En deux mots
L’idée de réaliser un film sur trois artistes, Joan Mitchell, Hollis Jeffcoat et Jean Paul Riopelle va séduire Martine Delvaux. La romancière va enquêter pendant plusieurs années pour ce projet. Ce livre est le fruit de ses recherches et réflexions.
Ma note
★★★ (bien aimé)
Ma chronique
Joan, Hollis, Jean Paul et Martine
Une artiste mondialement célèbre, un compagnon qui l’est moins et son amante américaine quasiment inconnue. Autour de ce trio, Martine Delvaux enquête dans le but de réaliser un film. Il en résultera l’un des romans les plus originaux de cette rentrée !
Comme l’indique le titre du roman, ça aurait pu être un film. C’est du reste pour un film que l’autrice a été contactée avec pour mission d’en rédiger le scénario.
Mais commençons ce livre à la construction très originale par le premier synopsis qui nous est proposé : « la peintre Hollis Jeffcoat fait partie d’un groupe de jeunes artistes qui accompagnent Elaine de Kooning chez Joan Mitchell. (…) Joan renvoie Elaine et les autres à Paris, et commande à Hollis de rester. C’est le début d’une relation d’une grande intensité. Les deux femmes sont passionnées l’une par l’autre, par-delà leur différence d’âge, de statut, de classe sociale. Elles sont vite inséparables, jusqu’au jour où Jean Paul Riopelle, le célèbre compagnon de Joan, rentre de voyage. »
Comme il s’agit ici d’artistes de renommée, il n’est pas question de se tromper et avant de s’attaquer au scénario, il va falloir se documenter. Commence alors une passionnante enquête sur Joan Mitchell, sans doute la plus célèbre des trois, Jean Paul Riopelle et Hollis Jeffcoat. Elle durera plus de trois ans et sera très féconde, quand bien même la romancière nous met en garde : « À chaque fois qu’on écrit, ce n’est pas la vérité qui se dépose sur la page, c’est l’invention, le fantasme, le mythe, un bal de fantômes. Si les mots renvoient au réel, ce réel néanmoins fuit, il nous coule entre les doigts comme du sable ou de l’eau, et les phrases sont des gestes, des taches, des jets de couleur sur une toile, un agencement, une abstraction qui ne donne jamais raison au titre. »
Nous voici donc face à une création, voire une re-création. On comprend très vite que l’histoire va tourner autour de cette femme, peintre et américaine qui va débouler au sein du couple Mitchell-Riopelle comme un chien dans un jeu de quilles. « Une fille dont j’aurais pu tomber amoureuse, moi aussi, à cause de sa passion pour la peinture, de son intégrité, de sa force, de sa détermination, à cause de ses silences, justement, et de ses yeux si bleus qu’on n’arrive pas à savoir ce qui se cache derrière. J’écris parce que je suis envoûtée, prise en otage par ton personnage, incapable d’arrêter de te chasser, incapable de cesser de te rêver. »
Entre le biopic, la déclaration amoureuse, l’introspection, la construction d’un film et les déboires du producteur et les réflexions sur l’art contemporain, sans oublier la touche féministe, ce roman est d’une grande richesse.
Aux côtés de Martine Delvaux, le lecteur partage la découverte d’œuvres et « le travail de jeunes artistes qui créent malgré les difficultés matérielles, la transformation des ateliers en condominiums de luxe, le coût de la peinture, des toiles et des pinceaux, malgré le silence médiatique, le peu de visibilité accordée aux arts visuels en général et aux femmes artistes en particulier. »
En la lisant, on comprend son enthousiasme et sa boulimie, lorsqu’elle affirme « j’ai été prise par une soif, un désir d’images et de vies d’artistes faites d’ateliers, de carnets, de blouses et de chiennes éclaboussées de couleurs, et de panneaux recouverts de cartes postales, de lettres et de mots. »
Ça aurait pu être un film
Martine Delvaux
Éditions Héliotrope
Roman
326 p., 20 €
EAN 9782898221309
Paru le 30/08/2024
Ce qu’en dit l’éditeur
C’est l’histoire d’un film qui ne s’est pas fait.
