1. La Route (Manu Larcenet – D’après le roman de Cormac McCarthy – Editions Dargaud)
De quoi ça parle: Dans une Amérique post-apocalyptique, un père et son fils font partie des rares survivants. Autour d’eux, tout n’est que ruines et désolation. Le pays entier semble dévasté et recouvert de cendres. C’est un décor sans nature, sans feuilles, sans animaux, sans vie. Mais pas sans danger pour autant, car les quelques survivants qui rôdent encore dans ces contrées hostiles sont prêts à tout pour s’en sortir, y compris manger d’autres êtres humains. Maigres et éreintés, le père et son fils errent péniblement sur une route. Ils espèrent que celle-ci va les mener vers les côtes du Sud, où le climat est peut-être un moins rude. La seule possession à laquelle ils s’accrochent encore, c’est un caddie, dans lequel ils ont entassé des objets hétéroclites trouvés sur leur chemin, des rares souvenirs de leur vie antérieure et leurs maigres réserves de nourriture. Mais où cette route va-t-elle les mener?
Pourquoi c’est bien: Parce qu’en adaptant en BD le best-seller de Cormac McCarthy, Manu Larcenet poursuit son exploration de la noirceur humaine. Parce que sa version graphique donne une dimension supplémentaire à ce récit poignant sur un père et son fils confrontés à la violence et la barbarie. Parce que les dessins de cet album sont d’une beauté absolue, Manu Larcenet allant jusqu’à retravailler certains dessins des dizaines de fois jusqu’à obtenir le résultat parfait. Parce que chaque planche de « La Route » est une oeuvre d’art qui mériterait d’être accrochée au mur. Parce que Manu Larcenet se passe des narratifs et limite les dialogues pour se concentrer sur les ambiances, les regards, les paysages.
A qui ça plaira: Aux amoureux du dessin.
2. Ulysse & Cyrano (Stéphane Servain – Xavier Dorison – Antoine Cristau – Editions Casterman)
De quoi ça parle: Ulysse Ducerf, le fils d’un grand industriel français, est un jeune homme un peu rêveur, qui adore le dessin. Mais nous sommes en 1952 et il n’est pas question pour lui de faire ce qu’il veut dans la vie. Le destin d’Ulysse est tout tracé: il doit reprendre la tête des cimenteries familiales, comme l’ont fait son père et son grand-père avant lui. En attendant, le paternel d’Ulysse a d’autres soucis. Accusé par la presse d’avoir collaboré économiquement avec l’occupant allemand pendant la guerre, il décide d’envoyer son épouse et son fils se réfugier en Bourgogne sous une fausse identité, le temps que les choses se calment… Ce séjour forcé va changer la vie du jeune homme, car il va lui permettre de faire la connaissance de Cyrano, un ancien grand chef étoilé, qui a brûlé son restaurant 15 ans plus tôt lorsque son second est arrivé devant lui à un concours de cuisine. Aux côtés de Cyrano, un homme bourru mais au grand cœur, Ulysse se découvre une nouvelle passion: la gastronomie. Mais comment convaincre son père que c’est la voie qu’il doit suivre?
Pourquoi c’est bien: Parce que cette BD est un récit humaniste et épicurien, qui vous met l’eau à la bouche et vous donne envie de croquer la vie à pleines dents. Parce que les dessins élégants de Stéphane Servain insufflent un supplément d’âme au récit imaginé par Dorison et Cristau. Parce que « Ulysse & Cyrano » propose une galerie de personnages particulièrement vivants et attachants. Parce que c’est un livre plein de couleurs et d’enthousiasme sur le plaisir, la transmission, l’inspiration et l’importance du travail en équipe. Parce que c’est une BD qui redonne le sourire.
A qui ça plaira: Aux épicuriens et aux gastronomes.
