J’ai déjà dit que je ne consultais que très peu de blogs, pourtant leur lecture est riche de profits. Je ne parle pas de la qualité des chroniques lues, chacun aura son avis et aura bien raison ; non, ce qui est très intéressant c’est de constater la manière dont les romans sont appréhendés par certains, d’un point de vue émotionnel.
Un bon sujet de réflexion mais qui va s’avérer difficile à formuler et je vous demande la plus grande indulgence pour ce qui va suivre ; je ne veux blesser personne, juste essayer de comprendre, or il me semble - l’absence de statistiques en ma possession sur les gestionnaires de blogs littéraires risquant de pénaliser mon analyse – qu’ils sont majoritairement tenus par des femmes, donc il en découle a priori que mes propos s’adressent à vous mesdames, pourtant ce n’est pas le but de la manœuvre.
J’ai vu des chroniques de livres où le rédacteur (je vais m’aligner sur le masculin pour éviter les ennuis ?) était comme au bord des sanglots, tout juste si par réflexe je n’ai pas essuyé l’écran de mon ordinateur souillé de pleurs imaginaires ! Moi aussi j’ai lu des romans encore récemment (et mon âge n’autorise pas à croire que je suis tombé de la dernière pluie) où mes yeux se sont embués à certains passages particulièrement émouvants ; je suis même heureux d’avoir encore ce type de réaction devant un morceau de littérature. Mais enfin, sachons raison garder, un moment fugace est compréhensible, pleurer toutes les larmes de son corps (ou presque) me paraît exagéré.
Peut-on, doit-on, s’impliquer autant dans la lecture d’un roman ? La question sera sans réponse car il y a ce qui devrait être et l’attitude incontrôlable de notre personnalité intime.
Si le roman est bien torché, il est normal qu’un lecteur soit effrayé, ému, révulsé, en colère etc. Ecrivain et lecteur ont rempli leur part du travail et repartent contents l’un de l’autre. Je comprends qu’un très jeune lecteur tombe dans l’excès, c’est le propre de la jeunesse de s’emballer pour un oui ou pour un non, mais nous ne parlerons ici que de lecteurs adultes.
Comme je ne peux pas parler au nom des autres lecteurs, je ne vais m’appuyer que sur mon propre cas. Quand je lis un roman, même quand il me subjugue, même s’il est basé sur une histoire réelle, un coin de mon cerveau sait toujours qu’il s’agit d’un roman, c’est-à-dire d’une fiction qui comme son nom l’indique, n’est pas la réalité vraie. Aussi, meurtres d’enfants, viols, incestes et autres horreurs restent pour moi du roman. Que ces évènements m’amènent à réfléchir à leur réalité dans la vraie vie, bien sûr, et certainement est-ce le but de l’écrivain, mais je ne vais pas m’effondrer pour autant à leur lecture dans un roman. Du moins n’est-ce encore jamais arrivé.
Quand je lis un roman, je le lis comme tel et mes critiques (positives ou négatives) ne viseront que le roman pas l’objet/sujet qui en est à l’origine. Dans ces conditions, seule une réflexion sans pathos excessif est acceptable à mes yeux. Le poids des larmes ne fera pas le poids du bouquin.
J’ai dit plus haut que la question de l’intensité de l’implication du lecteur dans un livre était sans réponse et on le comprend bien. Un lecteur donné, réagira de la même façon devant un livre ou un évènement de sa vie privée puisqu’il s’agit de sa personnalité propre : un hyperémotif chialera tout autant en lisant un roman triste, qu’à la vue d’un chaton minaudant dans une vidéo sur YouTube.
Pour ma part je reste persuadé que la qualité réelle d’un livre ne peut être jugée que si l’on parvient à gérer au plus serré ses propres sentiments.