Interrogations. (c) Esperluète.
En page de titre. (c) Esperluète.
Les pages sont le miroir des existences des deux personnages entre sentiments et tâches domestiques. Le porte-voix d'espoirs de vie réussie, heureuse, que viennent parfois chambouler les objets ou les sentiments. Avoir l'espoir d'aimer et d'être aimé est une entreprise qui fait parfois perdre des plumes. Mais aimer et être aimé est aussi une base précieuse. On oscille, on vacille, on se rattrape, on continue. L'auteure-illustratrice nous partage les hésitations, les fulgurances, les doutes, les joies de ce couple dans son style graphique si personnel. Elle serpente entre le noir des fusains et la couleur des portraits, entre les textes manuscrits et les calligrammes, entre les croquis séquencés d'une même scène et des images carrément abstraites, entre Madame et Monsieur qu'on voit ensemble ou séparément. Tout son art est de ne jamais tout dire, de laisser le lecteur choisir entre la farce, le drame ou la comédie. Une façon aussi de pointer l'absurdité de la vie par moments.
"Comme si", répété, charcutant la pensée. (c) Esperluète.
Paroles en calligrammes. (c) Esperluète.
Ce que j'avais écrit à l'époque dans "Le Soir" à propos des deux premiers titres.
Une saison avec Carbelle
"Bientôt l'été" est une chronique illustrée attachante du temps qui passe et
des lendemains qui chantent.Il commence ainsi: "Comme chaque année au premier jour, elle s'éveille ankylosée et nausée, enkilosée comme toujours…" Verdict de la balance, route jusqu'à l'été (bronzage, lecture), bonnes résolutions. "Réagissez tant qu'il est temps d'agir", est-il glissé à Carbelle. Et l'auteure de lâcher une immense tirade sur ce qui est bon pour les fesses: des exercices de gym dont on ne voit pas la fin mais qui, dans leur insolence, acquièrent la poésie d'un Prévert ou d'un Queneau. Les dessins s'emparent du sujet, le triturent, s'en détachent avant de laisser l'héroïne conclure, "non, entamer un régime n'est pas insurmontable".
Au fil des pages, on suit tout le maillage de la petite vie de Carbelle. Les bonnes résolutions, les matins heureux, les jours plus sombres, les pensées légères, les frustrations et les idées noires, les habitudes ou les surprises…
Tout l'art de Frédérique Bertrand est d'emporter la lectrice réjouie dans ses variations pleines de surprises. Un jeu de cadavres exquis ici, une idée (écrite ou dessinée) en appelant une autre. Là, une étude poussée d'une réalité féminine, telle une séance d'épilation. Essayages, repassage, brossage de cheveux, c'est avec une infinie douceur que l'auteure appelle les femmes à parfois lâcher prise, se faire plaisir. A lire sans attendre l'été.
"Bientôt l'été", Frédérique Bertrand, Esperluète éditions, 178 pages.
8 janvier 2008
Après Madame, voici Monsieur !
"Déjà Noël" est donc l'histoire d'un homme qui a le bonheur pour idéal mais vit terriblement sous pression. Il est plein de bonnes intentions mais semble souvent dépassé par les événements. Dès le début: la cravate qu'il est en train de s'attacher au cou lui échappe… Mon beau sapin? Une course folle plutôt, entre tout ce qu'il y a à faire. Car Monsieur vit en couple et travaille.
Autant de sujets d'interrogations que Frédérique Bertrand arrange avec humour et tendresse. Ses dessins savoureux semblent également se jouer du personnage. Ses textes en lettres imprimées, quelques mots ou de grandes pages, traduisent magnifiquement le temps qui passe et nous file entre les doigts, haché par les us de la société. Un anti-héros très attachant, un roman graphique percutant.
17 décembre 2010