3. Impénétrable (Alix Garin – Editions Le Lombard)
De quoi ça parle: Dans ce roman graphique d’une rare intimité, Alix Garin se met totalement à nu pour raconter le désarroi terrible auquel elle se retrouve confrontée lorsqu’elle commence à ressentir des douleurs insoutenables lors des rapports sexuels avec Lucas, son compagnon. Pendant un an, elle n’ose en parler à personne, parce qu’elle a trop honte. Alors que tout va bien pour elle dans sa carrière et dans son couple, elle ne comprend pas pourquoi cette chose lui arrive. Longtemps, elle subit la douleur sans rien dire. Mais au bout d’un moment, la situation devient intenable et elle explose. C’est le début pour elle d’une longue période de doutes et de souffrances, entre les médecins qui ne savent pas de quoi il s’agit, les psys qui lui disent de mordre sur sa chique, les kinés qui lui font faire des exercices humiliants… et bien sûr ses inévitables difficultés dans sa vie de couple avec Lucas.
Pourquoi c’est bien: Parce qu’Alix Garin brise un tabou en parlant du vaginisme. Parce qu’elle trouve le ton juste pour évoquer ce sujet sensible, qui touche un grand nombre de femmes. Parce qu’elle parvient à insuffler une grande universalité dans un récit tellement personnel. Parce qu’elle est pleinement authentique, sans chercher à se donner le beau rôle. Parce que c’est un livre qui va bien plus loin que le vaginisme, en parlant de pression sociale, d’émancipation, de désir, de communication. Parce qu’Alix Garin garde son dessin simple et expressif, tout en se lâchant complètement dans sa mise en couleur.
A qui ça plaira: Aux amateurs de récits personnels à portée universelle.
4. Idéal (Baptiste Chaubard – Thomas Haydan – Editions Sarbacane)
De quoi ça parle: Nous sommes en 2160, au Japon. Partout, des androïdes guidés par l’intelligence artificielle ont envahi la vie quotidienne. Partout, sauf sur l’île très conservatrice de Kino, qui a fait le choix de résister à la modernité pour rester dans un Japon traditionnel qui ressemble à celui du vingtième siècle. C’est là, sur cette île sous cloche qui a tout d’un monde disparu, que vivent Hélène et son mari Edo. Elle est une pianiste de renom, mais elle n’arrive plus à jouer la moindre note depuis qu’elle a été blessée à la main dans un accident de voiture. Quant à lui, il sent que son désir pour sa femme s’étiole peu à peu. Pour tenter de raviver la flamme entre eux, Hélène décide alors de faire venir dans leur maison une intelligence artificielle humanisée, un véritable clone de la pianiste lorsqu’elle était jeune. Mais en agissant de la sorte, Hélène ne vient-elle pas de faire entrer le loup dans la bergerie?
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est une histoire très originale, à la fois intemporelle et collant parfaitement à l’actualité. Parce que cette première BD signée par Baptiste Chaubard et Thomas Hayman dépoussière la science-fiction. Parce qu’on y retrouve tous les codes du Japon. Parce que les dessins sont envoûtants et magnifiques, avec beaucoup de scènes sans paroles. Parce que c’est un superbe objet, à l’esthétique soignée et délicate. Parce que la narration du récit est impeccable, faisant monter l’angoisse au fil des pages. Parce qu’on sent dans cette histoire le poids des regrets et du temps qui passe. Parce que c’est un album qui nous questionne sur l’intelligence artificielle.
A qui ça plaira: Aux fans de science-fiction intelligente.
