poitrine. Cela la dérange tellement qu'elle n'enfile son sous-vêtement qu'en arrivant au travail.

Autre cas, celui de Bo-mi, un personnage secondaire travaillant dans une start up. L'ambiance de travail est différente, les employés viennent habillés de manière décontractée. Pour autant, Bo-mi est la seule femme dans une équipe d'une dizaine d'hommes. Afin de maintenir son identité de femme dans cet environmment masculin, Bo-mi s'habille au travail de manière girly, avec des robes souvent roses. Cette couleur contraste avec la robe noire qu'elle arbore lorsqu'elle sort en boite et devient " elle-même ".

La violence dans le cadre familial

Ji-ho, notre héroïne principale, se marie avec NAM Se-hee (prononcez " sé-i "). Alors que les fiancés préparent la rencontre avec les parents, ils décrivent tous les deux leurs familles comme étant très patriarcales.

Du côté de Ji-ho, cela se traduit par un père qui renverse la table quand il n'est pas content (rien que ça!), et qui laisse son fils (le petit frère de Ji-ho) allègrement piétiner sa grande soeur dans tous les aspects de sa vie. Ji-ho voit systématiquement les bougies de son gâteau d'anniversaire être soufflées par son frangin, jusqu'au jour où, désormais assez agée, elle fête son anniversaire dans un café avec ses copines Soo-ji et Ho-rang.

Ji-ho se retrouve aussi boutée hors de chez elle lorsque son frère met enceinte sa petite amie. Ji-ho partage un appartement avec son jeune frère, qui a abandonné ses études. C'est elle qui a apporté l'apport de base pour l'achat de l'appartement, et c'est elle qui paie les factures. Pour autant, l'appartement est au nom du frangin, et comme il se marie (sa copine étant en cloque, vous suivez?), il est " logique " que ce soit à l'héroïne de partir chercher un autre logement. La pauvre Ji-ho en est estomquée, et nous aussi.

Donc c'est elle qui fournit tous les efforts financiers, mais c'est son jeune frère insouciant et irresponsable qui en bénéficie. Juste parce que c'est le garçon de la famille.

La mère de Ji-ho est très silencieuse et encaisse les actions de son mari. Elle donne en secret une liasse d'argent à Ji-ho pour l'aider à financer un nouveau logement. Mais cette femme cantonnée aux tâches ménagères est tellement déconnectée de la réalité qu'elle ne réalise même pas que ce qu'elle donne à sa fille est une somme insignifiante (genre 200€ pour un logement dans une capitale).

Lorsque Ji-ho présente son fiancé Se-hee à sa famille, elle n'a d'autre recours que de forcer son fiancé à s'agenouiller devant son père et à lui faire prononcer des phrases sexistes telles que " je jure que votre fille n'aura jamais à lever un doigt durant notre mariage ", afin de gagner l'approbation du patriarche.

Ji-ho a aussi dû ruser pour poursuivre ses études, car son père n'était pas d'accord avec son choix d'étudier la littérature. Elle a donc passé en secret les examens d'entrée à l'Université Nationale de Séoul, qu'elle a réussit haut la main, et a caché à sa famille qu'elle partait étudier à la capitale, les mettant devant le fait accompli (elle vient d'une ville de province au bord de la mer).

Du côte de la famille de Nam Se-hee, ce n'est pas mieux. Le fils et le père sont en froid suite à un conflit qui remonte à plusieurs années. La mère du héro en est réduite à un rôle de messagère et de pacificatrice entre son mari et son fils.

Le conflit en question concerne l'ex de Se-hee, qu'il voulait l'épouser. Son père s'y est violemment opposé, argant qu'elle ne venait pas du même milieu qu'eux. Cela a mis fin de façon dramatique à l'histoire d'amour de Se-hee (il y a un autre élément dramatique dans cette rupture, mais ne spoilons pas), et a complètement traumatisé notre héro.

Ji-ho ayant un bon " pédigré " (diplomée d'une université prestigieuse), et ayant, d'instinct, joué la jeune femme gentille/soumise, la nouvelle fiancée de Se-hee a été facilement acceptée par son père. Mais il a fallu jouer un rôle...