C’est l’histoire de trois artistes, Hollis Jeffcoat,
Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle, dont les vies
ont été entremêlées.
C’est l’histoire d’un accident.
C’est l’histoire de la place qu’occupent les femmes dans le monde de l’art.
C’est l’histoire de mon amour pour une artiste,
Hollis Jeffcoat, sur qui j’ai essayé d’écrire un film. M. D.
Martine Delvaux fait le récit d’une enquête passionnée, qui s’ouvre dans le Paris des années 1970, sur une jeune peintre américaine inconnue, à l’ombre de deux artistes célèbres.
Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
La Presse (Chantal Guy)
Le Devoir (Anne-Frédérique Hébert-Dolbec)
Journal de Québec (Marie-France Bornais)
Blog La Viduité
Les premières pages du livre
« Ce récit est une œuvre de fiction librement inspirée de la vie et de l’œuvre de Hollis Jeffcoat, Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle, et en particulier de la manière dont leurs chemins
se sont croisés. Il ne s’agit, en aucun cas, d’une biographie. Si les pages qui suivent mettent en scène des personnes qui ont vraiment existé et prennent appui sur une recherche fouillée (archives, témoignages, ouvrages et articles publiés dont la liste se trouve à la fin du livre), ce qui est proposé constitue une lecture personnelle des événements. Je raconte l’histoire de ces personnages à travers le prisme de ma propre vie.
Le 28 septembre 2022, l’ouragan Ian, de catégorie 4, touche terre à Cayo Costa, dans le sud-ouest de la Floride. Après le golfe du Mexique, il frappe les villes de Fort Myers, Cape Coral et Naples, détruit un tronçon du Sanibel Causeway, emporte Le Matlacha Bridge, ravage Sanibel Island et Pine Island, les coupe du continent.
L’ouragan traverse la péninsule floridienne puis la Caroline du Nord avant de mourir au-dessus de la Virginie. Son impact se fait sentir jusqu’à New York et Montréal.
On dirait le chemin de ta vie.
C’est l’histoire d’un échec. C’est l’histoire d’un film qui ne s’est pas fait. C’est l’histoire d’une vie qui n’a pas encore été racontée. La tienne.
Je ne sais pas si l’histoire commence au moment de la première rencontre avec le producteur ou avant, avec ce tiraillement dans le ventre qui signale le désir d’écrire. À chaque fois que je reprends ce texte, mon cœur s’emballe, je frémis, comme dans l’attente d’un rendez-vous amoureux, parce que je suis tombée amoureuse de cette histoire, je suis tombée amoureuse de toi, et maintenant tu es partout en moi, je suis hantée.
Je ne sais pas si je suis détective, enquêtrice, archiviste ou espionne. Je ne sais pas pourquoi je tiens autant à toi, ce qui s’anime à l’intérieur de moi, où ça se branche, dans quel désir, dans quelle blessure, dans quelle absence. Est-ce que ça s’installe dans le vide laissé par toutes les amours perdues, toutes les histoires passées ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que ça commence par la fin. La fin de l’histoire d’amour et la mort du film.
C’est une histoire de triangle amoureux entre deux artistes, immenses, deux monstres de la peinture, et une plus petite, toute jeune, qui commence. Oui, c’est une histoire d’amour, peut-être même une grande histoire d’amour, mais c’est aussi l’histoire d’un gâchis, de quelque chose qui a mal tourné, qui a été raté. J’ai envie de dire : comme beaucoup de très grandes histoires d’amour.
Un jour, fin de l’automne, les pluies glacées qui annoncent l’hiver québécois, de passage à mon bureau, je trouve un message dans ma boîte vocale. La voix d’un homme : Bonjour, madame Delvaux, je m’appelle.