5. Revoir Comanche (Romain Renard – Editions Le Lombard)
De quoi ça parle: 1932, au fin fond de la Californie. Lorsque l’historienne Vivienne Bosch débarque avec sa voiture dans une petite bourgade paumée, elle ne passe pas inaperçue. Elle se rend chez Cole Hupp, un vieil homme solitaire et farouche, qui vit à l’écart du village. Vivienne, qui collecte les témoignages des dernières personnes vivantes ayant connu l’âge d’or du Wild West, est persuadée que Hupp est en réalité Red Dust, l’un des cow-boys du mythique ranch Triple Six, fondé quelques décennies plus tôt par la légendaire Comanche dans le Wyoming. Mais le vieil homme bourru n’a aucune envie de révéler sa véritable identité à cette inconnue. Vivienne parvient malgré tout à titiller sa curiosité lorsqu’elle lui révèle que depuis des semaines, elle n’arrive à joindre personne au ranch Triple Six. Et s’il était arrivé quelque chose à Comanche? Pour s’en assurer, le vieux cow-boy accepte la proposition de Vivienne de le conduire jusqu’au ranch Triple Six. Un voyage qui s’annonce périlleux, vu qu’elle est enceinte jusqu’aux yeux, tandis que lui est recherché dans les quatre états qui séparent la Californie du Wyoming.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est un western crépusculaire. Parce que c’est un voyage parsemé de souvenirs, de fantômes et de regrets, à travers les paysages majestueux de l’Ouest américain. Parce que « Revoir Comanche » est une réinterprétation totalement personnelle de la série « Comanche » de Hermann et Greg. Parce que cette BD de Romain Renard, qui a remporté le Prix Rossel BD 2024, est sans doute l’une des bandes dessinées les plus cinématographiques jamais publiées, avec des paysages à couper le souffle et des séquences muettes somptueuses. Parce que ce roman graphique s’accompagne d’une bande son qui colle parfaitement à ce road-trip mélancolique.
A qui ça plaira: Aux amoureux des grands espaces américains.
6. La voleur d’amour (Yannick Corboz – D’après le roman de Richard Malka – Editions Glénat)
De quoi ça parle: Adrian van Gott est un être mystérieux, qui vit seul dans une demeure luxueuse à New York, entouré de livres, de tableaux et de souvenirs. Si Adrian a choisi de s’isoler, c’est parce qu’il cache un terrible secret. Né à Venise dans les années 1780, il survit depuis lors grâce un pouvoir unique et monstrueux: il lui suffit d’un simple baiser pour aspirer l’amour de la personne qu’il embrasse et renforcer ainsi sa force vitale au détriment de celle de sa victime. Adrian est une sorte de Dracula, mais qui se nourrit d’amour plutôt que de sang. Tout bascule lorsqu’il sauve une jeune femme qui s’apprête à sauter dans le vide depuis un pont à New York. En faisant la connaissance de cette jeune danseuse, qui s’appelle Anna, Adrian est persuadé de retrouver enfin Clélia, la seule femme qu’il ait jamais aimée. C’était lors de son adolescence à Venise, mais elle s’était suicidée après avoir été embrassée par Adrian. Pour la première fois de sa vie, ce dernier se dit qu’il est temps de mettre fin à son insatiable quête d’amour. Mais avant d’en finir, il décide d’écrire une longue lettre dans laquelle il raconte son tortueux parcours, de Venise à Constantinople et New York en passant par le Paris de la Révolution.
Pourquoi c’est bien: Parce que cet album est une fresque romantique pleine de souffle, adapté du roman du même nom de l’avocat Richard Malka. Parce que le trait de Yannick Corboz est voluptueux, raffiné et sensuel. Parce que c’est une BD au graphisme éblouissant, où l’amour est à la fois une quête et une malédiction. Parce que « Le voleur d’amour » interroge sur la nature humaine et la part d’ombre et de lumière en chacun de nous. Parce que c’est un ouvrage ambitieux de 200 pages, qui prend le temps d’installer son récit, son ambiance et ses personnages. Parce que c’est aussi un magnifique objet, dont les grandes dimensions permettent d’admirer au mieux le travail de Yannick Corboz.
A qui ça plaira: Aux férus de vampires et de récits sensuels et romantiques.
