La Bretagne, Joseph Ponthus s’y est installé pour suivre sa femme. Sans emploi, il a écumé les boîtes d’intérim et enchaîné les missions dans l’agroalimentaire, entre usines de transformation des produits de la mer et abattoir. A chaque fois, un rythme infernal à tenir, une pénibilité XXL, une fatigue qui vous terrasse à la fin de la dernière heure de la journée et ne vous quitte pas jusqu’à celle de la reprise de poste le lendemain. Le monde de l’usine est un monde à part où il faut appréhender le bruit et les odeurs, où il faut tenir le rythme des horaires décalés, où le travail à la chaîne n’accepte aucun maillon faible. Une plongée brutale dans un environnement industriel dont il faut apprendre à maîtriser les codes pour s’y sentir accepté. Joseph ne connaissait rien à cet univers avant de le fréquenter. Il découvre des relations hiérarchiques compliquées, des collègues plus ou moins « fréquentables », une précarité propre au statut d’intérimaire qui ne lui offre aucune certitude sur la durée et l’oblige à travailler les jours de grève pour ne pas voir sa mission stoppée avant son terme. Il comprend que sa vie de famille va être bouleversée (il dort quand sa femme part, il n’est pas là quand elle rentre…), et que ses rares moments de respiration seront consacrés à promener son chien sur la plage, entre deux tasses de café.
Il fallait être culotté pour se lancer dans l’adaptation en BD d’un livre devenu depuis sa publication un « classique »contemporain. On y retrouve cette réflexion sans arrière-pensée sur le monde ouvrier, cette succession, par petites touches, d’impressions, de ressentis, cette affection qui se développe petit à petit pour une population de travailleurs très différente de ce que le narrateur a l’habitude de côtoyer. L’intérêt tient beaucoup dans le fait que Ponthus n’est pas un sociologue en immersion, c’est juste un gars qui a besoin de bosser pour payer les factures. Ce statut de « véritable » salarié de l’usine donne une sincérité à son témoignage qui éloigne tout jugement de classe.
L’adaptation est hyper fidèle, le texte étant retranscrit, certes pas dans son intégralité, mais au mot près pour chaque passage sélectionné. Je ne sais pas si cela a desservi l’album mais j’ai trouvé que les premiers chapitres étaient trop sages, trop respectueux de l’œuvre d’origine. Le noir et blanc et le dessin au rotring, quasi pointilliste, ont beaucoup de charme mais n’apportent finalement aucune valeur ajoutée, du moins jusqu’à l’épisode sur l’abattoir. A partir de là, Julien Martinière lâche les chevaux, proposant une vision hallucinée et ultra expressive de ce lieu infernal. L’aspect cauchemardesque est rendu avec un souffle créatif et une maîtrise graphique justifiant à eux seuls la découverte de cet album qui sonne au final comme un bel hommage à un ouvrier/écrivain trop tôt disparu.
À la ligne : feuillets d’usine de Julien Martinière (d'après le roman de Joseph Ponthus). Sarbacane, 2024. 206 pages. 25,00 euros.
Toutes les BD de la semaine sont chez Blandine
Il fallait être culotté pour se lancer dans l’adaptation en BD d’un livre devenu depuis sa publication un « classique »contemporain. On y retrouve cette réflexion sans arrière-pensée sur le monde ouvrier, cette succession, par petites touches, d’impressions, de ressentis, cette affection qui se développe petit à petit pour une population de travailleurs très différente de ce que le narrateur a l’habitude de côtoyer. L’intérêt tient beaucoup dans le fait que Ponthus n’est pas un sociologue en immersion, c’est juste un gars qui a besoin de bosser pour payer les factures. Ce statut de « véritable » salarié de l’usine donne une sincérité à son témoignage qui éloigne tout jugement de classe.
L’adaptation est hyper fidèle, le texte étant retranscrit, certes pas dans son intégralité, mais au mot près pour chaque passage sélectionné. Je ne sais pas si cela a desservi l’album mais j’ai trouvé que les premiers chapitres étaient trop sages, trop respectueux de l’œuvre d’origine. Le noir et blanc et le dessin au rotring, quasi pointilliste, ont beaucoup de charme mais n’apportent finalement aucune valeur ajoutée, du moins jusqu’à l’épisode sur l’abattoir. A partir de là, Julien Martinière lâche les chevaux, proposant une vision hallucinée et ultra expressive de ce lieu infernal. L’aspect cauchemardesque est rendu avec un souffle créatif et une maîtrise graphique justifiant à eux seuls la découverte de cet album qui sonne au final comme un bel hommage à un ouvrier/écrivain trop tôt disparu.
À la ligne : feuillets d’usine de Julien Martinière (d'après le roman de Joseph Ponthus). Sarbacane, 2024. 206 pages. 25,00 euros.
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