Je reconnais le nom, l’homme me demande de le rappeler ou de lui écrire. Je réécoute le message une deuxième puis une troisième fois, sourcils froncés comme s’il y avait erreur sur la personne : qu’est-ce qu’un producteur de : cinéma peut bien me vouloir ?
Je réponds par courriel, propose une date de rencontre, tout juste avant Noël. Pendant quelques jours, je flotte, portée par le rêve, émerveillée par ce qui se présente à nous quand on ne s’y attend pas.
Le matin de la rencontre, debout devant les fenêtres, pendant un moment, je regarde le personnel qui s’affaire, ballet de pantalons noirs et de chemises blanches, nœuds papillon et tabliers. Les corps se frôlent, s’évitent délicieusement. J’entre dans le restaurant, Parapluie au pied du mur. Manteau accroché. Le maître d’hôtel avance vers moi qui balaie la salle des yeux et fais un signe de tête en direction du fond : J’ai rendez-vous avec monsieur. Le maître d’hôtel sourit et s’écarte pour me laisser passer. En me voyant approcher, le producteur se lève, me tend la main, m’invite à m’asseoir. Je rougis, intimidée, admirative. Je ne sais plus quels ont été les premiers mots, mais je suis sûre qu’il y avait une lumière dans mes yeux. On aurait dit une promesse. Quand tout peut basculer.
Si cette scène était portée au cinéma, voilà ce que la caméra devrait chercher à attraper : le moment où les choses naissent.
Le producteur a lu le livre que j’ai consacré à un film. Ça l’a intéressé. Il a des propositions à me faire. D’abord : un film, n’importe lequel, mon film rêvé. Ensuite : un scénario sur la passion entre Simone de Beauvoir et Nelson Algren. Enfin : un scénario sur la relation entre les peintres Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle. Je reste immobile, impassible, je réfléchis. Puis, il ajoute, comme s’il avait lu dans mes pensées, comme s’il avait compris qu’il me fallait quelque chose de plus qu’une histoire d’amour (hétérosexuelle) entre deux monstres (riches et blancs) de l’histoire de la peinture : Il y avait quelqu’un d’autre, aussi. Une jeune peintre. Elle vivait avec Mitchell, puis elle est partie avec Riopelle. On dit que c’est à cause d’elle que leur grande histoire d’amour s’est terminée.
C’est à ce moment-là, quand il évoque le rôle que tu as joué, toi, celle qui fréquente les marges, le personnage secondaire, que ça se met à vibrer. Tu es l’appât.
Un peu plus tard, il dit : Carte blanche, bien sûr, avant de préciser, sourire en coin, qu’il n’est tout de même pas question de refaire Le camion, ce film de Marguerite Duras construit comme un long dialogue entre l’écrivaine qui écrit le film et l’acteur (Gérard Depardieu) choisi pour incarner le héros. Ce film qui montre à l’écran la lecture d’un scénario plutôt que ce qui est raconté. Ce film qui est un anti-film. Que le cinéma aille à sa perte, c’est le seul cinéma, a écrit Duras dans le texte de présentation : Que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique.
Aujourd’hui, au moment où j’entreprends l’écriture de ce livre qui n’est pas un film et qui tourne autour de l’histoire de ta vie, je me dis que c’est le renvoi à ce scénario-là de cette écrivaine-là qui m’a incitée à dire oui au cinéma.
Dans les mots du réalisateur Peter Guber, le producteur, c’est comme un chien. Il tient un scénario entre ses crocs et ne le lâche qu’une fois le film fait, ou le projet abandonné.