7. Sa majesté des mouches (Aimée de Jongh – D’après le roman de William Golding – Editions Dargaud)
De quoi ça parle: Suite au crash de leur avion, une bande de jeunes garçons anglais âgés de 6 à 13 ans se retrouvent livrés à eux-mêmes sur une île déserte. Comme tous les adultes qui les accompagnaient sont morts, ils n’ont pas d’autre choix que de se débrouiller. Au début, ils profitent pleinement de cette vie libre et sans règles sur une île paradisiaque. Ils trouvent des bonnes choses à manger, ils inventent des nouveaux jeux, ils se baignent dans la mer. On dirait presque des vacances de rêve. Mais très vite, ils se rendent compte qu’ils ont malgré tout besoin d’une certaine structure. Ils décident donc d’élire un chef. Ralph et Jack sont les deux candidats en lice. Ralph l’emporte, mais ça ne résout rien. Au contraire, c’est le début des ennuis. Car Jack ne supporte pas bien sa défaite. Petit à petit, l’animosité grandissante entre ceux qui soutiennent Ralph et ceux qui soutiennent Jack débouche sur une véritable guerre des clans. Au lieu de se serrer les coudes, les jeunes garçons se déchirent. Jalousie, peur, harcèlement, colère, violence, le petit paradis finit par devenir un véritable enfer.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est la première fois que le roman de William Golding, qui est un livre culte dans le monde anglo-saxon depuis sa parution en 1954, est adapté en bande dessinée. Parce que c’est une adaptation graphique particulièrement réussie, qui reste fidèle au livre original tout en le dépoussiérant fameusement. Parce qu’Aimée de Jongh parvient à faire monter la pression de manière très habile, jusqu’à arriver à un point de non-retour. Parce que le trait faussement enfantin de la dessinatrice néerlandaise colle à merveille à ce récit particulièrement sombre. Parce que « Sa majesté des mouches » reste d’une actualité brûlante, en montrant les ravages causés par la loi du plus fort.
A qui ça plaira: Aux amateurs de sociologie et de psychologie.
8. Le murmure de la mer (Hippolyte – Editions Les Arènes)
De quoi ça parle: Depuis 2014, on estime que plus de 22.600 femmes, hommes et enfants ont péri noyés en mer Méditerranée, la route migratoire la plus dangereuse au monde. Dans « Le murmure de la mer », le dessinateur de BD Hippolyte décide d’aller voir de ses propres yeux à quoi ressemble le quotidien sur l’Ocean Viking, un navire de sauvetage de l’association SOS Méditerranée. Dans ce livre, on découvre comment il se prépare pendant de longs mois pour apprendre les bons gestes et les bons mots pour sauver des vies. On découvre aussi comment il vit un premier faux départ particulièrement frustrant puisqu’en raison du Covid et du confinement, son premier voyage en mer n’a tout simplement pas lieu. Un moment très dur pour l’ensemble de l’équipage. En 2021, il finit enfin par embarquer deux mois à bord de l’Ocean Viking , pour ce qui deviendra « le reportage le plus dingue de sa vie« . Car lors de cette seule opération, 440 personnes sont secourues par les équipes de SOS Méditerranée. En montant sur ce bateau, Hippolyte a décidé de leur donner un nom et un visage.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est un roman graphique documentaire particulièrement fort. Parce qu’on a vraiment l’impression d’être dans le canot de sauvetage avec Hippolyte. Parce que « Le murmure de la mer » est un témoignage sincère, dont Hippolyte n’est clairement pas sorti indemne. Parce que le dessinateur retient surtout de cette expérience que « sauver nous sauve, et qu’il n’y a rien de plus beau et de plus humain« . Parce qu’il a décidé de reverser la moitié de ses droits d’auteur à SOS Méditerranée. Parce que « Le murmure de la mer » est un très bel album, avec un mélange de planches de BD classiques, de dessins tirés du carnet de croquis d’Hippolyte, et de photos de migrants secourus intégrées au dessin. Parce que c’est un livre coup de poing, et donc incontournable.
A qui ça plaira: Aux personnes touchées par les drames migratoires.
