Dans Les figurants, Delphine de Vigan dresse une pièce de théâtre dans laquelle elle expose des personnes qui attendent leur casting, qui attendent la mise en place de scènes. C'est à l'occasion de cette attente que ces figurants se confient, racontent leur itinéraire, leurs choix et parfois leurs non-choix de cette invisibilité pourtant importante à l'écran parce qu'elle renforce le jeu des acteurs principaux, qu'elle place une scène, qu'elle la rend vivante et réelle. L'autrice raconte aussi leur quotidien qui souvent ne se résume pas qu'à être figurants : certains diversifient leur activité professionnelle par la participation à des publicités, à des vidéos, pour vivre et souvent survivre.
Delphine de Vigan décrit le mépris ou
l'empathie de certains comédiens plus connus, de certains réalisateurs ou assistants, à l'égard des mal-lotis, des mal-connus, des pas assez reconnus. Elle raconte surtout leur longue attente
entre deux prises, leur longue attente des castings, de vies solitaires et isolées. Et pourtant, ils sont
là pour quelques heures, quelques sous.
Dans Les figurants, Delphine de
Vigan innove son écriture en tentant courageusement le théâtre avec les rythmes imposés, les dialogues et les monologues à poser : un nouvel exercice littéraire qui sort
de son registre habituel, mais toujours avec cette envie de valoriser de décrire ce
qu'on ne voit plus ou qu'on ne voit pas, de faire entendre ces voix qu'on n'entend jamais au cinéma. Et ce parti-pris est intéressant à
l'image de l’œuvre humaniste esquissée par cette autrice, appuyée par son regard aiguisé sur la société du
spectacle ici, sur la société en règle générale.
Les figurants est un texte très accessible, intéressant. Ce n'est pas un coup de cœur mais j'ai apprécié de le découvrir et de me plonger dans ces humanités simples, d'y lire leur quotidien, leurs états d'âme et d'apprécier leur abnégation et leur courage de poursuivre malgré tout et contre tout, juste pour la beauté du cinéma, conscients de participer à une oeuvre collective partagée, heureux d'avoir parfois une scène à eux (et de changer potentiellement de statut, lorsque la caméra se prolonge sur eux.). J'ai apprécié d'y lire leur énergie et leur persévérance, et de ressentir aussi leur épuisement.
Les figurants exprime tout cela et je remercie Delphine de Vigan d'avoir honoré ces héros de l'invisible et d'en avoir fait des héros tout court.
Éditions Gallimard
Autres avis : Jostein,
De la même autrice : Les enfants sont rois - Les gratitudes - Les Heures souterraines - Rien ne s'oppose à la nuit - Un soir de décembre