De retour chez moi, je tape Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle dans un moteur de recherche. Bientôt, un troisième nom apparaît. C’est le tien, le nom d’une femme que j’ai déjà commencé à chercher, une amie inconnue, une amie fantôme, une amie rêvée, Tu es là, dans une chronique de l’artiste Marc Séguin parue le 6 mai 2018. À la fin, il annonce la disparition de celle qui l’a aidé à trouver son premier atelier à Brooklyn et qui l’a accompagné, à l’époque, dans sa migration de jeune artiste. Il te décrit comme une aristocrate francophile, amoureuse du Québec, d’une intelligence sobre et lucide. Il écrit que tu portes la beauté américaine des grandes manières.
Ton nom : Hollis Jeffcoat.
Tu es morte le 28 avril 2018. À quelques mois près, on s’est ratées. J’arrive trop tard. Rendez-vous manqué. Je t’ai perdue avant même de savoir que tu avais existé.
On dit qu’un bon scénario de film, c’est l’histoire d’une personne qui veut désespérément quelque chose et qui a beaucoup de mal à l’obtenir. Ce qui importe, précise le scénariste Aaron Sorkin, c’est l’obstacle et le conflit : il faut vouloir beaucoup, et ce qui se tient sur notre chemin doit être formidable, sinon, on fait du journalisme. Ainsi, il faut chercher ce qu’il y a de conflictuel chez le personnage qui porte le film, entre ce personnage et les autres. I faut écrire des personnages et non des êtres humains. L’héroïne n’a jamais été une enfant, dit-il. Elle a l’âge qu’elle a au moment où l’écran s’illumine et puis c’est tout. Il faut trouver ce qu’on a en commun avec elle, et écrire à partir de ce point de vue-là des choses qui doivent être jouées plutôt que lues, des actions qui s’enchaînent au fil des mots-liens : mais, et puis, soudain, enfin… et dont l’objectif n’est pas nécessairement de l’emporter, de gagner, de réussir… mais d’essayer.
Je dois donc essayer, moi aussi. Questions : quel âge a l’héroïne ? Quel est son point de vue ? Que désire-t-elle plus que tout ? Va-t-elle réussir à l’obtenir ? Réponses : elle a vingt-quatre ans. C’est moi qui raconte son histoire, mais en essayant d’épouser son regard. Ce qu’elle désire plus que tout, c’est de faire de la peinture, de consacrer sa vie à la peinture. Je ne sais pas si elle va y arriver.
1992. New York. Alors qu’elle effectue une recherche colossale sur la vie de Jean Paul dans le but d’écrire sa biographie, Hélène de Billy vient à ta rencontre. Tu habites à Manhattan, sur 9″ Street. Bientôt, tu vas déménager à Brooklyn avec un nouveau compagnon, un homme qui va faire partie de ta vie pendant de nombreuses années, quelqu’un dont les femmes de ta vie diront plus tard qu’il ne t’a pas aidée. Mais pour l’instant, tu es assise avec Hélène dans ton charmant studio de 9th Street. Tu es élégante, longiligne, un air androgyne, tes boucles brossées vers l’arrière, le sourire qui montre les gencives et les dents, une beauté qui se découvre. Tu fais beaucoup plus jeune que ton âge. Tu es d’une grâce incontestable, tout le monde le dit, Hélène aussi. Douce et gentille. Partout où tu vas, tu es aimée, on tombe immédiatement sous ton charme.
Dans The Silent Woman, Janet Malcolm écrit que l’entrevue à des airs de rencontre entre amies, ce qui a pour effet de séduire et de distraire autant le sujet que l’intervieweuse. C’est là le piège, bien sûr, pour la personne qui se fait interviewer, et la promesse pour celle qui mène l’interview.