9. La cuisine des ogres (Fabien Vehlmann – Jean-Baptiste Andreae – Editions Rue de Sèvres)
De quoi ça parle: Blanchette est une jeune orpheline aux cheveux blancs. Avec ses compagnons d’infortune, elle s’apprête à passer une nouvelle nuit dans la rue, sans rien de très consistant à se mettre sous la dent. Mais lorsqu’elle part chercher de l’eau, elle échappe de peu au kidnapping de sa bande de gamins par Grince-Matin, un personnage particulièrement inquiétant. N’écoutant que son courage, Blanchette décide de voler au secours de ses amis. Pour cela, elle peut compter sur l’aide du chevalier de Sainte-Ombre, qui arpente la Savoie depuis des lustres en espérant un jour pouvoir défendre la veuve et l’orphelin. Mais Blanchette et le chevalier sont loin de se douter qu’ils se jettent dans la gueule du loup. Car derrière la célèbre Dent du Chat, la montagne fumante qui fait rêver les habitants de la cité, se trouve un univers féérique caché des humains. Et les ogres géants qui vivent à l’intérieur de ce mystérieux massif adorent manger des mets délicats composés d’ingrédients quelque peu inhabituels: des enfants. Cela dit, la petite fille n’a pas l’intention de se laisser couper en morceaux aussi facilement…
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est un plaisir de replonger dans l’univers des contes un peu cruels, au milieu des ogres, des nains, des sorcières et des trolls. Parce que les dessins de Jean-Baptiste Andreae sont sublimes, à mi-chemin entre le gothique sanguinolent et la poésie fantastique. Parce que chaque planche fourmille de détails qui rendent cette étonnante cuisine particulièrement vivante. Parce que le scénariste Fabien Vehlmann a cette histoire en tête depuis son adolescence au pied de la vraie Dent du Chat, située près du Lac du Bourget. Parce que son récit est parfaitement maîtrisé.
A qui ça plaira: Aux amateurs d’histoires qui font frémir.
10. Il y a longtemps que je t’aime (Marie Spénale – Editions Casterman)
De quoi ça parle: Annie se réveille sur une île déserte après un violent naufrage. Cette sexagénaire était partie en croisière avec son mari Alain, mais désormais elle se retrouve seule dans la nature, et n’a pas d’autre choix que de survivre comme elle peut. Elle explore, elle tente d’allumer un feu, elle se construit un abri de fortune. C’est une situation nouvelle pour elle, non seulement parce qu’elle se retrouve dans un environnement qu’elle doit apprivoiser, mais aussi parce qu’elle a toujours laissé son mari décider de tout. Elle n’a pas l’habitude de s’affranchir de son regard et ses remarques. Même lorsqu’il n’est pas là, elle l’entend encore. Elle se parle à elle-même comme si elle écrivait à son mari. Tout va changer lorsqu’Annie découvre qu’elle n’est pas seule sur son île. Un jour, elle tombe sur un jeune indigène, qui ne prononce pas le moindre mot, mais qui réveille en elle un désir qu’elle croyait définitivement éteint. Petit à petit, Annie découvre en elle une force et une vitalité, loin des conventions sociales.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est un récit audacieux, dans lequel l’autrice Marie Spénale nous interpelle sur les relations de couple et sur la question du désir. Parce que c’est une BD qui traite de la sexualité chez les personnes de plus de 60 ans, qui reste un sujet souvent tabou. Parce que c’est un album singulier, à la fois au niveau du fond et de la forme. Parce que le dessin de Marie Spénale est envoûtant et délicat, avec des couleurs chatoyantes (voire fluo) souvent très surprenantes. Parce que la fin de l’album, sur laquelle nous ne dirons évidemment rien, est totalement inattendue.
A qui ça plaira: Aux personnes en quête d’expériences nouvelles.