Une fois mariée, Ji-ho se voit conviée à un cérémonial familial, durant lequel sa belle-mère la fait travailler comme une esclave. Pour ne pas faire de vagues, Ji-ho accepte toutes les tâches qui lui sont confiées, allant même jusqu'à remballer son mari qui se propose de faire la vaisselle pour elle.

C'est un phénomène contre lequel ses amies l'avaient mise en garde: le syndrome de la " bonne belle-fille ", qui consiste à essayer de se faire accepter par la belle-famille en acceptant de faire tout ce qu'on lui demande, même les tâches les plus ingrates.

C'est un phénomène courrant dans certains pays d'Asie. Je me permets de parler de l'Inde, pays que je connais extrêmement bien, où les femmes passent de la responsabilité de leur père, à celle du mari, puis à celle du fils lorsque la femme devient veuve. Les épouses, qui deviennent " propriété " de leur belle famille, se doivent de les servir. Lorsqu'elles-mêmes deviennent belles-mères, elles se " vengent " en infligeant la même peine aux jeunes femmes qui entrent dans leur famille en tant que belles-filles. Un cercle sans fin.

Ayant étudier le mandarin et la culture de la Chine, je peux aussi attester que c'est un phénomène qui a été longtemps monaie courrante dans cette société. Le livre " Vent d'Est, Vent d'Ouest " de Pearl Buck m'avait ouvert les yeux sur cette pratique où la nouvelle épouse est au service de la mère de son mari.

Mais dans nos sociétés occidentales, on n'en n'est pas si loin non plus. Combien de femmes se plaignent de leur relation avec leur belle-mère? Combien de belles-mères jugent leur belle-fille ingrate?

Chez Woo Soo-ji, la copine carriériste de l'héroïne, les femmes s'en prennent aussi plein la tronche. Le modèle familial est dérangeant: une mère célibataire élevant seule sa fille. Un géniteur dont on ne connait pas l'identité.

La mère de Soo-ji boite, on ne sait pas dans quelles conditions Soo-ji a été conçue, ni comment (ou pourquoi) cette dame a ce handicap. On sait juste qu'elle a été serveuse toute sa vie pour éduquer sa fille. Je pense qu'elle a dû être violée, mais c'est ma théorie personnelle. J'aurais bien aimé en savoir plus sur cette femme.

Le résultat, c'est que mère et fille sont sujette à des rumeurs peu plaisantes (la mère de Soo-ji serait tenancière d'un bordel) que Soo-ji doit subir à l'école. La jeune fille s'endurcit très vite et garde en tête son but: travailler dur (à l'école puis en entreprise) pour mettre à l'abris sa maman, financièrement et médicalement.

Comme leur cellule familiale se réduit à deux personnes, Soo-ji et sa mère n'ont personne d'autre sur qui compter, ce qui met beaucoup de pression sur la jeune femme.

La conséquence, c'est que Soo-ji s'est vraiment blindée et a du mal à laisser un homme s'approcher d'elle, sentimentalement parlant.

La pression du mariage

Comme dans beaucoup de sociétés, ne pas être mariée passé un certain âge met les femmes au ban. Ho-rang, dont le rêve est d'être femme au foyer, désepère que son petit ami avec qui elle est depuis sept ans, et avec qui elle vit, ne la demande jamais en mariage.

Malheureusement, son amoureux n'a pas assez d'argent de côté pour payer un mariage, un logement décent (ils vivent dans un studio), sans compter le coût d'éventuels enfants.

Ho-rang et Soo-ji sont, de facto, exclues des conversations des femmes mariées de leur groupe d'amies du lycée.

En conclusion, Because This Is My First Life pointe du doigt certains aspects très dérangeants de la société coréenne à l'égard des femmes. Et malheureusement, même si certaines choses sont un peu grosses ou peut-être assez spécifiques à la société coréenne, je pense qu'elles sont monaie courante dans bien des pays, la France et la Belgique inclues.

Je vous ferai un topo plus complet sur le drama, aujourd'hui j'ai décidé de n'en souligner que les éléments relevant de la violence faite aux femmes.