Dors ton sommeil de brute - Carole Martinez ♥♥♥♥♥
GallimardLa BlancheParution : 15/08/2024Pages : 400
ISBN : 9782072929861Prix : 22 €
Présentation de l'éditeur
« Un long hurlement, celui d’une foule d’enfants, secoue la planète. Dans les villes, le Cri passe à travers les murs, se faufile dans les canalisations, jaillit sous les planchers, court dans les couloirs des tours où les familles dorment les unes au-dessus des autres, le Cri se répand dans les rues. »
Un rêve collectif court à la vitesse de la rotation terrestre. Il touche tous les enfants du monde à mesure que la nuit avance.
Les nuits de la planète seront désormais marquées par l’apparition de désordres nouveaux, comme si les esprits de la nature tentaient de communiquer avec l’humanité à travers les songes des enfants.
Eva a fui son mari et s’est coupée du monde. Dans l’espace sauvage où elle s’est réfugiée avec sa fille Lucie, elle est déterminée à se battre contre ce qui menace son enfant durant son sommeil sur une Terre qui semble basculer.
Comment lutter contre la nuit et les cauchemars d’une fillette ?
Carole Martinez
Carole Martinez, née en 1966, est romancière et professeure de français. Son premier roman, "Le cœur cousu", a été récompensé par quinze prix littéraires, dont le prix Renaudot des lycéens en 2007. Son deuxième roman, "Du domaine des murmures", a lui aussi été acclamé par la critique. Publié en 2011, il a notamment reçu le prix Goncourt des lycéens. En 2016, Carole Martinez a publié "La Terre qui penche", qui témoigne a nouveau de son immense talent, de cet univers si singulier, entre magie et songe, sensualité et violence, petite et grande Histoire.Source : Gallimard
Mon avis
C'est le cinquième roman de Carole Martinez, le titre "Dors ton sommeil de brute" est le titre d'un vers emprunté à Baudelaire - "Le goût du néant" dans "Les fleurs du mal". Il est bien question de sommeil, du sommeil paradoxal, celui des rêves explorés dans ce récit merveilleux.
Un cri retenti dans la nuit, à 1h48 très précisément, un cri celui d'un cauchemar, celui de Lucie mais aussi celui de tous les enfants de la terre, il devient le hurlement du monde et le rythme est la rotation de la terre. C'est le commencement d'une série de dix rêves qui vont bouleverser le monde entraînant des catastrophes d'une ampleur gigantesque. Des rêves éveillés provoquant des cataclysmes.
Eva est neurologue, spécialiste du sommeil et des rêves, elle est devenue mère plus pour faire plaisir à Pierre, elle ne le voulait pas mais lors de son accouchement, tout a changé et un lien très fort s'est tissé avec Lucie, sa fille qui devient son amour, son horizon.
On les retrouve 8 ans plus tard dans une petite maison dans un territoire sauvage, celui de la Camargue. Eva et Lucie ont fui la violence de Pierre, la violence du monde. Lucie est en véritable communion avec la nature, elle se sent bien ici dans les marais de Camargue mais comme les autres enfants, elle rêve, cauchemarde et des choses étranges arrivent.
Un géant roux, Serge, vit en ermite juste à côté, il n'a pas été épargné par la vie, il est meurtri, cabossé de l'intérieur, il va être sensible à la petite Lucie et son amour de la nature. Il écoute sa petite radio qui le relie au monde et comprend que les phénomènes qui arrivent à proximité de lui ne sont pas isolés, il les décode, visionnaire, sensible à la douleur du monde et de notre terre.
Carole Martinez nous emmène dans une dystopie, un monde onirique mais aussi dans un monde réaliste, un univers de conte, très poétique, avec l'envol des oies, le géant roux.
On retrouve une thématique chère à l'autrice, l'apprentissage de la vie, des femmes qui se veulent libres et héroïques, Eva et Lucie mais aussi notre planète qui veulent se libérer de toutes ces violences faites, l'amour maternel le plus fort, la notion de transmission.
L'écriture de Carole Martinez est superbe, fluide, poétique, elle touche au merveilleux. La lire c'est entrer dans une bulle intemporelle, loin du reste du monde et pourtant si proche, une histoire qui devient universelle.
Un coup de coeur, une plume unique et sublime.
Les jolies phrases
Est-ce que porter la vie me rapproche de la mort ?
Finalement, pour être heureux, en harmonie, il suffisait de s'abandonner à ce que l'instant proposait.
J'avais été son tout et j'avais aimé ça.
Seul un rêve peut défier la physique.
Elle m'a mise au monde en naissant. Elle était à la fois mes racines et ma canopée, la source et l'embouchure, elle était le mouvement de toutes les rivières qui me parcouraient, elle m'offrait la beauté et la joie de vivre. Elle m'avait multipliée.
Ce qui n'est pas dit n'existe pas !