11. Oscar et la Dame rose (Vincent Zabus – Valérie Vernay – D’après le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt – Editions Albin Michel)
De quoi ça parle: Oscar est un petit garçon condamné par la maladie. Comme il ne lui reste que peu de temps à vivre, il écrit des lettres à Dieu, en faisant semblant que chaque jour est pour lui une décennie différente. C’est Mamie-Rose, une vieille dame qui vient le voir à l’hôpital alors que ses parents n’ont plus la force de le faire, qui lui a donné cette idée de rédiger ces lettres. Sur sa terrasse, celle-ci sourit en relisant ce qu’Oscar a écrit à Dieu. Tout à coup, elle entend une petite voix qui lui dit « Bonsoir, Mamie-Rose ». Elle tourne la tête et elle voit Oscar à côté d’elle. « C’est amusant, je songeais justement à toi », lui répond-elle. Ensemble, ils se remémorent tous les bons moments passés avec Peggy Blue, la petite fille atteinte du syndrome d’Eisenmenger dont Oscar est secrètement amoureux, Bacon le grand brûlé, Sandrine la Chinoise, qui souffre d’une leucémie, ou encore Brigitte la trisomique. Sans oublier le docteur Düsseldorf, le médecin d’Oscar, que le petit garçon est obligé de réconforter.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est un récit tendre et émouvant, qui vous prend aux tripes. Parce qu’il est impossible de lire cette bande dessinée sans verser une petite larme. Parce que le scénariste belge Vincent Zabus parvient à adapter le roman épistolaire d’Eric-Emmanuel Schmitt de manière sensible et personnelle. Parce que le dessin et les couleurs de Valérie Vernay sont inspirés par Sempé et conviennent parfaitement à l’émotion du récit. Parce que la force de ce récit, c’est sa galerie de personnages attachants et savoureux. Parce que c’est un livre qui redonne foi en l’humanité.
A qui ça plaira: Aux âmes sensibles.
12. Loin (Alicia Jaraba – Editions Grand Angle)
De quoi ça parle: Ulysse et Aimée, deux jeunes trentenaires, décident de quitter leur appartement pour voyager plusieurs mois dans un van aménagé. Leur but: aller faire de la plongée dans le sud de l’Espagne. Mais ce voyage, qui est censé les rapprocher, leur permet rapidement de se rendre compte qu’ils ont des aspirations très différentes. Après avoir travaillé d’arrache-pied sur sa thèse pendant un an, Aimée a accepté de faire ce voyage uniquement pour passer du temps avec Ulysse mais en réalité, ce genre d’aventures, ce n’est pas trop son truc. Quant à Ulysse, il a besoin de vivre de nouvelles aventures: dormir à la belle étoile, ne pas se doucher, aller nager dans les lacs, essayer de voir des poissons-lunes. En gros, elle recherche la stabilité, tandis que lui aspire à plus de liberté. Alors que le fossé se creuse entre eux, ils font la rencontre improbable de Paco, un vieux monsieur un peu fantasque qui propose de les prendre dans sa voiture lorsque leur van tombe en panne.
Pourquoi c’est bien: Parce que c’est un roman graphique solaire et touchant. Parce que c’est une BD dans laquelle beaucoup de lecteurs et lectrices devraient se reconnaître. Parce qu’elle parle de la routine qui peut s’installer dans un couple, mais aussi de la nécessité de rester fidèle à qui on est réellement. Parce que c’est un livre plein de sensibilité, d’humour et de légèreté. Parce que l’autrice espagnole Alicia Jaraba avait vraiment envie de faire un road movie en BD, afin de sortir ses personnages de leur zone de confort. Parce que pour représenter les angoisses d’Aimée, l’autrice a eu la bonne idée d’utiliser la métaphore de la plongée. Parce qu’Alicia Jaraba porte une grande attention aux expressions et aux regards de ses personnages et parvient à faire passer énormément d’émotions par le dessin.
A qui ça plaira: A tous ceux qui rêvent de faire un voyage en van.