Mme McGinty est morte • Agatha Christie

Par Bénédicte

Éditions Le livre de poche, 2023 (312 pages)

Ma note : 14/20

Quatrième de couverture ...

Assassiner une vieille dame pour lui voler trente livres, c'est d'un sordide ! Un crime aussi vulgaire ne peut intéresser l'illustre Hercule Poirot, à moins que la police ne fasse fausse route depuis le début...

La première phrase

" Hercule Poirot sortit de chez Grand-Mère et se retrouva sur un trottoir de Soho. La soirée n'était pas froide mais, prudence étant mère de sûreté, il releva le col de son pardessus. "

Mon avis ...

Notre célèbre détective à moustaches doit en convenir : sa passion pour la culture des courges est un véritable fiasco. N'est pas jardinier qui veut ! Poirot s'adonne donc à un nouveau passe-temps, celui des plaisirs gustatifs. En fin gourmet, il apprécie plus que tout soigner ses papilles et son estomac. Mais, une fois repu, comment meubler l'heure de la retraite tout en mettant à contribution ses petites cellules grises ? Fort heureusement, le superintendant Spence vole au secours de notre héros. Il lui propose une affaire où il s'agit d'innocenter un certain James Bentley, soupçonné d'avoir supprimé sa logeuse : la (trop) bavarde Mme McGinty.

Ouvrir un roman d'Agatha Christie reste pour moi un rituel réconfortant dont je ne me lasserai jamais. Je déguste ainsi chaque enquête mettant en scène Hercule Poirot, à la manière d'un carré de chocolat. Il faut dire que Dame Agatha n'a pas son pareil pour nous concocter des histoires alambiquées qui tiennent en haleine. Et que dire de son héros ? Aussi antipathique qu'il puisse être par certains côtés (sa grande modestie en est un exemple !), Hercule Poirot est un personnage auquel je me suis attachée. Et j'aime également retrouver les autres personnages récurrents de cette série de romans policiers (le capitaine Hastings, Miss Lemon, mais aussi Mrs Ariadne Oliver).

La Reine du crime nous présente pourtant ici un Poirot vieillissant, qui commence (on le ressent) à l'agacer. Elle le fait d'ailleurs savoir au lecteur par la voix de Mrs Oliver, qui pourrait peut-être être son double littéraire. Celle-ci, elle-même autrice, nous fait ainsi savoir combien son détective finlandais peut l'accaparer au quotidien, mais aussi profondément l'ennuyer.

Déjà aperçue dans le roman Cartes sur table, le personnage d' Ariadne Oliver gagne en épaisseur. Elle nous est présentée comme une femme d'âge moyen à l'imagination débordante, préférant la compagnie des livres à celle des hommes, avec un côté quelque peu décalé mais parfois amusant. Grande amatrice de pommes, il lui arrive parfois d'en renverser des sacs entiers ! Si je lui préfère le capitaine Hastings, il est vrai que j'aime retrouver la fantaisie de son personnage. L'amitié qu'elle voue à notre héros est en tout cas vraie et sans chichis.

Publié en 1952, Mme McGinty est morte nous embarque dans une intrigue complexe. Quatre pistes nous sont proposées, prenant racine dans plusieurs faits divers. Pourquoi Mme McGinty avait-elle gardé ces coupures de journaux relatant des événements lointains ? Que savait-elle ? Son décès est-il lié à l'une de ses affaires, et si oui laquelle ? Agatha Christie s'amuse ici à multiplier les fausses pistes, ce qui peut d'ailleurs créer des nœuds au cerveau lorsqu'il s'agit de resituer chaque nom, chaque piste, tout l'associant au fait divers correspondant.

De l'humour, il y en a à foison ! Ainsi, Mrs Oliver entre en scène grâce à un trognon de pomme atterrissant tout bonnement sur Poirot. Les nerfs de notre détective belge sont quant à eux mis à rude épreuve lorsqu'il se voit offrir l'hospitalité dans une horrible pension de famille, où tout n'est que fracas et désordre.

En bref, même si Mme McGinty est morte ne fait pas partie de mes Poirot favoris, je n'ai une nouvelle fois pas boudé mon plaisir. J'ai d'ores et déjà hâte de retrouver notre héros à la moustache en croc puisque je compte lire Les indiscrétions d'Hercule Poirot au printemps prochain.

Extraits ...

" Je suis Hercule Poirot, dit Poirot avec cet air gêné qui sied à toute Altesse royale dans l'obligation de décliner son identité. "

" Poirot s'attarda un instant à la barrière afin de passer la main sur sa moustache. Un petit coupé automobile descendait doucement la colline en slalomant comme il se livrait à cet exercice délicat, et un trognon de pomme, lancé d'une main ferme, vint lui frapper la joue.
Outragé, Poirot laissa échapper un cri de protestation. La voiture pila net et une tête hirsute jaillit par la vitre baissée :
- Je suis navrée... Je vous ai touché ?
Poirot retint la réplique bien sentie qui lui était venue. Ce visage non dépourvu de noblesse, ces épais sourcils en bataille et cette tignasse grisonnante éveillaient en lui des souvenirs. Le trognon de pomme, lui aussi, vint au secours de sa mémoire.
- Mais je ne me trompe pas ! s'écria-t-il. C'est madame Oliver !
Il s'agissait bien, en effet, du célèbre auteur de romans policiers.
Après s'être exclamée : "Nom d'un petit bonhomme, mais c'est monsieur Poirot !", elle se mit en devoir de s'extirper. "