Hélène et Hollis : on vous dirait liées par une sorte de gémellité. Vous partagez une date d’anniversaire ainsi qu’une initiale. Hélène de Billy avait peut-être besoin d’une amie pendant son enquête sur la vie d’un des artistes les plus importants du Québec, celui qui peut-être incarne le mieux l’âme de la Belle Province à cause de sa personnalité, de ce qu’il faisait, de son exil en France pour échapper à la Grande Noirceur et être artiste, puis de son retour au pays pour pêcher et chasser dans l’amour du territoire, après avoir fait le tour du monde, après avoir fréquenté les plus grands, les plus riches, après être devenu lui-même une star de l’histoire de l’art, son choix de mourir ici. Hélène se souvient d’avoir repéré des œuvres d’Antonin Artaud et de Georges Bataille dans ta bibliothèque, à côté des photos de famille. Elle précise qu’à ce moment-là, tu occupes un emploi dans une entreprise qui développe des lasers à Long Island City, un travail alimentaire obtenu avec l’aide d’un ami, un travail pour te loger, t’habiller, te nourrir, et surtout, pour acheter les matériaux qu’il faut pour continuer à faire ce qui te donne une raison d’exister : peindre.
Au tout début du verbatim, Hélène indique que, bien sûr, tu dis ta vérité à toi, tu insistes sur les beaux côtés, tu passes sous silence les épisodes les moins lumineux.
Tu as rendu l’âme à Fort Myers, une ville du sud-ouest de la Floride, sur le golfe du Mexique. Quand tu as appris que tu étais malade, le cancer avait déjà fait trop de ravages. Tu avais soixante-cinq ans. J’ai envie d’écrire que tu es morte trop tôt, que tu avais encore la vie devant toi, même si ce n’est pas vrai. Tu n’étais plus jeune. Tu avais vieilli. C’est moi qui ai envie de te retenir dans le temps d’avant.
Find a Grave. Hollis Garland Jeffcoat. BIRTH : 13 May 1952. Lee County, Florida, USA. DEATH : 28 April 2018 (aged 65). Lee County, Florida, USA. BURIAL : Burial details unknown. Specifically : Believe she was cremated. Memorial ID 199366987
Je ne sais pas comment tu as réagi quand tu as appris la mort de Joan. Ce que je sais, c’est qu’à la mort de Jean Paul, dix ans plus tard, tu n’avais pas l’intention d’assister aux funérailles. Tu as dit que pour lui, la vie appartenait de toute façon aux vivants, pourquoi faire tout un plat de la mort ? Maureen, ta compagne des quinze dernières années, n’était pas d’accord, tu devais y aller. Elle a appelé la compagnie aérienne et réclamé un rabais pour les endeuillé.es. On a d’abord refusé parce que tu n’étais pas sa veuve, mais elle a insisté : Non, elle n’a pas été mariée avec lui, mais c’est tout comme ! Contre toute attente, le rabais a été accordé et tu es partie à Montréal, seule, en fausse veuve. Tu as été accueillie comme une reine : le bonheur de te retrouver.
Funérailles nationales à l’église Immaculée-Conception, où Jean Paul avait été baptisé. On a dit qu’il aurait détesté, qu’il l’aurait vécu comme un affront. Moi, j’aime l’imaginer assistant à la cérémonie depuis l’au-delà en compagnie de ses chiens adorés, perdus et enfin retrouvés : Bertie et Nestor, et aussi Virus, Tableau, Washington, Ivan the Terrible, Cannelle et Feu Feu. Les chiens étaient d’une importance capitale, écrit Huguette Vachon, sa dernière compagne, une expression que Jean Paul utilisait pour qualifier les choses et les êtres indispensables à son bonheur.
Je ne me souviens de rien, ni de la mort de Jean Paul, ni de l’annonce de ses funérailles, journal, télé ou radio, rien, je n’ai rien vu passer, c’est comme si je ne m’étais pas trouvée à Montréal à ce moment-là, ou que je regardais ailleurs. »
Extraits
« Si la poésie ment, comme l’affirmait Robert Lowell, le roman ment aussi, et même l’autobiographie. À chaque fois qu’on écrit, ce n’est pas la vérité qui se dépose sur la page, c’est l’invention, le fantasme, le mythe, un bal de fantômes. Si les mots renvoient au réel, ce réel néanmoins fuit, il nous coule entre les doigts comme du sable ou de l’eau, et les phrases sont des gestes, des taches, des jets de couleur sur une toile, un agencement, une abstraction qui ne donne jamais raison au titre. » p. 30
« Synopsis. La peintre Hollis Jeffcoat fait partie d’un groupe de jeunes artistes qui accompagnent Elaine de Kooning chez Joan Mitchell. Une fois dans l’atelier pour montrer son travail le plus récent, Joan demande aux jeunes leur avis sur ses tableaux. S’ensuivent des onomatopées admiratives, un flot de compliments, pendant que Hollis, elle, reste à l’écart en silence. Joan la presse de réagir : Dites-moi ce que vous en pensez !