Les secrets s'éventent toujours.
Je redécouvrais les choses de la vie à travers les yeux de ma fille. Le monde était plus vaste à hauteur d'enfant. Le moindre insecte devenait démesuré et, si on les observait assez longtemps, les cailloux eux-mêmes murmuraient une voix poétique, un chemin de Petit Poucet, que nous suivions ensemble sans nous soucier de l'endroit où il menait, ni du temps qui courait. Je me goinfrais de ces instants que m'offrait ma fille, je vibrais doublement, je m'étais multipliée depuis sa naissance.
Comme il fallait être en confiance pour s’abandonner ainsi à la nuit et accepter de perdre connaissance ! Tout pouvait arriver durant ce temps où, sans défense, nous laissions nos corps à quai et voguions ailleurs
Finalement, pour être heureux, en harmonie, il suffisait de s’abandonner à ce que l’instant proposait.
Comment se faisait-il que j'aie envie de m'éloigner d'elle, alors qu'elle était ma vie, ma tendresse, ma folie, alors qu'elle seule m'émouvait ?
Oh ! maman ! Si on pouvait faire ça avec sa vie ! Tirer sur le fil, tout défaire et recommencer. On ne peut pas reprendre le fil de sa vie pour s'en tricoter une autre.
Si l'on savait comment se défaire de nos tourments, s'il suffisait de tirer sur un fil et de tout rembobiner pour remettre le ciel en pelote.
Pourtant un jour, en vieillissant, je ne serais plus à la hauteur et je la décevrais. Je disparaîtrais de son coeur, elle ne volerait plus vers moi au matin, elle aurait d'autres amours qui, peu à peu, m'effaceraient, et elle m'en voudrait de ne plus arriver à m'aimer avec cette force de l'enfance. Elle m'en voudrait de la fin de l'amour éternel, de la fin de cette fusion qu'elle aurait elle-même exigée, elle m'en voudrait de vieillir, d'avoir mal dans mon corps de vieille dame, d'oublier les choses, nos souvenirs communs, d'oublier son prénom, de relâcher mes entrailles et de tout laisser partir, elle m'en voudrait de ne plus la reconnaître, de ne plus me reconnaître et de devoir partager ma fin de vie. Elle m'en voudrait que tout s'efface, que tout finisse, même l'amour. Cette odeur qu'elle avait sur le corps était le parfum du désamour et il me changeait en bête fauve.
Du même auteur j'ai lu et chroniqué
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GallimardLa BlancheParution : 15/08/2024Pages : 400
ISBN : 9782072929861Prix : 22 €
Présentation de l'éditeur
« Un long hurlement, celui d’une foule d’enfants, secoue la planète. Dans les villes, le Cri passe à travers les murs, se faufile dans les canalisations, jaillit sous les planchers, court dans les couloirs des tours où les familles dorment les unes au-dessus des autres, le Cri se répand dans les rues. »
Un rêve collectif court à la vitesse de la rotation terrestre. Il touche tous les enfants du monde à mesure que la nuit avance.
Les nuits de la planète seront désormais marquées par l’apparition de désordres nouveaux, comme si les esprits de la nature tentaient de communiquer avec l’humanité à travers les songes des enfants.
Eva a fui son mari et s’est coupée du monde. Dans l’espace sauvage où elle s’est réfugiée avec sa fille Lucie, elle est déterminée à se battre contre ce qui menace son enfant durant son sommeil sur une Terre qui semble basculer.
Comment lutter contre la nuit et les cauchemars d’une fillette ?
Carole Martinez
Carole Martinez, née en 1966, est romancière et professeure de français. Son premier roman, "Le cœur cousu", a été récompensé par quinze prix littéraires, dont le prix Renaudot des lycéens en 2007. Son deuxième roman, "Du domaine des murmures", a lui aussi été acclamé par la critique. Publié en 2011, il a notamment reçu le prix Goncourt des lycéens. En 2016, Carole Martinez a publié "La Terre qui penche", qui témoigne a nouveau de son immense talent, de cet univers si singulier, entre magie et songe, sensualité et violence, petite et grande Histoire.Source : Gallimard
Mon avis
C'est le cinquième roman de Carole Martinez, le titre "Dors ton sommeil de brute" est le titre d'un vers emprunté à Baudelaire - "Le goût du néant" dans "Les fleurs du mal". Il est bien question de sommeil, du sommeil paradoxal, celui des rêves explorés dans ce récit merveilleux.
Un cri retenti dans la nuit, à 1h48 très précisément, un cri celui d'un cauchemar, celui de Lucie mais aussi celui de tous les enfants de la terre, il devient le hurlement du monde et le rythme est la rotation de la terre. C'est le commencement d'une série de dix rêves qui vont bouleverser le monde entraînant des catastrophes d'une ampleur gigantesque. Des rêves éveillés provoquant des cataclysmes.
