Un dessin d'audience de Palix.
Le 22 mars 2016, la Belgique était ébranlée. Les attentats de Zaventem et du
métro Maelbeek endeuillaient cruellement le pays en ce matin de printemps. Traumatisaient non seulement les victimes directes, leurs proches, les personnes qui les ont secourues mais toutes celles qui en ont moralement souffert. Les différents
temps de la justice passés, le procès de ces attentats a débuté en décembre
2022 et a duré jusqu'à la fin de l'été 2023. L'ensemble des médias a évidemment
suivi de près les audiences qui se déroulaient dans le nouveau bâtiment du
Justitia. Ils ont fait entendre la présidente de la Cour d'Assises, les procureurs, les
témoins, les accusés et bien entendu les avocats.
Mère de Léonor, sa deuxième fille gravement blessée lors de l'attentat du
métro,
Sophie Pirson donne
dans
"Quatre saisons plus une, carnet de bord du procès des attentats de Bruxelles" (L'arbre à
paroles, collection "If", 200 pages) un contrepied à cette voix "officielle".
"Tendre l'oreille au silence pour écouter ce qui ne se dit pas." Elle a
régulièrement suivi le procès en tant que mère de victime. Une
fois par semaine, quasiment toujours le jeudi. Elle y a tenu un carnet de bord
dont elle nous partage de nombreuses pages. Les faits lors des audiences principalement mais aussi ses commentaires dont
cette surprise de ne pas avoir anticipé
"l'indécence de certains défenseurs". Mais en tant que mère de victime,
son récit commence naturellement avant l'ouverture du procès. Quand elle a rencontré une mère de
djihadiste. Quand elle a participé aux réunions des groupes de victimes. Quand elle a commencé à réfléchir sur la question du pardon. Elle nous le partage.
"Je lui explique que j'écris un journal de bord des coulisses du procès où se dessinera en lame de fond la question du pardon."
Sophie Pirson.
Pendant le procès,
Sophie Pirson promène son regard sur ceux et
celles à qui on pense, les victimes et leurs proches, et à qui on ne pense pas
nécessairement, le public, le dessinateur, le personnel en poste au Justitia,
assistants de justice, secouristes, policiers. Elle converse avec toutes ces
personnes aux cordons de couleur différente selon leur statut, dans le
bâtiment, dans l'"Annexe" réservée aux victimes ou ailleurs. Des échanges qui
font naître chez le lecteur beaucoup d'émotions et beaucoup de questions, dont celles de la
haine et du pardon, de la prévention et de la reconstruction, du témoignage et
de la vérité.
"Il faut retenir le nom des victimes, pas celui du tueur." Témoignant aussi de ce qui se passe en dehors de la salle
d'audience, cette "île", par exemple ce SDF bien organisé croisé quasi chaque
semaine près de la gare du Luxembourg depuis le bus qui l'y mène,
Sophie Pirson place son
récit dans un champ plus vaste que celui de la justice, celui de nos sociétés.
Ses compte-rendus sont entrecoupés d'interludes, formes plus littéraires
d'éléments factuels comme les mots des victimes ou associations d'idées à
l'occasion de rencontres et d'échanges. Elle assemble ainsi un patchwork d'humanités diverses.
Ces
"Quatre saisons plus une" se
terminent avec l'achèvement du procès et la lecture par la présidente Laurence
Massart des réponses du jury d'assises aux 287 questions qui lui avaient été
posées. Le livre est complété des mots de Sophie Pirson, écrits à sa fille
blessée lors de l'attentat, et d'un bref exposé des accusés
présents au procès à Bruxelles.