Hollis répond qu’elle n’a pas d’avis, mais comme la grande artiste insiste, elle finit par lancer : Je trouve que vous n’êtes pas allée assez loin, voilà ! Votre tableau reste en surface, on dirait qu’il refuse de nous laisser entrer !
À la fois prise par surprise, heurtée et conquise, Joan renvoie Elaine et les autres à Paris, et commande à Hollis de rester. C’est le début d’une relation d’une grande intensité. Les deux femmes sont passionnées l’une par l’autre, par-delà leur différence d’âge, de statut, de classe sociale. Elles sont vite inséparables, jusqu’au jour où Jean Paul Riopelle, le célèbre compagnon de Joan, rentre de voyage. » p. 53
« J’aurais voulu savoir plus tôt dans ma vie, et comprendre vraiment, comprendre que ce qui guiderait ma vie, ce serait l’écriture.
Peut-être qu’écrire ce livre a à voir avec cet amour-là, inconditionnel et incompréhensible. Écrire parce que je ne peux pas faire autrement, comme tomber amoureuse, comme être là coûte que coûte pour mon enfant. Écrire depuis ce puits sans fond de l’amour d’écrire, en m’efforçant de ne pas penser la suite, la publication, la réception du livre. » p. 78
« Je mène cette enquête depuis trois ans au moment où je me décide à raconter cette histoire de femme, de peintre, d’amoureuse et de voyageuse, cette histoire d’Américaine. L’histoire d’une fille que je reconnais, une fille dont j’aurais pu tomber amoureuse, moi aussi, à cause de sa passion pour la peinture, de son intégrité, de sa force, de sa détermination, à cause de ses silences, justement, et de ses yeux si bleus qu’on n’arrive pas à savoir ce qui se cache derrière. J’écris parce que je suis envoûtée, prise en otage par ton personnage, incapable d’arrêter de te chasser, incapable de cesser de te rêver. » p. 87
« Tout au long de cette enquête, j’aurai découvert des œuvres qui jusque-là m’étaient inconnues, le travail de jeunes artistes qui créent malgré les difficultés matérielles, la transformation des ateliers en condominiums de luxe, le coût de la peinture, des toiles et des pinceaux, malgré le silence médiatique, le peu de visibilité accordée aux arts visuels en général et aux femmes artistes en particulier. À chaque fois que j’ai désiré une œuvre, j’ai senti mon pouls s’accélérer et reconnu, au creux de mon ventre, la même sensation qu’à chaque fois que je suis tombée amoureuse. Au cours des dernières années, j’ai été prise par une soif, un désir d’images et de vies d’artistes faites d’ateliers, de carnets, de blouses et de chiennes éclaboussées de couleurs, et de panneaux recouverts de cartes postales, de lettres et de mots. » p. 105
À propos de l’autrice
Martine Delvaux © Photo Julia Marois
Romancière et essayiste féministe, Martine Delvaux est notamment l’autrice de Blanc dehors, Le monde est à toi, Thelma, Louise & moi et Pompières et pyromanes. Elle a été finaliste à de nombreux prix, et plusieurs de ses livres ont été traduits en anglais et en espagnol. Son essai Le boys club a remporté le Grand Prix du livre de Montréal. (Source : Éditions Héliotrope)
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