H.P. Lovecraft : La Couleur d’outre-ciel

Par Lebouquineur @LBouquineur

L’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), l’un des maîtres du fantastique et l’un des précurseurs de la science-fiction est à présent considéré comme l'un des écrivains d'horreur les plus influents du XXe siècle avec Edgar Allan Poe. « Le plus grand artisan du récit classique d'horreur du vingtième siècle » selon Stephen King.

La Couleur d’outre-ciel, une nouvelle anciennement traduite sous le titre La Couleur tombée du ciel, date de 1927. Une petite merveille tirée de cette non moins excellente Pléiade qui vient de paraître, vingt-neuf récits composent ce volume, depuis les premiers contes horrifiques jusqu'aux grands récits qui, écrits à partir de 1926, feront la renommée de leur auteur et tous bénéficient de nouvelles traductions, j’aurai donc l’occasion d’y revenir pour de nombreuses chroniques. La nuit tombe vite à cette époque, le vent souffle fort, agitant frénétiquement les silhouettes squelettiques des arbres derrière les vitres de mes fenêtres, l’ambiance est légèrement inquiétante, c’est parfait…

Arkham, Nouvelle-Angleterre. Un jeune géographe venu de Boston pour étudier un projet de réservoir d’eau aux abords de la ville entend parler d'une rumeur à propos d'étranges événements qui se seraient produits au début des années 1880. D’abord sceptique, puis intrigué par ce paysage de désolation, il tente d’en savoir plus et c’est Ammi Pierce, vieil homme à moitié fou mais qui a vécu les « jours étranges » qui va lui révéler ce qui s’est passé…

En 1880, une météorite s’est écrasée sur le terrain de Nahum Gardner et sa famille. Des scientifiques venus étudier la météorite n’y comprennent rien, sinon qu’elle rétrécie petit à petit et quand au centre de cette masse, ils tentent de percer ce qui semble en être le noyau, une brume s’en échappe. Bien vite dans les semaines qui suivent la végétation se dégrade, fruits et légumes énormes mais immangeables, la faune elle aussi devient bizarre, une couleur grisâtre et légèrement lumineuse mais mal définie teinte le secteur, le vivant devient gris cendre puis s’effrite, les Gardner eux-mêmes sont touchés...

Tous les ingrédients typiques de l’œuvre de Lovecraft sont ici présents, la ville d’Arkham, une ville imaginaire du Massachusetts imaginée par l'écrivain et qu’on retrouve dans plusieurs de ses nouvelles, sa très belle écriture et son sens de la montée progressive de l’inquiétude, d’autant plus effrayante que jamais clairement définie. L’écrivain laisse le lecteur se faire peur « presque » tout seul, selon la fertilité de son imagination ! Ici nous avons cette couleur envahissante, l’effritement du vivant, une chose qui « brûle et suce la vie » et s’attaque finalement à l’humain… Et cinquante ans plus tard, le géographe en voit encore les traces tangibles dans ce paysage déserté où la menace rôde peut-être encore ? Brrr !