Peter Parker aussi est un nostalgique; c'était mieux avant. En tous les cas, la vie était plus simple. Et pourtant, nous ne parlons pas d'une époque où l'existence était de tout repos et sans danger. Mais les premiers combats de Spider-Man avaient cet air faussement innocent et naïf, qui ont fait de l'époque de Stan Lee, Steve Ditko puis John Romita Sr, un souvenir inégalable et inoubliable pour tant de lecteurs. Puis est arrivé le grand drame qui marqua à jamais le destin du personnage, la mort de Gwen Stacy, la jolie blonde, la petite amie idéale, même si plus tard Peter se mariera avec Mary Jane Watson. Rien ne lui fera jamais oublier ce premier amour bouleversant, qui continue de le hanter comme une ombre. C'est la raison pour laquelle il monte parfois dans son grenier, les jours de Saint-Valentin, enregistrer sur cassette de petits discours, qui sont destinés à celle qui n'est plus. Ce prétexte est idéal pour permettre à Jeph Loeb de revenir sur ces années magiques de Peter Parker, entre un combat contre le Bouffon Vert et l'emménagement dans son premier appartement, en tant que colocataire du fils de son ennemi (Harry Osborn), sans négliger la rencontre inopinée de l'affriolante Mary-Jane et la tentative maladroite de séduire Gwen Stacy… C'est toute notre jeunesse, mais aussi celle du neveu de May Parker, qui est ici revue et corrigée, tout en conservant un grand respect du matériau d'origine, le long de six épisodes qui suintent la classe, l'amour des comics, et le regret des certains reflexes narratifs, qui aujourd'hui n'ont plus cours. Spider-Man Blue comme le blues qui résonne dans le cœur de ceux qui se souviennent et qui parfois se penchent en arrière, pour se remémorer ces instants fondateurs.
Si cette histoire fonctionne aussi bien, c'est aussi parce que le talent du scénariste s'accorde parfaitement avec les dessins du regretté Tim Sale. Celui-ci offre une version merveilleuse des potentielles petites amies de Peter Parker : Mary-Jane est pétillante et magnétique, Gwen est d'une beauté naturelle à couper le souffle. Les deux merveilles sont qui plus est affublées d'une garde-robe vintage et à couper le souffle, qui les rendent à jamais iconiques. Peter a bien du mal à choisir et tout le microcosme qui gravite autour de lui est attachant, dépeint avec justesse. Ainsi sont amenés sous les feux des projecteurs Flash Thompson, Harry Osborn, la tante May ou les criminels costumés comme Kraven et le Vautour. Les pièces du puzzle s'assemblent avec perfection aussi bien au niveau de la narration, que du côté de la partie graphique, qui lorgne vers la ligne claire et la poésie à l'état pur. Ce sont des choses que nous avons déjà lues et déjà vues, mais présentées sous un aspect retravaillé qui enchante. Après une approche similaire sur Daredevil (Yellow/Jaune, coté code couleur) Loeb et Sale choisissait ici d'évoquer le passé à travers les premiers frémissements sentimentaux de Peter Parker, ce qui humanise fortement une trame très sensible. Le lecteur moderne réalise alors combien le duo Lee et Romita a été fondamental, non seulement dans l'histoire du Tisseur de toile, mais tout simplement des comics moderne : c'est une leçon magistrale sur comment écrire une histoire, comment faire sentir au lecteur les personnages aussi proches de lui, comment mélanger soap opera et super héroïsme en conservant une tension continue. Certes, Bleu a été réédité sous différents formats (y compris très économiques) mais Panini propose cette fois un splendide écrin à la hauteur du contenu, que ce soit avec le rendu des couleurs que le format choisi. Pour une des trois ou quatre aventures de Spider-Man que tout le monde se devrait de posséder dans sa bibliothèque.
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