L'appel à cthulhu : le talent de norm konyu chez black river

L'appel cthulhu talent norm konyu chez black river
 Croyez-moi, écrire une critique conventionnelle sur cet album relève de l’exploit. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas d’une histoire traditionnelle. Non, ici, nous sommes face à un ouvrage qui met avant tout en lumière le talent artistique de Norm Konyu. Et quel talent ! Ses illustrations, souvent pleine page, sont d’une beauté renversante, dignes d’être encadrées et accrochées dans un musée. Au fil des pages, on découvre une série d’allusions aux œuvres d’H.P. Lovecraft : des romans célèbres, des scènes cultes, tout cela mis en images avec un sens de la composition qui force le respect. Et c’est… tout simplement magnifique. Mais ce n’est pas qu’un régal pour les yeux. Un petit texte accompagne ces illustrations. Une prose humoristique qui repose sur un appel téléphonique des plus absurdes. Oui, au beau milieu de la nuit, quelqu’un ose réveiller Cthulhu, la créature maléfique, pour lui expliquer pourquoi il la déteste. Avec détails, exemples et toute la rancune du monde. Imaginez Cthulhu décrochant son téléphone pour écouter ça ! Rien que l’image est déroutante. Et, ne vous inquiétez pas pour la logistique – comment Cthulhu entend la conversation ou répond au combiné – l’artiste s’en occupe, et ça marche comme sur des roulettes. L’idée est brillante : dresser à la fois un portrait satirique de ce monstre terrifiant et une critique, indirecte mais appuyée, de l’œuvre et de son créateur, H.P. Lovecraft. Et là, difficile d’éviter un détour par les zones d’ombre de l’auteur, qui, disons-le franchement, ne manquent pas. Parler de Lovecraft sans évoquer son penchant pour certaines idées, assez… nauséabondes ? Dans le contexte actuel, où des figures bien moins problématiques ont été clouées au pilori pour beaucoup moins, il est presque miraculeux que Lovecraft conserve une place sur l’autel des icônes littéraires.
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Alors oui, je l’avoue sans rougir (ou presque) : je n’ai jamais aimé Lovecraft. Voilà, c’est dit. Ne tapez pas trop fort, ça fait mal. Mais reconnaissons-le, même si ses idées et son style me laissent de marbre, cet album parvient à transformer tout ça en un véritable plaisir visuel et narratif. Et rien que pour ça, il mérite qu’on s’y attarde. D'autant plus que tout le processus créatif est disséqué minutieusement dans une partie de "bonus" qui est aussi conséquente que celle consacrée aux illustrations. Vous pouvez y trouver une interview très complète, des exemples de la manière dont Norm Konyu passe du sketch préparatoire au fignolage de sa production sur Photoshop. C'est pertinent car à première vue, le procédé peut sembler simple, voire naïf. Or, il n'en est rien, et on se rend compte de la tâche avec toutes ces précisions nécessaires. Black River propose donc un ouvrage qui ressemble surtout à un artbook. En version originale, le travail de Norm Konyu avait été proposé sous la forme d'un financement participatif, qui était déjà dans la poche au bout de soixante minutes. C'est devenu une véritable production grâce à Titans Book, et aujourd'hui c'est disponible en français. On pourra juste émettre, à défaut de réserves, quelques doutes sur certains choix de traductions qui auraient pu être plus inspirés. De même, on attend avec beaucoup d'intérêt ce que proposera l'éditeur dans les mois prochains. Nous avions un peu l'impression d'une pause prolongée, ces temps derniers, et d'un manque de direction claire dans la ligne éditoriale. Ce type de livre est peut-être une ressource à explorer pour le futur. 

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