Eva est neurologue, spécialiste du sommeil et des rêves, elle est devenue mère plus pour faire plaisir à Pierre, elle ne le voulait pas mais lors de son accouchement, tout a changé et un lien très fort s'est tissé avec Lucie, sa fille qui devient son amour, son horizon.
On les retrouve 8 ans plus tard dans une petite maison dans un territoire sauvage, celui de la Camargue. Eva et Lucie ont fui la violence de Pierre, la violence du monde. Lucie est en véritable communion avec la nature, elle se sent bien ici dans les marais de Camargue mais comme les autres enfants, elle rêve, cauchemarde et des choses étranges arrivent.
Un géant roux, Serge, vit en ermite juste à côté, il n'a pas été épargné par la vie, il est meurtri, cabossé de l'intérieur, il va être sensible à la petite Lucie et son amour de la nature. Il écoute sa petite radio qui le relie au monde et comprend que les phénomènes qui arrivent à proximité de lui ne sont pas isolés, il les décode, visionnaire, sensible à la douleur du monde et de notre terre.
Carole Martinez nous emmène dans une dystopie, un monde onirique mais aussi dans un monde réaliste, un univers de conte, très poétique, avec l'envol des oies, le géant roux.
On retrouve une thématique chère à l'autrice, l'apprentissage de la vie, des femmes qui se veulent libres et héroïques, Eva et Lucie mais aussi notre planète qui veulent se libérer de toutes ces violences faites, l'amour maternel le plus fort, la notion de transmission.
L'écriture de Carole Martinez est superbe, fluide, poétique, elle touche au merveilleux. La lire c'est entrer dans une bulle intemporelle, loin du reste du monde et pourtant si proche, une histoire qui devient universelle.
Un coup de coeur, une plume unique et sublime.
Les jolies phrases
Est-ce que porter la vie me rapproche de la mort ?
Finalement, pour être heureux, en harmonie, il suffisait de s'abandonner à ce que l'instant proposait.
J'avais été son tout et j'avais aimé ça.
Seul un rêve peut défier la physique.
Elle m'a mise au monde en naissant. Elle était à la fois mes racines et ma canopée, la source et l'embouchure, elle était le mouvement de toutes les rivières qui me parcouraient, elle m'offrait la beauté et la joie de vivre. Elle m'avait multipliée.
Ce qui n'est pas dit n'existe pas !
Les secrets s'éventent toujours.
Je redécouvrais les choses de la vie à travers les yeux de ma fille. Le monde était plus vaste à hauteur d'enfant. Le moindre insecte devenait démesuré et, si on les observait assez longtemps, les cailloux eux-mêmes murmuraient une voix poétique, un chemin de Petit Poucet, que nous suivions ensemble sans nous soucier de l'endroit où il menait, ni du temps qui courait. Je me goinfrais de ces instants que m'offrait ma fille, je vibrais doublement, je m'étais multipliée depuis sa naissance.
Comme il fallait être en confiance pour s’abandonner ainsi à la nuit et accepter de perdre connaissance ! Tout pouvait arriver durant ce temps où, sans défense, nous laissions nos corps à quai et voguions ailleurs
Finalement, pour être heureux, en harmonie, il suffisait de s’abandonner à ce que l’instant proposait.
Comment se faisait-il que j'aie envie de m'éloigner d'elle, alors qu'elle était ma vie, ma tendresse, ma folie, alors qu'elle seule m'émouvait ?
Oh ! maman ! Si on pouvait faire ça avec sa vie ! Tirer sur le fil, tout défaire et recommencer. On ne peut pas reprendre le fil de sa vie pour s'en tricoter une autre.
Si l'on savait comment se défaire de nos tourments, s'il suffisait de tirer sur un fil et de tout rembobiner pour remettre le ciel en pelote.
Pourtant un jour, en vieillissant, je ne serais plus à la hauteur et je la décevrais. Je disparaîtrais de son coeur, elle ne volerait plus vers moi au matin, elle aurait d'autres amours qui, peu à peu, m'effaceraient, et elle m'en voudrait de ne plus arriver à m'aimer avec cette force de l'enfance. Elle m'en voudrait de la fin de l'amour éternel, de la fin de cette fusion qu'elle aurait elle-même exigée, elle m'en voudrait de vieillir, d'avoir mal dans mon corps de vieille dame, d'oublier les choses, nos souvenirs communs, d'oublier son prénom, de relâcher mes entrailles et de tout laisser partir, elle m'en voudrait de ne plus la reconnaître, de ne plus me reconnaître et de devoir partager ma fin de vie. Elle m'en voudrait que tout s'efface, que tout finisse, même l'amour. Cette odeur qu'elle avait sur le corps était le parfum du désamour et il me changeait en bête fauve.
Du même auteur j'ai lu et chroniqué
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